Avec un niveau comme celui de vendredi, la science mériterait qu’on lui fasse sa fête tous les jours à Mayotte ! Certains conférenciers ont amené notre cerveau dans des zones qui lui semblaient encore inexplorées, par la suite binaire de Thue-Morse qui retombe sur la même combinaison par trois évolutions différentes, ou par « la courbe de l’oubli de Ebbinghaus », pour ceux qui s’interrogent sur leur capacité à mémoriser.
Heureusement, « l’année scolaire 2019-2020, c’est l’Année des mathématiques », sur la plan national, comme l’indique Louise Nyssen, maître de conférence, qui est chargée de la superviser au sein de l’Institut National des Sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI). Ça tombe bien, les maths vont pouvoir apporter leur contribution, car 2020, c’est aussi l’année des élections.
Un thème de choix pour le vice-recteur Gilles Halbout, qui proposait une étude comparative des différents modes de scrutin. Cinq candidats qui peuvent tous gagner en fonction du mode de scrutin choisi et finalement, une multitude de paradoxes qui renversent les idées reçues. Notamment sur notre scrutin uninominal à deux tours. Gilles Halbout s’amuse pas mal des trop grandes évidences : « Le gain de voix d’un candidat par rapport à un autre ne lui donne pas forcément plus de chance de gagner », « l’électeur peut avoir intérêt à ne pas révéler son vrai choix », ou « l’absentéisme peut faire gagner un autre candidat que le sien ». On apprendra qu’après avoir planché, les mathématiciens avaient décrété la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, « c’est la première fois qu’un candidat gagnait quelque soit le modèle ! »
Un or vert appelé Spiruline
Mais ce vendredi, la séquence émotion revenait à Marc Trousselier, chercheur au CNRS connu à Mayotte pour son étude en 2015 sur la polyculture nécessaire à la réussite de l’aquaculture, pensée alors en monoculture. Cette fois, il s’est penché avec ses collègues sur le lac Dziani Dzaha en Petite Terre, avec à la clef des découvertes étonnantes.
On apprenait que sa magnifique couleur, qui oscille entre le vert émeraude et le turquoise, est liée à la présence de phytoplancton, concentré à la surface d’une eau salée, « et au PH très élevé, entre 9 et 10 ». Après analyse des prélèvements, il apparaît que la couleur quasiment fluorescente provient de la présence de Arthrospira platensis, plus connue sous le nom de Spiruline, une micro algue notamment très utilisée en complément alimentaire. Plusieurs milliers de filaments par millilitre d’eau sont concentrés à la surface du lac Dziani, « nous sommes dans le Top 10 des plus fortes concentrations en biomasse ».
Œuf pourri salé au menu des profondeurs
Mais uniquement à la surface, car en dessous, « c’est la nuit, la couche de Spiruline prend toute la lumière ». Si la salinité de l’eau à la surface est comparable à celle des océans, « 35g de sel par litre », au fond, le chiffre est multiplié par deux, 70g/l. Et si la surface est très oxygénée, au fond, il n’y a pas de photosynthèse. « Nous avons une concentration énorme d’hydrogène sulfuré, qu’on repère à l’odeur d’œuf pourri. On l’enregistre à 600mg par litre au fond, il faut savoir que 1mg/l suffit pour tuer une souris. Il n’y a donc plus aucune forme de vie supérieure. » Alors que sa profondeur moyenne est de 6m, une fosse la fait plonger à 18m.
Il n’y a donc ni poisson, ni crevettes, mais des microorganismes sont présents. Des observations qui ont amené les scientifiques à s’interroger : « Ce lac vieux de 4.000 ans est-il un Jurassic Lake*? Nous avons conclu que non, mais qu’il est analogue à des lacs du précambrien* », beaucoup plus vieux donc.
Un écosystème « unique au monde sur les plans écologique et de la rareté », mais un écosystème menacé. Par la main de l’homme tout d’abord, mais surtout, par le nouveau volcan et sa poche magmatique : « La vitesse de subsidence, d’enfoncement, de l’île, forte au début de l’essaim de séisme, qui avait ralenti, s’accélère à nouveau récemment. A ce rythme, d’ici 20 ans, nous pourrions atteindre un enfoncement de 2,60m, impliquant une pression qui pourrait engendrer des fissures et l’infiltration des eaux du lagon dans un lac dont les eaux sont d’origine, moyennant l’apport de pluies qui compense l’évaporation. »
Un phénomène qui amène à s’éloigner de l’ancien cratère du lac Dziani pour se pencher sur l’évolution de l’île dans sa globalité, « il faut protéger les habitants dans une démarche intégrée ».
Anne Perzo-Lafond
* Période Jurassique, de -200 à -145 millions d’années – Période précambrien, 3 milliards d’années
La souris menace l’éléphant