Marie-Joseph Malé : « J’ai toujours voulu une piste longue pour Mayotte ! »

De passage à Mayotte, Marie-Joseph Malé nous a accordé un entretien pour évoquer la position de monopole de sa compagnie Air Austral, et l’impact consécutif sur le prix des billets. Un échange sans complaisance.

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Marie-Joseph Malé, PDG d'Air Austral

Évoquons tout d’abord la panne qui a retardé de 7 heures le décollage du B 787-8 de La Réunion vers Mayotte ce lundi. Les passagers se sont plaints de n’avoir aucune information. C’est récurrent. Pouvez-vous y remédier ?

Marie-Joseph Malé : « Nous avons informé les passagers par des diffusions de messages dans l’aérogare, mais on ne peut rien évoquer d’autre qu’un problème technique quand on met tout en œuvre pour le résoudre. Vous retrouverez les mêmes problèmes et les mêmes réponses dans tous les aéroports du monde. Nous déroulons le protocole dans ce cas, en distribuant des bons aux passagers pour se sustenter. La seule chose sur laquelle nous pouvons agir, c’est l’annulation du vol, mais ça, je pense que personne ne le souhaite.
Quant à la panne sur les softwares, ça arrive fréquemment sur ces appareils bourrés d’électronique. »

Revenons à l’actualité régionale. La signature de conventions de coopération entre Mayotte et La Réunion, a réveillé des frilosités, particulièrement en raison de la présence de Didier Robert, président de Région, actionnaire par la Sematra à 96% d’Air Austral. Vous êtes soupçonnés de défendre votre monopole en faisant blocage au rallongement de la piste, qui permettrait d’accueillir des compagnies concurrentes.

Marie-Joseph Malé : « Ce sont des arguments d’instrumentalisation de la part de certains élus ! Je voudrais rappeler qu’aucune compagnie ne s’est engagée pour Mayotte comme Air Austral. Mon prédécesseur (Gérard Ethève, ndlr), après avoir mis en place la première liaison vers Mayotte, a acheté des 777-200 pour desservir Mayotte, ce qui l’a conduit à sa perte, et ruiné la compagnie, impliquant un Business plan. Mayotte étant le seul territoire français privé de continuité territoriale, les autres compagnies qui ont tenté de s’implanter, ont perdu de l’argent. Ensuite, nous avons acheté les deux 787-8, dont l’un dédié à Mayotte, et avec de l’argent réunionnais. Chez nous, certains se sont demandés pourquoi seuls les Mahorais bénéficiaient d’un Dreamliner sur leur liaison directe vers Paris, et pas La Réunion. »

Le Boeing 777-200 avait même effectué des tests d’atterrissage à Mayotte en 2011

Parce que le Dreamliner aux couleurs du volcan a été acheté en défiscalisation et que vous ne pouvez pas vous rendre à Paris avec…

Marie-Jospeh Malé : « Oui, mais on aurait pu garder l’autre pour La Réunion également. Or, nous l’avons peint aux couleurs du lagon. Je veux dire surtout que j’ai toujours voulu une piste longue pour Mayotte. Lors d’un incident comme lundi, on aurait immédiatement affrété un 777 pour assurer le Réunion-Mayotte, il n’y aurait eu que très peu de retard. Et elle permettrait d’éviter les escales technique de plein de kérosène à Nairobi en saison des pluies, qui touchent environ 60% des vols à l’année.
En matière de concurrence, elle est bénéfique, si on ne veut pas se retrouver avec un ‘syndrome Air France’, qui était en monopole sur certains DOM et accusée de tous les malheurs. Si nous sommes en monopole, c’est que les autres compagnies comme Corsair ou XL Airways, ont quitté la desserte. »

En effet, la concurrence de Corsair était bénéfique puisque les billets Mayotte-Réunion avaient chuté à 200 euros. Maintenant, ils évoluent autour de 500 euros, quand les billets vers Paris coutent « seulement » 300 euros de plus. Les Mahorais ont la désagréable impression d’être des vaches à lait !

