Le conflit se joue au niveau national entre la direction de SFR et les syndicats, avec des retombées au niveau local. La CFDT Mayotte nous avait en effet alerté en mars 2021 sur l’intention de SFR de se séparer de 1.700 salariés d’ici 2025 à travers un plan de départs volontaires, dont 40 concernaient les antennes de La Réunion et Mayotte.
Une décision justifiée par Patrick Dahi, le PDG d’Altice/SFR, par un secteur très concurrentiel, et l’interdiction pour SFR d’utiliser les antennes du chinois Huawei pour déployer la 5G, le contraignant à désinstaller une partie des équipements. Mais une annonce qui avait provoqué l’étonnement indigné chez les syndicats, « c’est incohérent par rapport aux orientations qui nous étaient présentées il y a 5 mois, il y a tromperie sur la marchandise », avait protesté Xavier Courtillat, délégué syndical central CFDT.
5 mois après, la douche froide
Petit retour en arrière. En 2016, l’opérateur avait déjà annoncé la suppression de 5.000 emplois. Les syndicats obtiennent alors un sursis jusqu’en 2020, mieux, en automne 2020, les dirigeants de l’entreprise présentent un plan d’orientation stratégique maintenant les emplois sur deux années supplémentaires. L’annonce 5 mois après, en mars 2021, d’une suppression de 1.700 emplois, agit donc comme une douche froide pour les syndicats. La crise Covid est passée par là, se défendent les dirigeants, qui évoquaient donc les problèmes d’investissement sur la 5G. Or, le secteur des télécoms a bénéficié du recours forcé au numérique lors des deux confinements de l’année dernière. En 2020, la branche télécoms d’Altice a vu son chiffre d’affaires progresser de 2,4 %, à 10,6 milliards d’euros.
Il y a donc d’autres raisons à l’annonce du licenciement, qui ont été cachées aux salariés, jugeaient les syndicats qui avaient décidé de porter l’affaire devant la justice.
Bien leur en a pris. Le tribunal judiciaire vient de trancher en leur faveur, estimant que « L’argument de la direction tiré de difficultés économiques et de la détérioration de sa situation suite à la crise du Covid-19 pour justifier de la réouverture de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques n’est pas justifié ». Le jugement indique que des données et perspectives ont bien été « dissimulées », et que la direction a fait preuve de « déloyauté ».
SFR est condamnée à verser 10.000 euros de dommages et intérêts à chacune des 4 organisations syndicales, ainsi que 4.000 euros pour les frais de justice, nous apprend Le Monde qui a eu accès au jugement.
Si la « déloyauté » suspectée est reconnue, le jugement ne remet pas en cause le plan de départs examiné par la DRIEETS (Direction du Travail, ex-DIECCTE). Dans un communiqué envoyé aux médias, les syndicats appellent la DRIEETS à intégrer cette décision de justice dans le cadre de l’examen en cours de ce plan, et « à ne pas l’homologuer, car elle seule peut bloquer les suppressions d’emplois ».
A.P-L.