Marges sur l’eau potable : les maires demandent la reprise des négociations

« On va se retrouver dans la même situation que le port ! », craignait un des participants à l’assemblée générale extraordinaire du Syndicat d’Eau et d’Assainissement de Mayotte qui accueillait les maires ce vendredi après-midi. En cause : une volonté du président Bavi Mohamadi, de casser le contrat d’affermage qui le lie à la Société mahoraise des Eaux, filiale du groupe Vinci. Et de récupérer des millions nécessaire aux futurs investissements.

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Les maires avaient massivement répondu présents

Nous nous sommes régulièrement fait l’écho des difficultés croissantes entre délégataire et déléguant, depuis le renouvellement en 2008 du contrat d’affermage de l’eau potable signé en 1992. Le prédécesseur de Mohamadi Bavi, Maoulida Soula, avait engagé la signature d’avenants, mais le dernier n’avait pu être conclu, et le tribunal administratif n’avait pas départagé les parties. Plusieurs tentatives de négociation ayant échoué, le Sieam a cherché à éclaircir la situation avant toute décision. Et à commandé un bilan chiffré à deux cabinet, COGITE et EDIS.

Le premier s’est intéressé au fonctionnement du contrat. Qui révèlerait une manipulation des chiffres, ainsi que le rapporte son représentant : « La Mahoraise des Eaux annonce une marge cumulée de 3,5 millions d’euros depuis 2008, soit 2,6% du chiffre d’affaire, ce qui semble raisonnable. Or, en reprenant les chiffres, nous obtenons une marge de 11,9 millions d’euros sur la période 2008-2017, et de 6,2 millions de 2018 à 2022, soit 18,1 millions d’euros de marge totale cumulée sur la durée du contrat. Et alors que la SMAE s’était engagée en 2008 sur une marge quasi nulle, de moins de 300.000 euros. » Sur cette base, le Sieam a essayé de revoir le contrat par des avenants, sans succès.

Les maires peu favorables au divorce

Les représentants des cabinets COGITE et EDIS

Car de son côté, la SMAE a des doléances, rapporte le cabinet Egis, à la demande des maires, massivement présents, qui essaient d’y voir clair : « Récupérer la perte financière du non recouvrement des factures lors de l’épisode de pénurie d’eau potable de 2017, recouvrir les impayés dont le taux est monté de 1,8% à 12,9%, mais ça, c’est de sa compétence. » Dans la salle est présent, le collectif des Assoiffés du sud, créé lors de la crise de pénurie d’eau.

Mais le Sieam ne son côté, fait le constat d’une dégradation continue du rendement du réseau, reproche l’accroissement du taux d’impayés, des manquements aux obligations contractuelles, et s’interroge sur les solutions. « On ne peut pas laisser la SMAE continuer à encaisser ses 18 millions, nous envisageons de rompre le contrat d’affermage. » Mais pas avant d’avoir pris l’attache de juristes, rassure-t-il.

Chez les maires, la frilosité règne. C’est le cas de Saïd Omar Oili, président de leur Association, « où est le compte rendu des négociations que vous avez menées que l’on voit ce qui est en échec ? Il faut que la SMAE vienne s’expliquer. »

Si les maires veulent avancer prudemment, c’est qu’ils ne veulent pas recommencer l’expérience de la dissolution du Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte (SMIAM), « nous avons dû prendre en charge le passif et ses dettes. Rompre un contrat, ça peut revenir cher ». Des maires qui découvraient une situation qui dure pourtant depuis des mois, qui n’ont pas eu connaissance des résultats des négociations, ce qui pose encore une fois la question de l’efficacité de leurs représentants municipaux qui siègent au sein du syndicat intercommunal, et de la nécessité qu’ils siègent en personne dans ce type d’instance intercommunales.

Un contrat sans progrès

Deux camps se formaient, ceux qui se rangeaient à la volonté de Bavi de rompre le contrat, et ceux qui demandent des éclaircissements sur les chiffres mêmes, « nous ne voulons pas engager nos municipalités sur une voie qui serait catastrophique. D’autant que la situation du Sieam est fragile, comme l’avait démontré le rapport de la Chambre des Comptes », indique Hanima Ibrahima Jouwaou, la maire de Chirongui.

Des millions précieux pour le Syndicat des Eaux : son président a signé à la suite de la crise de l’eau un Contrat de progrès avec l’Etat de 140 millions d’euros, subventionné à 75%, mais pour l’assainissement, la part d’autofinancement sera de 35 millions d’euros. Et pour l’instant, le contrat ne fait aucun progrès, selon nos informations. Le développement du territoire dépend donc d’un accord acceptable entre les parties.

Nous avons contacté Jean-Michel Renon, le directeur de la SMAE, qui ne souhaite pas réagir « à chaud », mais qui « ne partage pas ce qui a été relayé par la presse ce vendredi ».

Dans leur majorité, les maires ont demandé la reprise des négociations avec la SMAE, nous devons nous revoir avant la fin du mois », nous précisait Saïd Omar Oili.

Anne Perzo-Lafond

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