Le Dreamliner aux couleurs du Piton de la Fournaise

Marie-Joseph Malé : « Il faut faire la différence entre la réalité objective, la perception et l’instrumentalisation. Les ventes depuis Mayotte vers toutes les destinations, représentent 10% seulement de notre chiffre d’affaires, ça influence donc peu.
C’est vrai que l’arrivée du billet à 199 euros de Corsair nous avait forcé à nous aligner, mais nous étions en dessous de nos coûts de production, qui intègrent 90 euros de taxes d’aéroport sur Mayotte et La Réunion cumulées, il faut le savoir ! Cela devenait intenable, nous étions à deux doigts de suspendre des lignes vers Paris.
Si je regarde les tarifs actuels de la ligne Réunion-Mayotte, je vois que 75% des gens qui voyagent en basse saison paient le billet 468 euros, et en haute saison 488 euros. »

Mais c’est cher par rapport aux liaisons vers Paris !

Marie-Joseph Malé : « Parce que les taux de remplissage ne sont pas les mêmes. Sur le Paris-Mayotte nous avoisinons les 90%, alors que le Mayotte-Réunion peut l’être à 65%, et est souvent vide dans un sens. D’autre part, les prix sont quasiment les mêmes entre les îles des Antilles.
Je rajouterais juste qu’un de vos confrères s’est insurgé d’un billet à 2.464 euros en plein tarif sur cette liaison régionale. Mais c’est un billet spécial de dernière minute en période de vacances que toutes les compagnies pratiquent. L’équivalent du Paris-New York est à 3.262 euros.
Nous n’avons pas fait évoluer nos grilles tarifaires, alors que les taxes aéroportuaires augmentaient de 5 à 10%. »

Lorsque vous étiez venu détailler l’indispensable Business plan de redressement en 2012, on avait compris que des efforts étaient à faire. Depuis, vous avez eu deux années de bénéfices, peut-on espérer sortir de l’ « ère sandwich » sur le vol Réunion-Mayotte ? Car cela aussi est vécu comme une injustice.

« Nous devons nous améliorer sur la desserte de Mayotte, notamment en communication », convenait Marie-Jospeh Malé

Marie-Joseph Malé : « Nous réfléchissons à proposer une petite pizza. Car je ne vous cache pas que l’offre de repas depuis Mayotte est limitée en quantité et en qualité. »

Votre résultat net a chuté de 6 millions d’euros à 340.000 euros sur l’année 2017-2018. Pourquoi ?

Marie-Joseph Malé : « Nous avons été touchés par la concurrence low cost de French Bee qui a ramené nos parts de marché de 32 à 26% sur le Réunion-Paris. Nous avons donc diversifiés vers la région.
Mais cela va être pire cette année en raison de la crise de gilets jaunes et du cours du pétrole. »

Vous ne regrettez pas votre participation pour 49% dans le capital d’Air Madagascar, avec un prêt à rembourser ?

Marie-Joseph Malé : « Non, car le remboursement ne nous est pas imparti, notre contrat avec la compagnie malgache est cadré. Nous savions que la première année pour eux serait déficitaire, le mieux est attendu lors de la 3ème année. »

Votre partage de code avec Air Madagascar et Kenya Airways ne vous place-t-il pas dans une position de monopole régional ?

Marie-Joseph Malé : « Un partenariat n’implique pas d’augmenter les tarifs. Chacun fait face à sa propre concurrence sur ses lignes. On ne peut pas nous encourager à ouvrir les destinations vers l’Afrique, et ensuite nous reprocher de l’avoir fait ! »

Que peut-on attendre de mieux sur nos destinations mahoraises ?

Marie-Jospeh Malé : « Justement, nous cherchons à nous améliorer, avec en réflexion un vol quotidien en haute saison. Nous avons étudié le mode de consommation de Mayotte, et nous nous sommes aperçus que les mêmes voyageurs saisonniers réservaient les places les moins chères à 750 euros un an à l’avance, et qu’il n’en restaient plus ensuite. Nous allons donc en conserver une partie que nous mettrons à la vente deux ou trois mois avant. Je réfléchis à améliorer la communication également.
Et je veux préciser que le conseil général de La Réunion a réitéré la semaine dernière son désir de voir émerger une piste longue à Mayotte ! »

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

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