Younous Omarjee « Je suis le mieux placé des Ultramarins » pour les Européennes

A quelques jours des élections européennes, le candidat sortant Younous Omarjee est à Mayotte en campagne pour sa réélection. Il est placé en position éligible par La France Insoumise. Nous l'avons rencontré.

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Le député Younous Omarjee lors d'un passage à Mayotte

Pourquoi venir en campagne à Mayotte ?

« Il y a eu une modification de la loi électorale et la circonscription outre-mer a disparu au profit de listes nationales. Contrairement à 2014, où on avait proposé des listes ultramarines, cette fois-ci les outre-mer sont à la merci des partis nationaux. La France Insoumise a fait le choix d’assurer la réélection du député sortant que je suis en me plaçant à la 4e place, les autres listes n’ont pas fait ce choix. Je suis donc le mieux placé des candidats ultramarins. Ma présence à Mayotte a une signification forte. Je m’inscris dans une action de député qui consiste à continuer le travail pour défendre Mayotte. Jusqu’alors, les Mahorais ont été représentés, à La Réunion comme dans les Outre-mer. Je leur demande, même s’ils n’ont pas une affection particulière pour la France Insoumise, de faire le choix du seul ultramarin sur d’être élu, et qui combat la politique d’Emmanuel Macron. J’ai toujours inscrit mon action au-delà des clivages partisans, leur vote ne sera pas instrumentalisé à des fins de politique locale.

Justement, quelles seront vos actions au parlement européen ?

Pendant mon mandat est intervenue la rupéisation. Je me suis battu, comme je l’ai fait pour la départementalisation en 2011. On est à l’aube de la programmation des fonds 2020-2027, l’enjeu est de faire en sorte que Mayotte retrouve la plénitude de son enveloppe. Pour rappel, Mayotte aurait dû bénéficier de 575 millions d’euros. François Hollande a sacrifié Mayotte en lui accordant une contribution forfaitaire de 300 millions d’euros, en dépit des critères. Quand j’avais dénoncé ce forfait, le ministre Lurel avait promis une clause de revoyure, il n’y en a jamais eu. Mayotte doit avoir son enveloppe intégrale. Or, lors d’un conseil des ministres en Roumanie auquel j’ai assisté en tant que député européen, on m’a alerté sur le fait que la France pourrait attribuer à Mayotte une enveloppe moindre, au motif que Mayotte n’utilise pas les fonds, et que 300 millions ce serait déjà bien assez. Or, si l’Etat est incompétent, il ne doit pas le faire payer aux Mahorais.

Quel est le taux d’utilisation de ces fonds ?

Je pense que c’est très bas, il faudrait demander à la préfecture. Mais il est hors de question que Mayotte ne bénéficie pas de ce à quoi elle a droit.

Vous êtes engagé sur le domaine de la pêche…

J’ai vu des petits pêcheurs artisanaux hier soir (dimanche NDLR), tous reconnaissaient la vaillance du combat qui a été le mien pour faire admettre à l’Union européenne qu’il fallait autoriser le renouvellement et la modernisation des petites embarcations. C’est enfin acté. Jusqu’à présent, l’UE interdisait la modernisation des flottes estimant que les grands équilibres étaient rompus, ce qui s’appliquait aussi en outre-mer.

Vous dénoncez sur les réseaux sociaux la surpêche ?

Vous avez environ 400 bateaux européens, principalement espagnols, et étrangers, qui font une pression considérable sur la ressource halieutique, ce qui fait qu’il n’en reste plus. Les petits pêcheurs, ce qu’ils pêchent, c’est le reste, ce qui a survécu.

Et l’agriculture ?

« On a installé un ensemble de règles. Le problème c’est qu’il y a beaucoup de complications pour les dossiers Feader et Poséi (des fonds européens NDLR). Les agriculteurs n’ont pas les fonds pour l’amorçage de leurs dossiers. Il faut trouver des moyens pour simplifier tout ça considérablement.

En avançant l’argent, au lieu de fonctionner par remboursement de dépenses ?

Rien n’empêche l’Etat ne créer un environnement plus favorable, Bruxelles ne l’interdit pas. Il faut voir comment la banque publique d’investissement, ou un autre organisme, peut entrer en action. C’est vrai pour l’agriculture comme pour la pêche, ils n’ont pas de trésorerie et se trouvent dans des situations limites .C’est un comble qu’on en soit à ce niveau de développement alors que nous sommes entourés d’eaux poissonneuses. Au-delà de ça, il y a un avenir pour l’agriculture à Mayotte. On peut par exemple créer une filière vertueuse pour que des produits péi, comme on dit à La Réunion, puisse être servis aux scolaires, ça permettrait de faire vivre des milliers de familles.

Quels sont vos autres thèmes de campagne ?

Je considère que c’est une honte pour la France de compter en son sein les régions les plus pauvres d’Europe. Mayotte est la région la plus pauvre de l’UE. Les 300 millions d’euros d’enveloppe arrivent sur un territoire dévasté. Les conditions pour que ces fonds puissent atteindre le stade de la performance ne sont pas réunies. Le préalable, ce sont des investissements de l’Etat dans la santé, l’éducation, le social, la sécurité… Mais il y a tout un environnement qui fait que les fonds européens sont investis un peu à perte. L’Etat n’est pas à la hauteur de son devoir vis-à-vis de Mayotte. Il faut ici un plan pluriannuel d’investissement bien plus important que ce qui est fait. Tout cela est lié aux questions européennes car du coup, les efforts de l’Europe ne produisent pas les effets attendus.

Un mot sur l’immigration, Mayotte doit-elle intégrer l’espace Schengen ?

Younous Omarjee en campagne à Mayotte, c’est sa 12e visite

Les migrations sont un sujet très complexe qui concerne le monde entier. Mayotte est aux premières loges de ce bouleversement. On oublie trop souvent que Mayotte est à la porte d’un continent qui va voir passer sa population d’un milliard d’habitants à plus de 4 milliards en 2100. Pour aucun pays une telle situation ne serait supportable. C’est toujours un défi, et pour une île c’est un facteur de déstabilisation considérable. Personne ne peut faire la leçon aux Mahorais, c’est à la France de faire aussi respecter un certain nombre de règles.
Par ailleurs, toute aide aux Comores est une aide pour Mayotte, mais il faut aussi que la France sorte de sa politique néo-coloniale envers les Comores. Suite aux présidentielles, plusieurs pays ont condamné la réélection du président comorien, qui a reçu le soutien de la France malgré les craintes d’un totalitarisme excessif, ce qui va aggraver le risque de départs. Il faut qu’Emmanuel Macron, avant sa venue ici, réalise que Mayotte est française et qu’on ne peut pas revenir sur l’histoire.
Concernant Schengen, si Mayotte est en dehors, c’est que tous les DOM sont en dehors. Pour y entrer, il faudrait que la France le demande.

Le Rassemblement national est bien placé dans les sondages nationaux…

Je peux comprendre dans ce contexte une sanction par un vote extrême, mais ce n’est pas la solution. Il s’agit d’un scrutin européen. Les eurodéputés frontistes sont des députés inutiles qui ne sont pas intéressés par Mayotte en dehors des élections. Il faut que les Mahorais aient confiance en leurs propres forces. Il faut des députés qui ne baissent pas la tête, et disent ce qui doit être dit. La dignité d’un politique, c’est de ne pas être dans les petits papiers du pouvoir. »

Propos recueillis par Y.D.

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