Serpent et zébu donnent leur voix aux contes sur le patrimoine musical de l’île

Seule Mayotte, dépourvue de salle de spectacle, peut nous offrir une telle scène. Encadrés par cocotiers et baobabs, quatre classes du collège de Mgombani ont renoué avec la tradition musicale de l’île, en confectionnant eux-mêmes leurs instruments de musique.

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Un spectacle dans un écrin naturel

Obligée de se gratter les méninges l’année dernière, Cécile Bruckert, directrice de l’école Musique à Mayotte, avait dirigé les pas de ses musiciens en herbe vers un lieu fraîchement aménagé à Hajangua. Eric et Viviane Bellais portent notamment Vouindze culture pour la préservation des traditions culturelles. Ils ont aménagé scène et gradins naturels sur leur terrain, qui ont pris forme un an après, patinés par les saisons. Les deux projets ne pouvaient que se rencontrer.

C’est la 2ème année que Musique à Mayotte est financée par la Direction des Affaires culturelles (DAC) dans la cadre de l’appel à projet national « C’est mon patrimoine », et par le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET) pour mener à bien ce projet avec quatre classes du collège de M’gombani. Il s’agit de revenir sur les pas des ancêtres mahorais, en reprenant leur chemin à travers la fabrication d’instruments de musique qui illustrent des contes.

Duo instruments traditionnel et contemporain, entre Colo Hassan et Mouss

Ne pas perdre le contact avec la tradition, c’est le fil rouge de l’action de Cécile Bruckert, ancrée à Mayotte depuis 30 ans : « Je vois tous les gamins arriver avec les écouteurs sur les oreilles et des morceaux mondialisés. L’Histoire est encore tout prés ici, mais elle risque de vite s’oublier si on ne fait pas attention. Le projet national ‘C’est mon patrimoine’ nous pousse à de belles initiatives. Nous nous sommes aussi appuyés sur le travail effectué l’année dernière avec la Fondation Carasso de collectage musical et de transmission autour des instruments de musique traditionnels, notamment avec Colo Hassan. »

Colo Hassan, dernier facteur de gabouss à Mayotte, est bien présent ce dimanche à Hajangua, et livrera un morceau en duo avec Jean Wellers, dit « Moumouss », au violon. Des allures d’Orient et d’Afrique en même temps, de belles sonorités.

Concours de mashévés

Au milieu de l’espace naturel, les spectateurs assis sur des gradins en pierres plates, dont le vice-recteur

Mais ce dimanche après-midi, les vedettes ne sont pas les baobabs et les chauves-souris, mais bien les enfants. Ils ont écrit et interprété deux contes sur les instruments traditionnels que sont les masheve et les m’biwi. Avec une révélation, Jasmine Myriam qui incarnait la petite voix du serpent à sonnettes, bien sûr à Masheve ici, et la tonnalité grave de baba Nyombé, le zébu. Une performance, qu’accompagnaient des thèmes traditionnels instrumentaux, mêlant gabussi, dzendze, mkayamba, masheve et violons, sans oublier les percus sur un vieux tambour de machine à laver. Des chants antillais et réunionnais étaient également au programme. (Visionner un extrait de l’histoire du serpent à mashévés en cliquant sur MAM spectacle Hajangua)

Quatre ateliers, écriture, conte, illustration et mise en musique, qui ont réuni les acteurs depuis la rentrée du mois d’août, rassemblant 75 enfants au total. Deux tiges, 8 graines d’œil du diable… C’est un concours de rapidité de conception de mashévés qui clôturait le spectacle, avec en vainqueur Zoélie, en classe de 6ème du collège de M’gombani. L’établissement doit toujours accueillir les Classes à Horaire Aménagé Musique, CHAM, l’école MAM ayant obtenu l’année dernière l’agrément du ministère de la Culture. Présent, Gilles Halbout, le vice-recteur était parmi les plus enthousiaste, « ce que j’ai vu m’a donné envie de soutenir le dispositif ».

Concours de mashévés, avec les modèles en premier plan

Enfin, un peu comme pour le shimaore qui intègrera les bancs des écoles en tant que matière quand un support pédagogique sera rédigé, les instruments traditionnels pourront être présentés aux élèves de MAM comme un vrai cursus lorsqu’une méthode de travail sera mise au point comme c’est le cas pour le piano ou la guitare : « Nous y travaillons notamment avec Matona et son académie de Zanzibar, et en nous appuyant sur le patrimoine du canal du Mozambique », explique Cécile Bruckert.

Un gros travail est en cours également avec le MuMa dans le cadre des JEP 2020, « et ils vont également nous mettre à disposition leur patrimoine sonore. »

Ce n’est qu’un début, mais 5 élèves sont actuellement inscrits en gaboussi à l’école d musique.

Anne Perzo-Lafond

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