Cette semaine est « un moment important » pour Alain Gueydan, à la tête de la Direction du travail de Mayotte (Dieccte). L’enjeu pour lui de cette semaine « c’est la reconnaissance, l’emploi et l’insertion des travailleurs handicapés ». Ce qui semble un horizon bien plus lointain que la fin de la semaine. Car avant même de parler de trouver un emploi, il faut déjà être reconnu comme travailleur handicapé. « La première porte d’entrée, c’est la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, ce qui ouvre des droits, notamment financiers et aux dispositifs d’aide » indique Alain Gueydan. Et pour obtenir cette reconnaissance, c’est par la Maison départemental des personnes handicapées (MDPH) que ça doit passer. Elle seule est habilité à officialiser une situation de handicap, à en estimer le taux et à attester de la qualité de travailleur handicapé.
« La MDPH est un guichet unique, y venir est une démarche personnelle de l’usager » explique Nadia Ahmed Allaoui, référente insertion professionnelle à la MDPH. « Il y a toutefois deux cas de figure : soit l’usager vient de lui-même, soit des associations accompagnent la personne en situation de handicap dans ses démarches ». « C’est important que les associations fassent sortir ces personnes de chez elles pour qu’elles soient reconnues comme travailleurs handicapés » poursuit Alain Gueydan.
Or, travailleur ne veut pas dire employé, mais c’est un statut qui permet de bénéficier d’aménagements de poste voire d’aide au recrutement, grâce aux quotas de travailleurs handicapés imposés aux employeurs.*
On estime qu’actuellement à Mayotte, seul un travailleur handicapé sur 10 est reconnu. Ils ne sont en effet que 147 à Pôle Emploi, soit environ 1% des chômeurs de l’île. Au niveau national, c’est 11% des demandeurs d’emploi qui sont en situation de handicap. « Statistiquement, on devrait en avoir 10 fois plus » en déduit le directeur de la Dieccte. En d’autres termes, les handicapés sont déjà bien plus touchés par le chômage que le reste de la population au niveau national, mais à Mayotte, ils sont en plus une minorité à être reconnus. « Souvent les enfants ont été cachés » déplore Alain Gueydan, ce qui pose chez ces derniers des problèmes de niveau scolaire qui aggravent leurs chances d’accès à l’emploi. Mais les freins parfois facilement qualifiés de « culturels » sont aussi structurels. Ainsi au niveau de la MDPH, on estime que l’examen complet d’un dossier peut prendre deux ans (le délai réglementaire est de 4 mois précise la MDPH après à la parution de cet article). Un délai insupportable qui s’ajoute aux difficultés inhérentes au handicap. Ainsi, paradoxe de la journée, le jeune chanteur non voyant qui interprétait des titres en relation avec son handicap n’est lui-même pas reconnu comme travailleur handicapé.
Il faut dire que la MDPH est soumise à un fort turn-over et a vu trois directeurs se succéder en trois ans. Pourtant des recrutements ont eu lieu. La MDPH s’est dotée de deux médecins spécialisés qui se relayent, et une équipe pluridisciplinaire est censée évaluer les taux de handicap. Chaque mois, 6 dossiers d’insertion professionnelle en moyenne sont étudiés. « Les choses accélèrent, on voit la différence » tient à noter Nadia Ahmed Allaoui.
* En France, les entreprises doivent avoir 6% de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. A Mayotte, ce taux était de 2% jusqu’à cette année. Avec l’alignement du code du travail, l’objectif des 6% doit être atteint en 2022, à raison d’1 point de plus chaque année. Il est actuellement de 3%.
Y.D.