Chef d’entreprise dès le lycée, un concept innovant à Mayotte

Une Maison de l’entrepreneuriat avant la Couveuse. Pour éviter les déperditions post-bac où les porteurs de projets avancent à l’aveugle et finissent par se perdre, le lycée des Lumières propose au 2.600 élèves de passer par la case création d'entreprise.

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Adie, couveuse Oudjerebou, Action coup de pouce, le Cabinet Mahorais de Conseil, Entreprendre pour apprendre, Ordre des experts comptables, Chambre de Commerce, Medef, Mayotte, rectorat
Les deux experts comptables se félicitent de cette Maison: "Ça va éviter les erreurs passées"

« Vous les jeunes, vous ne connaitrez pas le cauchemar de Sophiata ! » Sophiata Souffou faisait référence au défrichage de l’épaisse jungle administrative et financière auquel devait s’attaquer un créateur d’entreprise novice il y a encore 15 ans. A la tête de commerces de détail, elle représentait la Chambre de Commerce ce mercredi lors de l’inauguration de la Maison de l’entrepreneuriat… au lycée des Lumières. Comme une petite sœur de la maison de l’Entreprise de la CCI et du Conseil départemental sise à Mamoudzou, cette junior portée par l’établissement scolaire, et donc le rectorat, est une première à Mayotte, et même en France. « Depuis que je suis en poste, je cherche à répondre aux défis des difficultés des élèves et aux besoins du territoire », nous explique Patrick Loval, proviseur du lycée qui a initié le concept.

Décliné avec efficacité par Claudine Hoareau, enseignante en éco-gestion : « L’objectif est d’inciter les élèves à entreprendre, et cela s’adresse à tous les niveaux, de la seconde au BTS. » Pour cela, les 2.630 élèves du lycée bénéficient de plusieurs biais : le bureau des entrepreneurs, une permanence qui informe et accompagne les projets, l’amphithéâtre pour des rencontres avec les chefs d’entreprise et des conférences à thème, les ateliers thématiques qui sont proposés en classe et l’animation cinéma. « Nous avons plusieurs partenaires qui interviennent lors des ateliers. Des professionnels qui dégagent gratuitement de leur emploi du temps pour passer plusieurs heures au lycée auprès des jeunes. Ils ont tous marqué un grand enthousiasme. J’ai lancé le concept en juin, en juillet toutes les conventions étaient signées », se réjouit Claudine Horaeau.

Patrick Loval dévoilait le logo conçu par les élèves

« Il faut commencer dès 9 ans »

Ces professionnels s’appellent Adie, la couveuse Oudjerebou, l’association de Kawéni Action coup de pouce, le Cabinet Mahorais de Conseil, l’association Entreprendre pour apprendre, Ordre des experts comptables, la Chambre de Commerce, le Medef et bien sûr, l’académie de Mayotte. Ils sont intervenus au long de la matinée d’inauguration. Pour Isabelle Chevreuil, l’expert comptable qui a récemment créé « Entreprendre pour apprendre » (l’inverse est aussi vrai !), l’esprit d’entreprise doit se développer dès le plus jeune âge, « il faut commencer dès 9 ans, c’est une culture qu’il faut développer. » De l’avis de tous, c’est un outil précieux pour « soustraire Mayotte de l’économie publique et développer le privé ».

Cette Maison de l’entrepreneuriat est une sorte de pré-couveuse, et lorsque l’on passe dans les ateliers proposés ce mercredi, « Plan de financement », ou Business plan », ou Processus d’innovation, on note une grande richesse de projets portés par les jeunes, surtout quand ils sont en BTS Gestion des PME : « Je voudrais me lancer dans la vente de produits traditionnel et culturels de Mayotte », « moi je veux créer un hôtel », « et moi être transporteur », c’est un salon de coiffure pour une autre, etc. Une grande majorité de filles – seulement deux garçons dans ce BTS – reflétant les statistiques de la création d’entreprise à Mayotte, « il faut œuvrer pour que les jeunes hommes se lancent aussi », estime Dhoirfia Saindou, dirigeante de l’association Coup de Pouce.

La confiance en soi par l’entrepreneuriat

Gilles Halbout, et Claudine Hoareau qui a mis en musique le concept

Un des partenaires, le Cabinet Mahorais de Conseil, va intervenir sur plusieurs ateliers, Business plan, Marketing digital, démarches juridiques et préparation au pitch (défendre oralement son projet devant un jury), « à la fin des séquences, nous proposerons des conseils gratuits aux jeunes sur leurs dossiers de financement ».

Pour autant, il ne s’agit pas de sortir trop tôt les jeunes d’un cursus d’études plus poussées, s’accorde à dire Isabelle Chevreuil : « Il n’y aura pas 100% d’entrepreneurs à l’issue, mais cela permet de leur donner confiance en eux et de découvrir plusieurs aspects de la vie professionnels. Lorsqu’on les prend en stage dans les entreprises, souvent, ils n’ont pas confiance en eux, ne savent pas communiquer, etc. Ça ne pourra que les révéler. » Même sentiment pour Dhoirfia Saindou, « cela leur permettra de faire leurs premières armes, et aussi, d’avoir un contact avec leurs parents qui viennent encore au lycée pour les inciter à les encourager. »

Une grande envie de créations chez les élèves du BTS GPME… qui n’accueille que deux garçons

Une expérience positive à plus d’un titre dans le contexte de l’île, souligne Gilles Halbout : « On parle de la jeunesse qui va mal, mais vous êtes le vrai visage de la jeunesse de Mayotte. Vous pouvez faire en sorte que l’île devienne exemplaire ».

L’inauguration du bureau des entrepreneurs au sein du lycée mettait en évidence un logo conçu par les élèves spécialisés en signalétiques, et les créations des Terminales STD2A (sciences et technologies du design et des arts appliqués). Un local déjà trop petit, puisque les créateurs ont préempté des tables à l’extérieur pour travailler sur des concours de création auxquels ils ont répondu.

Dans son sens littéral, le lycée des Lumières n’a jamais aussi bien porté son nom.

Anne Perzo-Lafond

 

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