La souveraineté maritime au port de Longoni, interrogée par le sociologue Faissoil Soilihi

Le sociologue et consultant en stratégie Faissoil Soilihi, publie pour le site Infoguerre, Centre de réflexion sur la guerre économique, un texte reprenant la vision que nous avons toujours développée dans le JDM sur les enjeux qui se nouent (et se dénouent) au port de Longoni. Et qui mérite de s’attarder sur la conclusion.

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Le port en eau profonde de Longoni issu de la loi de 1986

Les potentiels et richesses de Mayotte au sein de la zone du canal du Mozambique ont été repérés dès 1835, rappelle Faissoil Soilihi dans son article, « La question de la souveraineté maritime : le cas de Mayotte », quand la perte de l’Ile de France (Ile Maurice) gagnée par les Anglais lors de la bataille de Waterloo, a incité la France à trouver un autre point de chute dans la région. Le “Journal National“ de 1844 rapporte l’implantation française: « Mayotte est la plus belle position maritime qu’il soit possible de voir. Quelle bonne fortune pour la France, et quel avenir de pouvoir jamais se montrer dans ces mers depuis que nous avions perdu l’île de France ». La puissance maritime mondiale investit pourtant peu dans sa nouvelle base.

L’auteur rappelle que la Société Mahoraise d’Aconage de Représentation et de Transit, la SMART, créée en 1976 par le sénateur Marcel Henry et la Chambre Professionnelle présidée par Adrien Giraud, est censé proposer « une contre-offensive » face à la volonté comorienne d’installer à Mutsamudu un hub dans l’océan Indien, une opportunité renforcée par le transfert du port commercial de Dzaoudzi vers Longoni en 1992.

Quand Singapour s’éveilla

En avril 2015, les salariés de la SMART manifestaient pour dénoncer l’intégration de la manutention dans la DSP

Les ambitions sont refroidies par la stratégie commerciale de la Chine face aux Etats-Unis (déjà !), qui installe une base navale sur la Corne de l’Afrique, et par le développement du port de Singapour, « qui réussit à tirer profit de son positionnement dans le détroit de Malacca : il est le principal hub commercial à la croisée de l’Inde, de l’Asie du sud-est et de l’Australie. » Pendant ce temps à Mayotte, la nouvelle chambre consulaire, future CCI, a du mal à assurer correctement la gestion du port, délégué par l’autorité territoriale à la faveur du premier acte de la décentralisation en 2004.

L’auteur revient sur l’attribution de la Délégation de service public du port à Mayotte Channel Gateway (MCG) en 2013, en faisant référence aux « batailles judiciaires et médiatiques qui l’oppose perpétuellement au corps Syndical, à la SMART, à la gouvernance actuelle du Département et à l’État qui contestent cette procédure. »
Nous ne reviendrons pas sur ces luttes que nous avons largement détaillées par le passé, et que résume fort à propos Faissoil Soilihi, où l’Etat se positionne en arbitre, en envoyant des missions d’études à répétition, pour trouver « la solution juridique la plus adaptée. »

La compétence portuaire dans la balance

Le dernier paragraphe résume à lui tout seul les enjeux, et l’orientation qu’il va falloir trouver : « La Collectivité Départementale de Mayotte, une administration décentralisée souhaite une rupture anticipée de la DSP en demandant un soutien de l’État. Ce dernier réduit son champ d’intervention en proposant des missions d’études et ministérielles dès lors que le Département ne renonce pas à “sa compétence portuaire ». À ce jour, l’intéressé n’a toujours pas donné réponse à cette requête alors que le soutien de l’État reste primordial dans le conflit qui l’oppose à son délégataire. L’idée de renoncer à l’autorité portuaire pour motif d’un contentieux avec son délégataire reviendrait à rétrocéder sa souveraineté sur la gestion d’un outil d’expansion économique dans le canal du Mozambique au profit de l’État qui le conçoit comme “un équipement stratégique pour la vie et le développement du territoire ». On peut dire que la deuxième ambition identifiée en 1839 n’est toujours pas au cœur des préoccupations des principaux acteurs susceptibles de penser et de veiller à l’application de la stratégie du port commercial de Mayotte. »

Malgré tout, l’Etat joue son rôle de contrôle de légalité, pour preuve le courrier (SG Pref Mayotte – 27 juin 2017 – Contrôle de la légalité) adressé en juin 2017 par le secrétaire général de la préfecture Eric de Wispelaere au président du conseil départemental, dénonçant les manœuvres de MCG : sur les procédures d’attribution des postes à quai qui accorde à Manuport « un avantage concurrentiel indéniable et injustifié », sur l’utilisation de son logiciel d’exploitation « un abus de position dominante », ou sur l’obligation faite à la SMART d’utiliser des grues acquises par MCG en défiscalisation, « le délégataire (MCG, ndlr) ne peut (les)imposer à des opérateurs tiers ». Un courrier qui se concluait par l’obligation de retirer un règlement d’exploitation illégal.

Pour aller plus loin dans le raisonnement, serait-il possible de remettre de l’Etat dans l’outil portuaire qui a fait l’objet, comme beaucoup de domaines à Mayotte, d’une décentralisation précoce ? Un peu comme la CCI de Mayotte qui fut placée sous tutelle de la Préfecture, pour mieux voler ensuite de ses propres ailes. Une reprise en main pour déléguer ultérieurement avec des compétences installées, serait sans doute un « plus » pour donner à ce port la place régionale qu’il mérite, et dans la sérénité.

Anne Perzo-Lafond

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