La semaine du 17 juillet, 9 nouveaux cas étaient détectés, contre 141 la semaine du 27 août. Ce lundi 6 septembre, le taux d’incidence a largement dépassé le seuil d’alerte des 50 cas pour 100.000 habitants et le taux de positivité est supérieur à 3%. Surtout, le R0 est à 1,54, c’est à dire qu’un effet boule de neige est à craindre, 1 personne pouvant en contaminer plus d’une autre, « nous n’avions pas vu ça depuis mars 2020 », indique Stéphanie Fréchet, qui assure l’interim à la direction de l’ARS Mayotte. Le variant Delta est présent dans 95% des échantillons, « et quelque soit la tranche de population. Tout le monde est touché. »
Cette dégradation est accompagnée, voire provoquée, par un relâchement dans les gestes barrière, « la preuve, les épidémies de gastroentérites ont repris, signe que le lavage des mains n’est plus pratiqué. Sur les 6 personnes actuellement hospitalisées au CHM, l’une est en réanimation, avec des caractéristiques de comorbidité, hypertendue et non vaccinée », rajoute la directrice de l’ARS. Le ministre Lecornu l’a répété, « aux Antilles, c’est une épidémie de non vaccinés. » La vaccination s’avère donc une nouvelle fois un bouclier indispensable, « une mesure barrière capitale », qui n’empêche pas d’attraper le virus, mais en atténue la gravité. Or, les autorités constatent une vraie décélération en la matière, contrairement au dynamisme observé avant la rentrée scolaire. Cette vague marquée de 1ère dose se traduit par une forte demande de 2ème dose, mais moins que proportionnelle, « 1.800 personnes manquent à l’appel pour la 2ème dose ». Rappelons que même après avoir dépassé l’échéance, elle peut être administrée et reste efficace.
Capacité de dépistage jusqu’à 12.000 par semaine
Si ces alertes à la vaccination n’ont pas de réponse suffisante, une nouvelle catastrophe sanitaire pourrait toucher l’île, « nous avions eu 113 morts en 3 mois de janvier à avril. » Et étant donné que les forces vives du pays en matière sanitaire sont mobilisées sur les Antilles, « nous ne disposons pas du recours au service de santé des armées, par exemple ».
Le préfet Thierry Suquet mettait en avant la progression des mesures sanitaire depuis l’année dernière : « La capacité de dépistage est de 12.000 tests par semaine, 65.000 personnes ont un schéma vaccinal complet et presque 100.000 ont reçu une première dose. De nombreux centres de vaccination ont été ouverts, et nous avons développé ‘l’aller vers’ avec des équipes mobiles qui se rendent dans les villages. » C’est une des particularité de cette nouvelle épidémie qui touche les plus jeunes, « nous avons perdu 20 ans en moyenne d’âge », a souligné le Ministre Lecornu, donc davantage d’asymptomatiques, de même que parmi les vaccinés ou ceux qui ont déjà eu le variant sud-africain, ce qui implique que dans « le département au taux de dépistage le plus bas de France », il faille programmer des opérations de dépistage aléatoires, « nous le mettons en place », indique Stéphanie Fréchet.
Aux mesures existantes de contrôles sanitaires aux frontières en provenance des Comores, « avec dépistage systématique », ou de Pass sanitaire dans les restaurants – ce qui leur évite une nouvelle jauge – et pour les spectacles, se greffent de nouvelles.
Jauges de 50% dans les commerces et les lieux de culte
A compter de mercredi 8 septembre, entreront en vigueur les mesures suivantes :
– Port du masque obligatoire dans l’espace public, en intérieur et en extérieur
– Port du masque obligatoire en intérieur et en extérieur dans les collèges et lycées, en intérieur dans les écoles
– Jauges de 50 % de leur capacité dans les commerces
– Jauges dans les lieux de culte à hauteur d’une place sur deux neutralisée
– Interdiction de la musique amplifiée dans l’espace public
– Pratique du sport en intérieur soumise à la présentation du passe sanitaire pour les plus de 18 ans – pratique du sport dans les établissements scolaires sous réserve de l’application d’un protocole sanitaire strict (jauge et pratique limitée aux sports permettant une distance de 2 mètres entre les élèves)
– Interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes dans l’espace public, y compris les manzarakas et les voulés – sauf pour les événements appliquant le passe sanitaire sous réserve d’une autorisation préalable à solliciter auprès de la Préfecture, 10 jours avant l’événement (protocole sanitaire et description du dispositif de contrôle du passe à adresser à defense-protection-civile@mayotte.gouv.fr)
– Généralisation de la gratuité de l’eau aux bornes fontaines monétiques
Il est en outre fortement recommandé :
– aux employeurs de faciliter le télé-travail
– aux ménages de limiter à 6 personnes les invités extérieurs au foyer
Vacciner en milieu scolaire, le grand enjeu
La jeunesse étant moins épargnée par ce variant, des mesures spécifiques au milieu scolaire sont prises, en plus du protocole sanitaire de niveau 2 qui avait été pris en anticipation, révèle le recteur Gilles Halbout : « Le port du masque en intérieur et en extérieur, notamment dans la cour de récréation, est étendu aux abords des établissements scolaires en raison des gros regroupements qui y sont notés. Nous restons en vigilance extrême sur les nettoyages réguliers des salles de classes et en restauration, et j’appelle à ce que chacun veille à une bonne ventilation. »
Le véritable enjeu, c’est la vaccination chez les scolaires, avec une population dont la moitié à moins de 17,5 ans. « Le dispositif mis en place au lycée de Pamandzi se déploie dans tous les lycées et la semaine prochaine dans les collèges. Je rappelle qu’il faut impérativement l’accord des deux parents, quelque soit l’âge, alors qu’en métropole il n’est pas nécessaire pour les 16-18 ans. Cela permet de sensibiliser les parents et de travailler sur l’adhésion de la population. Certains sont venus se faire vacciner avec leurs enfants. » Lorsqu’un seul référent parental est noté, son autorisation suffira. « Nous espérons atteindre un rythme de croisière de plus 100 vaccination par jour et par établissement. » Aucun cluster n’est signalé dans l’éducation nationale, seul 12 cas d’enseignants, « il faut rester vigilants ». Le représentant de l’académie rappelait qu’un cas détecté dans le 1er degré impliquait la fermeture de la classe, et dans le second, le suivi des élèves, avec isolement ou pas selon qu’ils sont vaccinés. « Et la vaccination n’implique pas le relâchement des gestes barrière ». De grandes campagnes de dépistage seront programmées dans les établissements scolaires.
Les élus sont étroitement associés. Et se mobilisent, assure Madi Souf, président de l’Association des Maires de Mayotte : « Nous allons sensibiliser à la vaccination et aux gestes barrière, et ne plus délivrer d’autorisation pour les manzara et les mariages. Les prières devront se faire en suivant une jauge ».
En tant que 7ème VP du conseil départemental, Madi Velou affiche une grande détermination : « Nous devons avoir valeur d’exemple. Dès la semaine prochaine, nous ouvrirons des centres de vaccination au sein du conseil départemental pour le personnel », indique celui qui est vacciné depuis plusieurs mois, « et ouvrir des vaccinations dans les PMI. Des contrôles de port de masques dans les bus scolaires seront menés. »
La préfecture appelle « à la responsabilité de chacun », pour éviter de devoir mener des contrôles répétés, « la tâche des forces de l’ordre, c’est de lutter contre l’insécurité, et ils ont été très sollicités à Combani. Je demande à chacun d’agir en tant que citoyen. »
Anne Perzo-Lafond