Joint au téléphone, le Mahorais Abihourairi Velou raconte la scène au JDM : « Tous les matins de 7h30 à 8h30, c’est l’heure des douches. Mais deux détenus qui ne s’étaient pas réveillés, ont commencé à râler en réclamant de les prendre à 11h, après la promenade. C’est impossible à cette heure là, nous devons faire passer la moitié des 190 détenus du bâtiment. L’un des deux accepte de se lever et de s’y rendre, mais l’autre a commencé à m’injurier et à me menacer. Lorsque je commençais à refermer la porte, il s’est jeté sur moi, parvenant à me plaquer à terre, et à maintenir une serviette sur le visage pour me masquer la vue. Sans que je parvienne à me dégager. En voyant cela, son codétenu est revenu sur ses pas pour lui prêter main forte. Je suis resté entre 10 et 20 secondes à terre avant que les renforts n’arrivent. »
Il évoque son talkie-walkie, muni d’un bouton d’alarme, « que j’ai activé, mais il n’a pas fonctionné. » Ce sont deux de ses collègues qui passaient par là, qui sont intervenus. Il se plaint de contusions, « ils m’ont donné des coups de poing dans les côtes et sur le visage. »
Des matons esclaves
Abihourairi Velou est représentants syndical FO pénitentiaire (SNP FO) au sein de l’établissement, et pour lui, cet incident illustre le manque de moyens réclamés par les personnel au début de l’année : « Ce n’est pas normal qu’un seul surveillant ait la charge de 190 détenus, sans moyens humains et matériels suffisants. Je lance donc un appel à nos technocrates, à notre hiérarchie, à notre ministre et au président de la République, car, bien qu’il ait été aboli en avril 1948, nous sommes en situation d’esclavagisme dans l’administration pénitentiaire. Alors qu’un policier ou un gendarme ne peut exercer notre métier, nous, nous sommes à la fois infirmiers, assistantes sociales, psychologue… Et pour revendiquer tout ça, on nous octroie seulement des chaussures Magnum* ! Et des gilets pare-balle, la preuve de dangers potentiels. »
Il va bientôt pouvoir humer de nouveau le bon air de son île, puisqu’il a obtenu sa mutation au Centre pénitentiaire de Majicavo, « où on gère beaucoup mieux les détenus qu’en métropole », explique-t-il, même s’il n’y a encore jamais travaillé, « nous sommes actuellement en surpopulation de 1.100 détenus pour 540 places ». Il prendra ses fonctions le 2 juillet. « Beaucoup de surveillants sont des domiens, qui laissent leurs familles sur place, mais qui se retrouvent dans des conditions difficile. Un surveillant réunionnais s’est d’ailleurs donné la mort en uniforme à Fleury en mai dernier. »
Quant aux deux détenus incriminés, ils ont été placé en garde à vue, « ils vont prendre une peine supplémentaire. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* A la suite de leur mouvement de grève déclenché en janvier 2018, les surveillants avaient obtenu un gilet par balles personnalisé, des chaussures Magnum, et 400 euros de plus sur la prime de fin d’année