L’inauguration du Service de Soins et de réadaptation (SRR) de Petite Terre, dédié notamment à la maternité, aux 1ères urgences et aux soins médicalisés, était l’occasion de donner la parole à celui dont il portera le nom, le docteur Martial Henry. En deuil pour avoir perdu son frère la veille, ce dernier tenait à exprimer avec force sa reconnaissance envers ceux qui ont porté le projet, « Alain Daniel, qui fut directeur du CHM pendant 10 ans, Fadul Ahmed, ancien conseil général de Pamandzi, qui ont été les pionniers de la construction de cet hôpital de Petite Terre, destiné à remplacer celui de Pamandzi et à devenir un Service de Soins et de réadaptation. » Le médecin de 90 ans saluait aussi la mobilisation des maires de Dzaoudzi et de Pamandzi pour avoir « libéré le foncier ». En effet, l’actuel maire de Dzaoudzi Said Omar Oili était alors président du conseil général en 2006 quand il fait voter une délibération pour libérer du foncier à destination de l’hôpital… à Pamandzi. « Un acte vécu comme une trahison dans mon canton », nous rappelait-il.
Le bâtiment dont Manuel Vals avait posé la 1ère pierre a mis 6 ans pour être opérationnel, l’arrivée de l’ESCRIM l’année dernière lui avait donné un début de vie. L’investissement de 27 millions d’euros est financé majoritairement par des fonds européens, auxquels il faut rajouter le ministère de la Santé.
L’engorgement de l’offre de soins en raison d’une démographie croissante et d’une sous-dotation en infrastructures avait incité le président de la République à annoncer la construction d’un 2ème hôpital en Grande Terre. Il verra le jour, assure Sébastien Lecornu, « les sommes sont inscrites dans la loi de finances et le choix du terrain doit être arrêté dans les semaines qui viennent. » Pour le docteur Martial henry, il faut « décongestionner la capitale », en l’installant « dans le centre de l’île ».
Record national de désert médical à Mayotte
Ces nouveaux murs, il va falloir y mettre des soignants dedans. Or, nous avons révélé les difficultés actuelles du bloc opératoire qui pourrait fermer dès le mois prochain faute d’infirmiers anesthésistes et d’infirmiers de bloc suffisants. Répondant à notre interrogation, le ministre évoquait un « problème national », et qui répond à Mayotte encore davantage qu’ailleurs à l’attractivité du territoire. Les statistiques montrent que nous battons des records avec 94 pour 100.000 habitants à Mayotte, contre 256 en Guyane et 437 en moyenne nationale (Source : Ordre National des Médecins). « La levée du numerus clausus apporte une réponse mais que dans 9 ans. Et quand je demande aux soignants depuis combien de temps ils sont sur le territoire, c’est soit 15 à 20 ans, soit 6 mois à un an, c’est un problème d’attractivité ».
Comme en écho à Martial Henry qui avait pointé à notre micro l’insécurité et le niveau scolaire, le ministre assurait qu’il ne s’agit pas d’un problème de rémunération, « les postes sont ouverts, mais il n’y a pas de candidats », mais de contexte, « le soignant regarde ce qu’il peut proposer à son conjoint ou sa conjointe, le niveau de sécurité du territoire et d’éducation. Donc pour que Mayotte redevienne attractive et attire les meilleurs agents, on en revient aux sujets abordés les jours précédents, notamment la sécurisation du territoire.
Le 3ème grand sujet, c’est le niveau encore trop faible de vaccination à Mayotte. « Aux Antilles, on a perdu 20 ans de moyenne d’âge chez les patients. Un jeune homme de 25 ans est intubé en réanimation et se bat pour survivre, et à côté d’une femme enceinte du même âge. Ils n’étaient pas vaccinés. » Attention, ça guette ici !
« Je n’ai pas été entendu en Polynésie »
Sur l’idée qu’une épidémie épargnant un territoire qui serait immunisé par la 2ème grosse vague de février, le ministre doute : « Vous aviez été fortement touché par le variant sud-africain. Or, plus a souche initiale varie, moins on sait de choses sur le nouveau virus. Ce qu’on sait par contre, c’est que même si certains l’ont eu 3 fois après avoir été vaccinés, on ne note aucune forme grave chez eux. » En regardant dans le rétroviseur, le ministre déplore de ne pas avoir été entendu en Polynésie lors de son déplacement en mai, « on voit le résultat ». Il incite à faire de « l’aller vers », « c’est ce que préconise le président de la République », et alors que chez nous, la rentrée scolaire a eu lieu, « une rentrée réussie mais qui va inévitablement provoquer des brassages, nous mettons donc en place des campagnes de vaccination dans les établissements scolaires. » Il appelait les élus à se faire le relais de cette incitation au vaccin, « après la responsabilité collective, il y a la responsabilité individuelle ».
C’est au lycée de Pamandzi qu’a été inauguré le 1er de ces centres de vaccination scolaire. Avec des infirmières scolaires seringues en main aux côtés des soignants de la réserve sanitaire, accueillant le ministre, la directrice générale de l’ARS Mayotte et le recteur Gilles Halbout. C’était aussi pour le locataire de la rue Oudinot l’occasion de constater que Mayotte n’avait pas attendu la doctrine présidentielle pour « aller vers ». Illustration avec Barbara Massez, Infirmière de renfort du Service veille et sécurité sanitaire, qui se rend dans les quartiers inaccessibles : « Nous rencontrons des populations très demandeuses de connaissance en santé, avec notamment des mahorais, qui ont des papiers en règle, mais qui sont éloignés des centres de soins. Avant d’arriver pour vacciner, nous mobilisons le maire, les CCAS, les associations pour diffuser l’information, avant que les médiateurs de santé s’y rendent avec des groupes électrogènes pour épauler les équipements sanitaires. Beaucoup de mineurs demandent à être vaccinés. »
Si au lycée de Pamandzi et ses 2.000 élèves, beaucoup sont vaccinés, comme faisait remarquer Gilles Halbout, « on a affaire à des parents informés », l’opération va se poursuivre dans les collèges, « dès le 13 septembre. »
Pour une des dernières séquences de son déplacement, Sébastien Lecornu disait repartir à la fois « plein d’espoirs », car « beaucoup de sujets ont obtenu des réponses », à la fois inquiet, « sur l’état de la vaccination au regard d’une nouvelle vague probable. »
Anne Perzo-Lafond