« C’est une étape de ma carrière très enrichissante, Saïd Omar Oili est le meilleur boss que j’ai eu en 15 ans de carrière! », Mélanie Boulay, revient sur ses 3 ans et demi au poste de DGS de la mairie de Dzaoudzi Labattoir, la première mzungu à assurer cette fonction sur le territoire à l’époque: « C’est un maire qui est dans le débat pluraliste, à l’écoute de tous les points de vue, avec une grande capacité à décider. Il fait confiance, délègue beaucoup, et protège ses équipes quand il le faut, en assumant à nos côtés les erreurs que l’on peut commettre ». Elle nous avait prévenu, « il n’y a que du positif! »
Utilisant la métaphore du chat, de Deng Xiaoping, « peu importe sa couleur, du moment qu’il attrape la souris », Saïd Omar Oili avait fait un choix de DGS alors très critiqué en 2015, mais la souris avait les traits d’un déficit conséquent, l’enjeu était de taille. « Beaucoup m’avaient fait les gros yeux, ‘c’est réservé aux locaux !’. Depuis, pas mal de communes sont allées chercher des compétences à l’extérieur, il faut savoir reconnaître quand on ne sait pas. »
Trois ans après, les finances de la commune se sont redressées, le budget est excédentaire de 1,5 million d’euros. Triste de partir de la mairie qu’elle quitte pour des raisons privées, la DGS a été unanimement saluée mercredi, « il y avait beaucoup d’émotion ». Lui succède Haïroudine Anzizi, « ancien DGS de Koungou et de Chirongui, DAF de Mamoudzou, et il a travaillé sur le mémorandum remis à Manuel Valls, son nom a fait consensus au sein de la mairie », rapporte l’élu. Ils sont plusieurs de la mairie de Mamoudzou à avoir bargé pour intégrer la mairie de Dzaoudzi Labattoir.
Son prêt de l’AFD de 5 millions d’euros, le maire le savoure : « Quand nous avons demandé l’aide de l’AFD en 2015 avec Mélanie, on nous a fait comprendre qu’on ne prête qu’aux riches, et là, ce sont eux qui sont venus à nous, et avec un prêt à taux zéro en plus ! J’ai cadré son utilisation au cas où je ne serai pas réélu : l’AFD ne paiera qu’après identification de l’opération d’investissement, il est hors de question que cela abonde le fonctionnement. » Il s’agit de sécuriser la mairie de Dzaoudzi Labattoir et d’installer une aire de jeux, de recouvrir le plateau polyvalent et de l’assainissement des eaux pluviales.
« On nous ridiculise »
Sa vision politique l’a incité également à être le précurseur de l’installation de la 1ère intercommunalité en 2015, alors que le concept était totalement flou à l’époque : « Quand j’ai signé la convention de l’intercommunalité avec Pamandzi, mes adversaires ont crié que j’avais pactisé avec l’ennemi. Le même comportement qu’en 2007 lorsqu’en tant que président du conseil général, j’ai voté la délibération d’implantation de l’hôpital à Pamandzi. ‘Il ne faut plus le réélire’, avais-je entendu, des barrages avaient même été érigés à Dzaoudzi ! J’avais alors expliqué à la population qu’il fallait gommer les frontières qui n’existent pas. » Un discours qu’il transpose à la situation actuelle, « il faut comprendre les peurs liées à la pression migratoire, mais ce n’est pas avec des propos xénophobes qu’on va trouver la solution. »
Depuis, plus personne ne doute de l’intérêt d’avoir mutualisé les moyens communaux, « les cotisations du SIDEVAM de 3 millions d’euros et du SDIS d’un million d’euros, sont transférées à l’interco. »
Saïd Omar Oili est aussi président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), et selon plusieurs maires, il n’y est plus aussi actif. L’élu était attendu à Paris lors des rencontres au quai d’Orsay et au ministère des Outremer, mais ne s’y est pas rendu. Et s’en explique : « On ne m’impose pas la façon de travailler. Nous élus mahorais, nous laissons l’Etat nous dicter notre agenda et nos décisions. Ce qui se passe à Longoni est emblématique, le port nous appartient, à nous de prendre nos responsabilités. Je ne vais pas faire payer par l’AMM un billet pour qu’on me dise ce qu’il faut faire, nous devons être nous même force de proposition. On nous ridiculise. »
1er de la classe des fonds non consommés
A la suite de la circulaire du premier ministre demandant aux préfets de faire des économies, « j’ai plaisanté avec Dominique Sorain que j’apprécie beaucoup, en pariant qu’on sera en tête parce qu’on ne consommera rien ! » Car il déplore que ses alertes ne soient pas entendues au sein de l’AMM : « Nous avons sollicité l’aide de l’Etat pour élargir la base fiscale et produire un adressage correct, mais les 150.000 euros annoncés sont insuffisants. Notre commune a utilisé ses propres fonds, le nombre de contribuables a considérablement augmenté. Dans les autres communes, à peine 40% des contribuables paient l’impôt. C’est sur cette petite base que l’Etat va compenser lors de la suppression de la taxe d’habitation. J’ai demandé aux maires leurs propositions, sans réponse ».
Il est parvenu à construire 17 classes et un réfectoire en 9 mois, « mais sans chercher à donner tel ou tel marché à des amis ou la famille. C’est bien la preuve qu’on peut consommer. Quand on me dit que c’est la faute de l’Etat, ça m’énerve ! »
Un manque de volonté politique qui n’incite pas l’Etat à proposer des solutions adaptées. « Quand les 500 millions d’euros des constructions scolaires ont été annoncés, j’ai demandé à Annick Girardin l’objectif poursuivi, la fin des rotations, les 12 élèves par classe, la scolarisation dès 3 ans ? Je n’ai pas eu de réponse. » Idem pour l’aéroport, « l’allongement de la piste n’est pas le sujet. Si l’objectif est de voyager moins cher depuis Mayotte, la DGAC doit délivrer une autorisation aux autres compagnies. Kenya Airways a été la première à acheter des Dreamliners, mais n’a jamais eu l’autorisation d’atterrir. La même chose pour Inter’Iles à Pierrefonds à La Réunion, qui aurait permis de diviser par deux le prix du billet. Si l’objectif est de protéger Air Austral parce que c’est une compagnie française, qu’on le dise. »
Parce qu’après la communication de son bilan, les petits esprits vont y voir une pré-campagne pour les municipales de 2020, il croit bon de rajouter, « je ne propose pas ma candidature, ce sont les résultats qui devront parler. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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