« Le rapport de la Chambre régionale des Comptes ne va pas assez loin », estime Issa Abdou à propos de l’ASE

Pas facile de donner une ambition claire et de valoriser l’Aide sociale à l’Enfance sur un territoire ébranlé quotidiennement par l’immigration clandestine. Non seulement Issa Issa Abdou s’y colle sans mollir, mais il appelle chacun à s’approprier les enjeux. Et surtout l’Etat à faire montre d’efficacité pour contrôler les côtes.

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Issa Abdou: "Des échanges sans gants lors des COD avec le préfet"

Le rapport de la Chambre régionale des Comptes (CRC) sur l’Aide sociale à l’enfance, était inscrit à l’ordre du jour de la dernière assemblée plénière. Plutôt positif, mais très brièvement commenté par les élus, qui critiquaient le tableau où de nombreuses actions sont pointées comme « non mises en œuvre ».

Le vice-président Issa Issa Abdou, revient sur cet état des lieux. « Nous sommes partis de très très bas, pas ex nihilo, mais pas loin. Il y avait tout à construire en tout cas. Nous avons mis en place les structures pour diversifier la prise en charge des enfants en souffrance, mais cela n’apparaît pas sur le tableau. Les cases vont ensuite forcément se cocher peu à peu, comme les délais d’évaluation d’informations préoccupantes, dont certaines remontaient à 2014 ! Ou la composition de l’Observatoire de la protection de l’enfance, qui n’avait plus de responsable. Nous avons nommé en février Marion Breziat à ce poste. »

La construction de l’Aide sociale à l’Enfance est passée par un nouvel organigramme et une nouvelle direction, dédiée à l’Enfance et aux familles, « grâce au rapport de l’IGAS », au renforcement de ce qui était alors que le seul mode de placement, pour passer à 140 familles d’accueil, aux Tiers dignes de confiance, à l’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO), aux 5 lieux de vie et d’accueil, 2 Maisons d’enfant à caractère social, « des structures inédites pour Mayotte. La photographie de la Chambre est donc amenée à évoluer. »

Une garderie géante

Inauguration de l’AEMO en 2018, avec la présidente de Mlézi, Roukia Lahadji, et la directrice, Hélène Le Hir

Un dispositif de prévention spécialisée a été testé à Dembéni, avec des travailleurs sociaux chargés de répertorier les mineurs isolés, « nous sommes attristés de voir ce qui se passe actuellement au collège, car le maire m’avait dit que notre action avait été bénéfique, ‘on ne me réveille plus la nuit pour des bagarres de jeunes’. » Une prévention qui va être généralisée à l’ensemble de l’île, révèle-t-il : « A la suite de l’appel à projets, nous sélectionnerons le 30 avril les projets retenus sur le territoire. En recherchant l’intérêt général de l’île, nous trouverons l’intérêt particulier de chaque commune, dans l’esprit du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau. »

La conclusion du rapport de la Chambre des comptes en soulignant « une dynamique » le prouve : « Le Département a pris sa responsabilité, personne ne peut dire le contraire. Mais le rapport ne va pas jusqu’au bout, pas assez loin, car on connaît la source de nos maux. La mission régalienne de l’Etat se transforme en tonneau des Danaïdes ici, la lutte contre l’immigration clandestine doit monter en efficacité. Car sinon, nous devrons éternellement monter en puissance. » Il convient que la lutte contre l’écosystème de l’immigration clandestine a porté ses fruits, « mais ce n’est qu’une des cordes de l’arc. »

Même problème d’inadéquation avec la réalité de la loi pour les enfants déjà pris en charge par l’ASE, « on ne peut pas les garder éternellement, car cela fausse toute la politique de l’Aide sociale à l’enfance sur le territoire. Nous devenons une garderie géante ! On nous dit que l’intérêt supérieur de l’enfant est de retourner dans sa famille biologique, mais on nous en empêche parce que celles-ci vivent dans des conditions insalubrité. »

Construire ou ne pas construire

Un territoire dont la moitié de la population est composée d’enfants

L’élu revient sur le reproche, « d’une rare malhonnêteté intellectuelle », qui dénigre l’aide sociale, parce que vue comme dédiée aux enfants étrangers : « Ces enfants sont là. Soit on ne fait rien, c’est confortable, et c’est ce qui a été fait jusqu’à présent, mais si ça marchait, on l’aurait su ! Soit on éduque ces jeunes, et en faisant cela, on considère que c’est un problème en moins pour les Mahorais qui méritent de rentrer chez eux tranquille le soir, sans se faire agresser, ou sans être victime de coupeurs de routes. Finalement, quand on y pense, c’est presque égoïste ! »

Il va même plus loin, pour évoquer la mission menée par la députée Laetitia Saint-Paul en Union des Comores. Elle avait rapporté les propos d’un préfet disant la difficulté d’avoir des fonds pour développer Mayotte, ‘Paris craignant un appel d’air’. « Et ce sont les mêmes personnes qui nous reprochent de ne rien faire. Pire ceux qui chez nous s’indignent contre ces propos du préfet, critiquent les constructions d’écoles ou des PMI sous prétexte que ce sont pour des étrangers. Il faut rester logique. »

Pour conclure, Issa Abdou voit dans ce rapport un grand encouragement, « surtout pour nos équipes de l’ASE et du DGA, qui ne comptent pas leurs heures, c’est tous les jours, 24h sur 24 ». Et il justifie que le budget annexe créé pour l’Aide sociale continue à être préservé, malgré les tentations de ses pairs au Département, « il y a encore énormément à faire en structures médico-sociale, notamment, le rapport de la CRC le dit. Et de toute façon, toute bascule d’une somme fléchée vers le social par la loi de finances, vers le budget général, s’apparenterait à un détournement de fonds publics. Et on s’est tellement bagarré pour amener le social où il est actuellement… »

Anne Perzo-Lafond

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