Finalement, le Service des Transports Maritimes ne fonctionne pas si mal quand on prend connaissance de la liste des 13 dysfonctionnements que nous ont transmise des agents : absence d’avenant au contrat alors que les conditions de travail ont évolué, heures supplémentaires payées tous les deux mois et non chaque mois, heures de nuit sous-payées, un nombre de 6 CDD pour un agent, etc. Mais surtout, ce qui fait défaut depuis plusieurs années, c’est la sous-qualification : « Les chefs mécaniciens 750 KW occupent des grades et fonctions de Chef Mécanicien 3000 KW avec toutes les responsabilités et inconvénients qui incombent à la fonction pour des raisons de service sans récupérer les avantages de rémunération ». Il n’y a pas qu’à la machine, au pont aussi, on rame : les capitaines 200 devraient être qualifiés pour le brevet 500.
Au cours de ces dix dernières années, les Affaires maritimes ont régulièrement menacé d’immobiliser le trafic si les formations ne suivaient pas, finissant par délivrer des dérogations à répétition, pour ne pas bloquer ce cordon vital entre Petite et Grande Terre.
Un sureffectif sous-productif
La Chambre Régionale des Comptes avait délivré en avril 2018 un nouveau rapport sévère sur la gestion du STM par le conseil départemental. En pointant notamment un sureffectif de personnel embarqué et à quai, 285 agents, engendrant un surcoût annuel de 1,6 million d’euros, et pointant leur sous-productivité.
Ce n’est pas tout, les agents dénoncent l’absence récurrente de directeur d’exploitation (l’un avait démissionné peu après sa prise de fonction), qui est palliée par les forces en présence, mais qui n’auraient pas la compétence demandée. Ce qui provoque les dysfonctionnements que l’on connaît, et tels que nous le retrace Moilim Madi, le délégué FO : « Pour éviter les engorgements les soirs d’atterrissage d’avion d’Air Austral, il faut anticiper, car la petite barge ne suffit pas. Du coup, face à l’affluence de passagers, des agents sont rappelés en renfort d’urgence, et avec des heures supplémentaires mal comptabilisées. » Il semble aussi que la liaison entre l’aéroport et le STM soit à améliorer.
L’idéal serait que le personnel naviguant suivent des formations pour décrocher le brevet exigé par la législation, mais le niveau de certains agents ne le permettrait pas. Exerçant pour certains depuis 20 ans comme commandant au STM, ils demandent la mise en place une revalidation des brevets et la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pour que les capitaines décrochent un brevet correspondant à leur fonction. « Le conseil départemental a débloqué 200.000 euros pour ça, mais cela n’a jamais été mis en place ».
Un directeur d’exploitation dans un mois
La direction nous explique ne pas voir d’obstacle majeur à la qualification par la VAE, « mais les agents demandeurs doivent monter leur dossier, c’est très complexe ». Rajoutant qu’une accompagnement peut être mis en place. « Sur l’ensemble des points de revendication, les négociations sont en cours, nous travaillons avec les syndicats pour trouver une solution acceptable », nous indique le directeur, Jean-François Urbain.
Le conseil départemental nous confirme que les négociations sont bien engagées. Du côté de l’encadrement, il semble que les postes soient enfin pourvus, avec la nomination annoncée d’un directeur d’exploitation dès le 1er octobre, et la démarche est lancée pour le directeur technique et un responsable des ressources humaines.
Une sous-qualification des agents qui pénalise Mayotte dans beaucoup de domaines, héritage du passé, qui va se résoudre avec l’arrivée de nouvelles compétence. Il n’y aurait plus que deux chefs mécaniciens 750kW.
En dépit de tous ces manquements, le STM ne fonctionne malgré tout pas si mal, quand on compare avec la régularité de l’offre de transports en métropole, bus, train… ou avion. Le plus pénalisant pour les usagers reste le manque d’informations : en cas de suppression d’une barge ou d’un amphidrome, les passagers ne sont jamais avertis malgré la présence des panneaux signalétiques à cristaux liquides rouges, et les agents, pourtant nombreux, se sont alors comme par magie évanouis dans la nature.
Anne Perzo-Lafond