Lancement des PPPE : 3 ans en immersion après le Bac pour préparer le concours de professeur des écoles

Désormais, les professeurs des écoles ont un cursus complet à Mayotte, avec une formation qui colle au terrain, comme c’est le cas dans 24 académie de France. Une montée en puissance qualitative qui était attendue dans le premier degré.

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PPPE, INSPE, professeur des écoles, MEEF, Mayotte
Ils sont 25 à intégrer cette nouvelle formule à Mayotte, 800 sur l'ensemble du pays

Il y a encore 10 ans, il arrivait qu’un enseignant du 1er degré parle majoritairement à ses élèves en shimaore. Un sous-préfet s’en était expliqué, « lorsqu’il y a eu une scolarisation de masse ici, l’Etat a recruté tous les volontaires, certains n’avaient qu’un bagage de 6ème ». S’en est suivi un faible niveau en français avec des élèves qui avaient du mal à comprendre les consignes. Depuis, le recrutement a monté en puissance, mais avec des difficultés pour trouver du personnel formé, les 20% de contractuels dans le premier degré sont là pour le rappeler tous les jours au rectorat. Et nous ne sommes pas les seuls, « beaucoup de territoires en métropole accusent un déficit d’enseignants », relevait le recteur Gilles Halbout.

Il était ce vendredi au lycée de Dembéni pour signer une convention qui inaugure une formation d’un nouveau genre : le Parcours Préparatoire au Professorat des Ecoles (PPPE ou 3PE), l’équivalent d’une classe préparatoire au concours des MEEF, les Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation, qui valide le professorat des écoles. « Nous sommes 24 académies sélectionnées pour inaugurer ce diplôme cette année », indiquait-il. Le ministère de l’Education nationale envisage de porter ce nombre à 60 l’année prochaine.

Des étudiants au parcours tout tracé car avec prés de 10.000 naissance par an, à la fin du cursus, leur petite entreprise ne connaitra pas la crise !

Signature de la convention par Abal-Kassim Cheik Ahamed, Aurélien Siri, Gilles Halbout et Michel Toumelin

Sagement assis sur leurs chaises, les 25 bacheliers qui vont intégrer la formation vont voir leur emploi du temps partagé entre le Centre universitaire où ils suivront les cours, et leur présence en classe au lycée de Dembéni où ils mettront en pratique leurs acquis. Ils pourront ensuite faire remonter leurs interrogations à leurs enseignants. Cette organisation à cheval entre deux établissements dont l’un relève de l’Education nationale et l’autre du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche impliquait une convention. Supervisé par l’INSPE, l’Institut national supérieur du Professorat et de l’Education, en charge de la formation des enseignants, dont la direction réunionnaise était représentée par Frédéric Tupin, Chargé de mission du projet Mayotte et ancien directeur de l’ESPE Réunion.

Un véritable engouement pour ces cursus proche du terrain

Ce dernier revenait sur l’énergie déployée par les uns et les autres depuis plusieurs mois pour arriver à ce résultat : « Alors que j’étais chercheur en éducation, en 1998, je découvrais l’école de Mayotte. Frappé par la lumière dégagée, je me suis demandé comment je pourrais aider. Plus de 20 ans après, j’ai eu la réponse en aidant à monter le MEEF ». Avec des fils conducteurs. « Un fil bleu tout d’abord, c’est Gilles Halbout, qui fut l’aiguillon de départ, qui nous a harcelés pour monter ce 3PE. Doublé d’un cheval fougueux, Abal-Kassim Cheik Ahamed, qui s’est battu pour ce projet. Puis, un fil de couleur rouge, celui de l’image de Mayotte, véhiculée de façon très négative sur les réseaux sociaux, contre laquelle je me bats, alors que l’île est en train de devenir une référence sur le terrain de l’expérimentation, et même un modèle. »

La preuve, la formation MEEF proposée spécifiquement à Mayotte depuis l’année dernière sous la forme d’une alternance intégrative, c’est à dire que la montée en puissance des élèves est progressive, jusqu’à la prise en main autonome d’une classe en passant par la pratique accompagnée. Une formation qui colle au terrain par rapport à celle proposée jusqu’alors en métropole, et qui pourrait faire tache d’huile en raison de ses « excellents » résultats. « Au niveau de notre pays, il faut redonner envie d’être enseignant, il en manque dans beaucoup d’académies ».

