Les premiers contrôles sur l’usage des pesticides à Mayotte datent de 2008, et ils sont rapidement devenus source d’inquiétude. Selon diverses données recueillies, il apparaît que les tomates et concombre subissent des traitements phytosanitaires qui vont jusqu’à quatre fois la dose autorisée. En moyenne, la dose maximale autorisée est doublée par les agriculteurs, selon un échantillon de 30 exploitations contrôlées par la DAAF. L’utilisation des produits phytosanitaires a bondi de 10% entre 2008 et 2015. 2015, c’est aussi la première année où la DAAF a mené des contrôles auprès d’exploitations informelles. Les résultats de cette année voient apparaître cinq produits interdits, signe que des agriculteurs non déclarés utilisent des produits de contrebande, particulièrement dangereux et pis, en des quantités importantes.
« La question, c’est comment faire pour toucher ce public, note Christophe Bretagne, directeur du lycée agricole de Coconi. On ne voit pas arriver ces produits interdits, donc la problématique, c’est comment la réguler, et sensibiliser un public qui officiellement n’existe pas. La solution est urgente ! »
Mais l’usage des produits autorisés pose également problème.
Car ils sont trop utilisés, ou mal utilisés, ceux-ci se retrouvent dans la nature, dans l’eau et dans l’air. En tout, pas moins de 18 pesticides ont été détectés dans les rivières de Mayotte. « C’est beaucoup pour notre territoire, note le directeur du lycée agricole. Le danger, c’est de croire qu’à Mayotte tout va bien car on n’a pas d’agriculture intensive. C’est une fausse idée, même à Mayotte on est en danger, et on pourrait se retrouver dans une situation similaire aux Antilles -confrontées à la crise du Chlordécone, un pesticide utilisé pour les bananes pendant des années NDLR-. »
Un enjeu de santé publique
Le chiffre de 18 pesticides est d’autant plus inquiétant que, rappelle le responsable, « on ne trouve que ce qu’on cherche. Par exemple, on ne recherche pas le glyphosate dans l’air, alors qu’on l’utilise à Mayotte en grande quantité. » Une donnée manquante, alors que selon Hawa, l’association qui analyse la qualité de l’air à Mayotte, « Entre 25 et 75% des produits pulvérisés n’atterrissent pas sur le champ, mais partent dans l’air et les pluies ».
La difficulté, c’est de concilier la santé publique, mise à mal par ces produits omniprésents dans notre environnement, et la réalité économique qui incite à leur usage. « Il faut aller vite pour trouver des solutions alternatives et donner un revenu convenable aux producteurs » estime Christophe Bretagne. « La biodiversité est sensible, mais il faut trouver aussi un équilibre économique ».
La priorité de ce séminaire sera de déboucher sur des actions de sensibilisation pour toucher les agriculteurs au plus près, et aller vers une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires, en attendant des solutions pour s’en passer.
« A Mayotte, on a une chance locale, rappelle le chef d’établissement, qui est le jardin mahorais. Il faut mieux le connaître pour le faire évoluer vers une dimension nouvelle » afin que ce qui marche pour nourrir une famille, s’adapte à ceux qui œuvrent pour nourrir le reste de la population.
Outre les agriculteurs et les habitants, cette action de sensibilisation vise un autre public : les élus locaux. « Il n’y aura pas de modification durable sans le monde politique, conclut le responsable du lycée de Coconi, c’est en local qu’il faut prendre en main les solutions. Sans eux, l’Etat ne peut pas faire grand chose »
Y.D.