Un père veut se faire justice soi-même avec un pistolet à grenaille et prend huit mois avec sursis

Ce mercredi matin, un homme approchant la cinquantaine était convoqué devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour avoir tiré plusieurs coups de feu à Longoni, en novembre 2019, suite à l'agression de son fils.

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La vengeance armée était jugée ce mercredi au tribunal

Il est des affaires qui illustrent à merveille l’état d’esprit d’une communauté. À Mayotte, victime de trop nombreux faits de délinquance depuis plusieurs années, c’est l’angoisse qui domine, que ce soit chez les pompiers, les automobilistes, les élèves, ou leurs parents. C’était le cas pour A.A., qui comparaissait hier au tribunal judiciaire de Mamoudzou pour port prohibé d’arme, violence avec usage de cette arme, et menace de mort. Dans la moiteur poussiéreuse de Kawéni, le petit homme d’une cinquantaine d’années se présentait à la barre avec un sac à dos à l’épaule droite, son embonpoint caché sous sa chemise en jean bleue. Il ne paie pas de mine, pourrait-on se dire en le voyant.

Menaces de mort entre parents

Et pourtant, le 19 novembre 2019, l’enseignant apprend que l’un de ses dix enfants s’est fait frapper à Longoni. En revenant chez lui, il pose des questions à l’un des proches de l’agresseur, K.S., 16 ans au moment des faits, qu’il décrit comme « violent » et se baladant « toujours avec des machettes ». Si on ne sait lequel des deux hausse le ton, une chose est sûre : A.A. gifle la bouche du jeune homme, qui parvient à s’enfuir. Le lendemain, le père de famille se rend chez I.H., la mère de K.S., pour lui raconter ce qu’il s’est passé… Et la menacer.

Crosse beige, canon noir, c’est un pistolet à grenaille chargé qu’A.A. sort de sous son t-shirt. « Il m’a dit que si mes enfants ne se tenaient pas tranquilles, il les corrigerait à sa manière », déclare I.H. aux gendarmes. « Si ton fils frappe le mien, je le tue, et je te tue après ! », aurait-il ajouté, arme au poing. Menaces de mort réfutées par le prévenu, bavard et affalé à la barre, comme pour se rapprocher des juges. Cependant, quand l’une d’entre elles lui demande ce qu’il en pense, presque deux ans plus tard, seul un long silence pèse sur la salle d’audience. « Si vous vous baladiez avec un sac, ou un paquet de cigarettes, là d’accord, ajoute un assesseur. Mais pourquoi une arme ? » « Comme ça », rétorque le prévenu sans se démonter.

La salle d’audience du tribunal judiciaire

« Mayotte, ça n’est pas le Far West »

Entre-temps, ce 20 novembre 2019, K.S. rentre du stade de Longoni pour aller chez sa mère. Quand A.A. voit le jeune homme, il sort le pistolet de son sac. Le lycéen fuit et se réfugie sur un toit. A.A. tire à deux reprises, en l’air selon lui, en visant son fils selon I.H. « Il a fait le tour pour me coincer, déclare K.S. aux gendarmes. Mais j’ai réussi à sauter sur un autre toit et à me cacher dans un champ. » Quand la brigade de Koungou arrive sur place, une trentaine de personnes sont sur place. Rapidement, A.A. leur remet son arme. « On peut être victime et se retrouver prévenu quand on veut se faire justice soi-même. Mayotte, ça n’est pas le Far West ! », peste le procureur.

Des paroles raisonnables parfois bien difficiles à assimiler pour la population mahoraise, « excédée, vivant dans un climat de panique », comme le rappelle Me Ekeu, ajoutant que son client n’a jamais eu l’intention de tuer quelqu’un. Le casier vierge d’A.A. et sa bonne situation sociale convaincront le tribunal à le condamner à huit mois d’emprisonnement avec sursis, 1000 euros d’amende et 15 ans d’interdiction de détenir une arme.

Axel Nodinot

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