Et pour le proviseur du lycée de Dembéni, Michel Toumelin qui a commencé sa carrière comme instituteur il y a 40 ans, cette nouvelle formule tout terrain correspond à une demande : « Cette formation 3PE a séduit 800 étudiant sur l’ensemble de l’Hexagone et des Outre-mer alors même qu’ils étaient 10.000 à avoir formulé ce vœu. Il y a un véritable engouement. » Il s’engageait d’ailleurs à ne pas quitter l’île avant que le cursus de 3 ans n’ait emmené ces étudiants vers le concours MEEF, « pour vous accompagner ».

Le plus beau métier du monde au milieu de poètes

Premier cours en présence du recteur

La plupart des jeunes bacheliers présents – une grande majorité de filles – qui se lancent dans ces 3 années préparatoires, puis dans les deux années de MEEF, ont la vocation. C’est le cas de Faimida, qui a eu un Bac général au LPO de Kaweni, « j’ai toujours eu envie d’être professeur des écoles pour enseigner ce que je sais aux jeunes enfants », ou de Nouzoulati, « moi je suis habituée puisque je garde les enfants de ma tante et que je les aide à faire leurs devoirs ». Pour Faina, « c’est une opportunité, je n’ai pas été prise en licence de SVT option Santé », quant à Nimroi, qui a décroché une mention AB au Bac, elle se voyait « prof de lycée ou de collège », mais ça lui va, « du moment que j’enseigne ! » Quelques rares garçons se sont glissés dans la formation, « c’était mon 1er choix, sourit Ankoubou, j’aime bien les gosses, ce sont des poètes, ils savent des choses extraordinaires ». Un bon départ.

Dans cet esprit, Aurélien Siri, directeur du CUFR, reprenait la citation de Charles Peguy, « vous allez exercer le plus beau métier du monde, une mission fondatrice pour la société mahoraise, c’est une grande responsabilité ».

Une Marseillaise en deux langues chantée par les enfants de Dembéni, initiée par le maire Moudjibou

Le message diffusé par Gilles Halbout reste dans la droite ligne de son ambition depuis qu’il est arrivé sur l’île : « A Mayotte, il y a des difficultés, mais on continuera d’exploiter toutes les possibilités pour tendre vers le sommet. » Avec un parfum de ‘Gloire de mon père’ sur la beauté du rôle de l’instituteur,  le chef de l’académie accueillait les jeunes étudiants de la nouvelle filière avec l’ambition de « s’inscrire dans une Histoire de la démocratisation de l’enseignement, pour l’évolution de la manière d’enseigner, comme le fut dans la 3ème République la bascule vers l’école publique, obligatoire, gratuite et laïque. Ce fut un combat. » Il annonçait par ailleurs que l’université de plein exercice avait été validée pour Mayotte, « la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche devrait l’annoncer ».

Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental, a bien saisi l’enjeu, « cette labellisation s’inscrit pleinement dans la réponse à l’attractivité de Mayotte. Le conseil départemental sera toujours aux côtés des acteurs de la réussite éducative ».

La conclusion, c’est sur une citation de Jean Zay, qui fut ministre de l’Education nationale en 1936, que Gilles Halbout la souhaitait, toujours à destination des étudiants : « On élève un enfant pour qu’il vive et achève pleinement sa destinée, pour qu’il tire le meilleur parti de l’ensemble de ses aptitudes, pour qu’il soit lui-même au plus haut degré, sans gêner l’épanouissement des autres personnalités. »

Entre Jean Zay et Pagnol, les premières lectures conseillées aux élèves ne manquent pas d’ambition.

Anne Perzo-Lafond

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