Des cases en tôle, des fils électriques à raser les têtes, une route, large, celle de la « Carrière », encore des cases, de plus en plus haut sur la colline qui fait face au collège de Doujani, « la pente atteint 50% », signale quelqu’un à Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, en visite de terrain dans ce quartier politique de la ville de Doujani, avec ses vice-présidents Stéphane Mazars et Philippe Gosselin, et Damien Chamussy, Chef du secrétariat de la commission des Lois. Ce dernier était interpellé par la présidente qui lui présentait le capitaine Chamassi, « vous avez quasiment un homonyme ! ».
Le capitaine qui venait juste de se rendre au devant d’un groupe de gilets jaunes, pour dénouer un malentendu sur une mauvaise traduction, intentionnelle ou pas, d’une de ses interventions. Et c’est applaudi à l’issue de son explication, avec un fan club dans son sillage, qu’il accueillait la délégation de la commission des lois.
Ce sont 240 familles qui habitent dans ce quartier, soit un millier de personnes, enfin, ça c’était lors du dernier passage, « parce que là, les cases que vous voyez sont sorties de terre il y a quelques jours, nous n’avons pu les en empêcher », explique Attila Cheyssial, l’architecte « historique » de Mayotte, où il est présent depuis 1977, et qui a épaulé l’Etablissement public Foncier et d’aménagement dans ses enquêtes.
Un bloc de cases en suspension au dessus de la rivière
Le terrain appartenait au SMIAM, le dissous Syndicat mixte d’investissement et d’aménagement de Mayotte, et a été transféré à la mairie de Mamoudzou récemment. La Police municipale n’a pu intervenir, glisse Thoihir Youssoufa, le DGS de la mairie. L’idée de créer des équipes spécialisées sur la lutte contre l’habitat illégal est lancée.
Selon l’enquête menée par l’EPFAM, les familles, souvent des mères seules, anjouanaises, avec des enfants régularisables, vivent avec environ 200 euros par mois, grâce aux ventes des productions vivrières « et de bourses de l’éducation nationale ». Plus loin en bordure de rivière, jonchée de déchets, des cases sur pilotis s’élèvent, avec une partie de village tenant sur des pneus en à-pics qui menacent de s’effondrer. On ne parle plus d’aléas, mais de péril imminent !
L’impression qui ressort de la délégation de la commission des lois de leur visite de maintenant trois jours à Mayotte, c’est l’étonnement devant l’état de l’île, « qu’a fait la France depuis toutes ces années pour Mayotte ?! »
Yaël Braun-Pivet, elle, est sur le mode combat, « il n’y aura pas d’oublié de la République. Je veux dire aux élus et habitants que nous sommes présents, à leur côté ». Si elle explique avoir une bonne connaissance de l’outre-mer, elle avoue malgré tout se retrouver dans un département extrêmement spécial, « où le problème migratoire irradie toutes les politiques publiques, que ce soit l’habitat, la scolarisation, la santé ».
Une situation tendue
En matière de solutions, elle explique se féliciter d’avoir entendu longuement le sénateur Thani Mohamed au téléphone, et la députée Ramlati Ali en commission des lois, « nous avons voté leurs amendements à une très large majorité ». Mais si la commission des lois « est compétente sur l’ensemble des outre-mer, notamment pour y appliquer la législation la plus adaptée », elle n’est pas la seule solution, « ce n’est pas uniquement la loi qui va résoudre le problème migratoire. Il faut une politique d’interception forte, et mettre en œuvre toutes le solutions dans ce domaine ».
La veille, la délégation avait rencontré les associations humanitaires, puis les collectifs de défenses des citoyens, notamment à l’origine du blocage du bureau des étrangers : « La situation est tendue, c’est pourquoi nous devons avoir une parole apaisante. Ce n’est pas à nous, politiques métropolitains qui ne connaissons pas ce territoire, de juger ».
La délégation s’était auparavant rendu à l’ACFAV, l’Association pour la Condition Féminine et l’aide aux victimes, et était ensuite accueillie à Doujani par Tony Mohamed, le président de l’Association Espoir et Réussite, qui met en place des cycles de 6 mois d’enseignement du français et des maths pour des jeunes de 7 à 20 ans non scolarisés, et ceci avec la seule aide de la CGET (Politique de la ville) et de la mairie de Mamoudzou. Mais après avoir suivi une formation intense de professionnalisation de 3 mois du Dispositif Local d’Accompagnement de la BGE, il va pouvoir bénéficier d’accompagnements financiers pour recruter un directeur. « 2019 sera-t-elle l’année de l’espoir et de la réussite ?! », plaisante-t-il.
La présence de cette délégation de députés qui fait suite à la mission parlementaire dans le même mois de septembre est un signe encourageant d’une prise de conscience parisienne.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com