Embellie financière, 1,5 milliard de contrat de convergence : le conseil départemental s’affiche comme un good cooker*

Séance plénière sur le budget prévisionnel ce mardi matin au conseil départemental. Plusieurs échanges, hors rapports, ont fait la une des débats de cette assemblée. Car tout commença par une prière.

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Issoufi Ahamada "Mhoko" (2ème en partant de la gauche), débutait la séance par une prière

Petit quorum, mais on a frôlé le clash dès le début de la séance. Le président Soibahadine est en convalescence, « il se remet de son malaise du 31 mars », dira Issoufi Ahamada, dit « Mhoko » qui le remplace donc au pied levé en l’absence de la première vice-présidente en congés maternité. Ce n’est pas par une formule anglaise de good cooker* qui aurait pu résumer son rôle de président de séance, qu’il inaugurait l’assemblée du jour, mais par une prière, un douha, à l’intention du président Soibahadine, qui ne le surnomme donc pas « Hadj Mhoko » pour rien !

Un murmure suivait cette annonce, « oh non ! »… Ce n’était pas la joie dans les rangs, de la majorité comme de l’opposition, « nous sommes dans une institution de la République, il ne faut pas tout confondre ! », tentait de le rappeler à l’ordre l’ancien président Ahamed Attoumani Douchina. Inutile, quand Mhoko a dit… le douha se fit. Ben Issa Ousseni choisira de quitter l’hémicycle, « on peut avoir une pensée pour le président, mais pas de cette manière là ! », murmurait-il.

Autre interrogation, Mhoko pouvait-il règlementairement présider la séance en tant que vice-président. Soulevé par l’élue de Pamandzi Soihirat El Hadad, l’article 33 de la loi du 2 mars 1982 indique que théoriquement, cette substitution n’est possible qu’en cas de vacance du président, c’est à dire de cessation définitive de ses activités. Ce qui n’est pas le cas. Mais plus loin, il est noté que « l’absence ou l’empêchement du président est de nature à justifier l’exercice de la suppléance par le vice-président, dans les conditions de l’article33, afin d’éviter une carence de l’exécutif départemental. » La séance ne devrait donc pas être annulée.

Le CESEM accusé de « faire de la politique »

Un budget excédentaire présenté par Ben Issa Ousseni

Le rapport phare concernait le Budget prévisionnel 2019 du Département. Nous avions largement évoqué ses spécificités : une embellie financière associée à un budget fragile en raison de recettes exceptionnelles. Parmi elles, les 122 millions d’euros versés par l’Etat à l’Aide Sociale à l’Enfance et aux PMI, « alors que leurs besoins sont de 39 millions d’euros » se lamente Ben Issa Ousseni, conseiller départemental chargé des Finances, qui verrait bien ces millions rejoindre le budget général. « Mais je suis moins écouté que d’autres apparemment… », glissait-il en direction d’Issa Issa Abdou, élu Chargé de l’Action sociale qui protège son pécule, comme le lui a demandé l’Etat. Un gage de crédibilité et de confiance qui permet ensuite au Département de signer avec l’Etat un plan de convergence dont l’unité est le milliard.

Pour faire fonctionner le Département, l’exécutif compte pour 2019, sur un budget de 449 millions d’euros, décomposés en fonctionnement, 284 millions d’euros et en investissement, 165 millions d’euros. Des investissements qui bénéficient des bons résultats 2018, dont 61 millions d’euros en fonctionnement qui lui sont entièrement réaffectés, c’est assez rare pour le souligner, « nous avons fait de gros efforts en maîtrise de dépenses », souligne Ben Issa Ousseni, élu chargé des Finances. On semble loin des gabegies dénoncées par la Chambre régionale des comptes sur les années précédentes.

Pourtant, un effort que le Conseil économique et social transforme en critique, qui estime qu’à force de fermer les robinets, les services du Département sont « privés de moyens de fonctionnement basiques ». « Vous faites de la politique plutôt que de l’analyse », leur reprochait l’élu.

Un hôtel particulier… et la Cité administrative ?!

Daniel Zaïdani et sa binôme Soihirat El Hadad

Pas de gros reproches d’ailleurs du CESEM sur ce rapport financier, qui souligne même un « accompagnement soutenu en faveur des communes », le Guichet unique d’attribution des subventions à destinations des associations, des entreprises, des syndicat, pour lequel il recommande des « critères de sélection transparents ».

Petit commentaire attendu, mais sans grosse critique du CESEM, sur l’achat de l’hôtel particulier de 12 millions d’euros pour la Délégation de Mayotte à Paris. Un « prix d’achat très élevé », « engendrant des frais de fonctionnement permanents à la charge du Département », avec une interrogation sur les raisons qui ont fait privilégier cet investissement plutôt qu’une Cité administrative à Mayotte, « annoncée dans le Contrat de convergence ».

Le Contrat de convergence fut d’ailleurs l’autre point fort de la plénière. D’un montant de 1,5 milliard d’euros, rarement débloqué pour Mayotte, d’autant que, comme le faisait remarquer le DGS Mahafourou Saidali, « il s’inscrit sur 4 ans, de 2019 à 2022, alors que les contrats de convergence nationaux sont signés sur 20 ans. Il s’agit ici de commencer à rattraper le retard de Mayotte. » Il sera signé par Annick Girardin, la ministre des Outre-mer sera à Mayotte autour du 20 avril.

Il s’agit d’un cofinancement principalement entre l’Etat, 600 millions d’euros, (et le double en crédits valorisés), le Conseil départemental, 300 millions d’euros, et 50 millions des Intercommunalités. Il sera affecté à la réfection des voiries nationales, départementales et communales, au transport interurbain, à la gestion des eaux pluviales, à l’éclairage public, à l’étude sur la piste longue, au début de contournement de Mamoudzou, aux écoles de 1er et 2nd degré (500 millions d’euros leur sont déjà dédiés, à vérifier que cela ne se recoupe pas), à l’université de plein exercice, etc. Le conseiller Chihabouddine réclamait une garantie, « il nous faut de l’ingénierie pour en garantir la consommation. »

Il y avait 21 rapports en tout. Nous reviendrons sur d’autres points forts.

Anne Perzo-Lafond

* « A good cooker can cook without looking at his cookbook », Un bon cuisinier peut cuisiner sans regarder son livre de cuisine, avait été la 1er phrase de Mhoko fraichement élu

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