Médecin injuriée sur un barrage : jugement mercredi prochain

Insultée par un barragiste, la médecin Jessica Dumez a identifié un manifestant, avant de se rétracter à la barre. Le tribunal, qui a cherché à savoir si elle avait peur de représailles, se donne une semaine pour rendre sa décision.

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Le Dr Jessica Humez en pleine médiation avant l'audience avec les membres du collectif venus "soutenir leur camarade".

« M’Zungu de merde, fils de pute, tu devrais être à Anjouan ». Le 12 mars dernier, le Dr Jessica Dumez, installée depuis un an maintenant à M’zouazia, a été copieusement insultée sur le barrage N’gwezi qui bloquait alors le sud de l’île. Un barrage que la praticienne était fréquemment amenée à traverser pour son travail. Comme elle l’avait fait selon elle la semaine précédente, elle est allée directement ce matin là lever les obstacles qui l’empêchaient de passer. Mais les consignes « changeaient chaque semaine » rappelle le président Sabatier qui précise le contexte. Si les médecins, infirmiers, pompiers et gendarmes étaient censés être autorisés à passer, « ça n’a pas toujours été le cas, des infirmiers n’ont pas pu rejoindre leurs patients, et il y a eu des décès ».
Cette fois pas de décès heureusement, mais une forte tension. Une vingtaine de barragistes s’agglutinent autour de la médecin qui entend les insultes sus-mentionnées. Elle se rend à la brigade de M’zouazia pour déposer plainte, et, photo à l’appui, identifie formellement Allaoui Mourchidou, un des leaders, chargé selon lui de rapporter au barrage les décisions prises en réunion. Il est aussi présenté par le collectif des citoyens comme un médiateur. Ce dernier nie formellement avoir tenu ces propos et évoque « un malentendu ».

Médiation ou intimidation ?

Le Dr Jessica Humez en pleine médiation avant l’audience avec les membres du collectif venus « soutenir leur camarade ».

« Mon rôle était de calmer tout le monde » dit-il à la barre. « Il était odieux, violent, menaçant » décrivait a contrario la plaignante auprès des gendarmes. Et uniquement auprès des gendarmes puisque à l’audience, revirement. La plaignante explique avoir trouvé « une médiation » avec le prévenu, se dit « pas sure » qu’il soit l’auteur des propos. Alors qu’une vingtaine de membres du collectif étaient venus soutenir le prévenu, elle éclate en larmes et explique vouloir juste « exercer tranquillement ».
Des larmes et un rétropédalage qui ont donné l’impression au parquet que la jeune femme se rétractait sous la pression du groupe assis dans le tribunal. « Est-ce que vous avez peur qu’il soit condamné ? Interroge la substitut Guégan. J’ai vu des victimes qui avaient peur qu’il y ait des conséquences pour elle en cas de condamnation ».

« Je ne me sens pas en danger, dément la victime. Je ne crains pas pour ma vie ».
« Vous avez changé de version, rebondit le président Sabatier, soucieux tout au long de l’audience d’expliciter le fonctionnement d’un procès pour ce public inhabituel. C’est pour ça que vous êtes questionnée, on fait notre travail ».

Mais quand à son tour l’avocat de la défense lui demande clairement « c’est lui ou c’est pas lui ? » la doctoresse élude. « Je ne veux pas répondre à cette question ».

1000€ d’amende requis

Si dans la salle, les membres du  collectif se défendent de toute pression sur la plaignante, l’impression d’intimidation était palpable. « Je sens que ce retournement de situation ne colle pas, commente la procureure. Elle n’a à aucun moment su dire les yeux dans les yeux que ce n’est pas lui. Je crois que derrière, ce qui se joue, c’est la question d’après l’audience. Elle est amenée à rester médecin dans le sud de l’île, on sent bien que c’est le plus important : exercer son travail de façon sereine. Vous avez vu la salle ? Qu’est ce qui va se passer pour elle ? » Persuadée que le prévenu a bien prononcé les injures et que  le comité de soutien faisait, volontairement ou non, pression sur le Dr Dumez, la parquetière réclame une condamnation à 1000€ d’amende.

Me Yanis Sohaili pour la défense

Une réquisition sévère pour l’avocat de la défense Me Yanis Sohaili qui plaide la relaxe au bénéfice du doute. Il note l’absence de confrontation, d’audition de témoins. « Vous n’avez pas assez d’éléments tangibles » plaide-t-il.
Quant au prévenu qui a le dernier mot à chaque audience, il s’est voulu rassurant : « Le sud et les Mahorais ne sont pas des gens barbares ou méchants. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Nous, gens du sud, sommes contents d’avoir un médecin parmi nous. »
Au sortir de la salle d’audience, plusieurs membres du collectif ont chaleureusement embrassé la praticienne, saluant le fait qu’elle ait « fait de (son) mieux », et accréditant l’affirmation de cette dernière selon laquelle « l’eau a coulé sous les ponts ».
La Justice, elle, a préféré prendre le temps de la réflexion, et rendra son jugement mercredi prochain.

Y.D.

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