Difficile d’évoquer la journée des droits de la femme à Mayotte sans parler de leurs multiples casquettes. Les deux plus évidentes sont celle de maman, et d’entrepreneure.
« La femme a toujours été entrepreneure à Mayotte, mais c’était dans des entreprises informelles » explique Sanya Youssouf, créatrice d’une maison d’hôte et d’un cabinet conseil qui accompagne d’autres entrepreneures. « Depuis qu’on a commencé à formaliser ces entreprises, avec la culture orale c’est difficile ».
Pour des raisons administratives, d’emploi du temps, mais aussi de regard de l’autre. « Il y a encore des difficultés pour que la femme puisse s’imposer, il y a un manque de confiance des hommes et des institutions. On réduit encore la femme à son statut de maman », regrette la cheffe d’entreprise qui note toutefois un « début de prise de conscience à Mayotte ». Une prise de conscience qui est notamment le fruit de réunions régulières comme celle de ce jeudi 8 mars lors de laquelle une vingtaine de femmes créatrices d’entreprises ont pu échanger sur leur activité et leurs difficultés.
Parmi elles, on retrouve Antufati, qui s’est fait connaître au sein du Collectif des Assoiffés pendant les tours d’eau, et qui depuis qu’elle est à la retraite concrétise son rêve d’une entreprise de traiteur et de chambres d’hôtes dans le sud.
Loin de la retraite elle, Sitti Aboubacar illustre la capacité des Mahoraises à jongler entre vie de famille et entreprise. « Je m’épanouis pleinement en tant que femme entrepreneure » sourit la jeune maman aux yeux clairs, qui vend des accessoires pour bébé.
« Le fait d’être une femme fait que je suis peut-être plus sensible à certains produits, ça facilite un peu pour mon activité, c’est un ressenti personnel » détaille-t-elle. Mais tout n’est pas rose. « Il y a beaucoup de paperasse et j’ai failli baisser les bras plus d’une fois. » C’est selon elle « très délicat » de gérer vie de famille et entreprise, « faire garder ses enfants, les récupérer à l’école, et gérer le papa aussi ! Car le but n’est pas de délaisser sa famille non plus. »
Quant au regard des autres, notamment des hommes, Sitti Aboubacar l’a constaté aussi, « mais les choses sont en train de changer, salue-t-elle. Avant la journée de la femme c’était juste un jour. Maintenant on parle de plus en plus de la place de la femme dans la société mahoraise, les femmes s’affirment, prennent la parole et mettent la femme mahoraise en avant » s’enthousiasme-t-elle.
Selon l’organisatrice Sanya Youssouf, ces rencontres « correspondent au souhait de nos parents de voir se développer l’économie de ce territoire ». Un clin d’oeil aux femmes qui se sont battues quand personne ne les écoutait ? Noëra Mohamed, déléguée aux droits des femmes à la préfecture le voit ainsi. « Un des endroits où on voit la combativité des femmes et l’héritage des Chatouilleuses, c’est l’entrepreneuriat » conclut-elle.
Y.D.