Le Sénat a adopté la semaine dernière les deux amendements au projet de loi Asile Immigration de Gérard Collomb conditionnent l’octroi de la nationalité française d’un enfant à la présence en situation régulière d’au moins un de ses parents trois mois avant sa naissance. Et l’inscription de cet état de fait sur son extrait de naissance par un officier d’Etat civil.
Ils sont le sujet d’une tribune publiée dans le Monde ce lundi 25 juin, rédigée par un chercheur au CNRS, qui invite à ne pas confondre droit du sol et doit à la nationalité. Patrick Weil y met en garde, « pour la première fois depuis la fin de la colonisation, le Parlement et le gouvernement s’apprêtent à créer — par un amendement au projet de loi Collomb sur l’asile et l’immigration — deux catégories de Français ». Le Conseil d’Etat « a tort dans son raisonnement », dit-il.
Mais il reprend précisément les arguments qu’avait opposé le conseil d’Etat au sénateur Mahorais, à savoir qu’un enfant né de deux parents étrangers doit attendre au moins treize ans et prouver aussi cinq ans de séjour pour pouvoir réclamer la nationalité française. Ce à quoi Thani Mohamed Soilihi avait répondu que malgré cette contrainte de taille, les femmes enceintes arrivaient massivement à Mayotte, guidées par cette « chimère » qui incite à tenter l’aventure en dépit des délais imposés par la loi.
Indivisibilité de la République à Mayotte
Une chimère qui ne suffit pas à déroger pour le chercheur, qui a glané plusieurs décisions contraires du Conseil Constitutionnel. Notamment celle de 1993, qui indique que « au regard du principe de l’indivisibilité de la République, les restrictions au droit de la nationalité ne peuvent porter que sur des personnes ayant un lien avec un ancien territoire français devenu depuis indépendant, pas sur des personnes nées sur un territoire actuel de la République », comme Mayotte.
Résolument contre la décision d’adoption par le Sénat desdits amendements, Patrick Weil évoque une mesure complexe en matière de notification sur l’extrait de naissance de la présence régulière d’un des parents, « une mention qui vaudra de l’or, un passeport pour la nationalité française future », inscrite par des officiers d’Etat civil, « un nouveau régime se mettre en place, discriminatoire et propre aux passe-droits », agite-t-il.
On le voit, le chemin est encore long pour les deux amendements, car l’auteur de la Tribune indique qu’en cas d’adoption, le Conseil constitutionnel pourra déclarer le texte inconstitutionnel en vertu de sa jurisprudence de 1993, sinon, la Cour européenne des droits de l’homme « qui refuse toute discrimination en matière de nationalité, pourra le déclarer contraire à la Convention. »
A.P-L.
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