Pour accéder aux fonds européens, et même aux fonds nationaux, les porteurs de projet ont du mal à verser leur quotte part. Les communes notamment n’ont souvent pas l’épargne nécessaire pour dégager de préfinancement. En plus de la Dotation Globale de Fonctionnement de l’Etat, l’arrivée de l’octroi de mer et des impôts locaux dans les caisses, les ont un peu renflouées. « Nous avons commencé à financer des actions, mais la trésorerie file vite, et d’autres opérations sont à venir », explique Harouna Colo, le maire de la commune Mtsamboro.
Le préfinancement mis en place depuis un an maintenant par l’Agence Française de Développement (AFD) joue ce rôle d’accompagnateur en attendant que les fonds soient débloqués pour la commune. « Nous en sommes à plus de 100 préfinancements sur l’ensemble du territoire, constate Yves Rajat, directeur de l’antenne AFD Mayotte, encore une fois, ce n’est pas l’argent qui manque à Mayotte, mais la capacité à mobiliser. Elle dépend de deux facteurs, la trésorerie, et les ressources humaines ». Et l’Agence compte bien épauler les communes sur les deux tableaux.
En matière de trésorerie, la commune de Mtsamboro vient de signer pour un préfinancement de 3,5 millions d’euros. Trois projets sont lancés, la station d’épuration de filtres plantés, destinée à assure l’assainissement des plus de 2.000 habitants de Mtsahara, de 2,4 millions d’euros, le chantier de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI) de M’ronijumbe, pour 1,9 million d’euros, et la rénovation de deux écoles ainsi que la création de deux réfectoires, pour 600.000 euros. Un appel d’air pour accéder à des fonds Etat, LBU et RHI, sur ces trois projets.
Une sorte de « clause de revoyure »
« Ce préfinancement va nous permettre d’allouer notre trésorerie à d’autres projets, comme le stade de foot de Mtsahara, la crèche cofinancée avec le Département et l’Etat et le gymnase », rapporte le maire Harouna Colo. Son DGS, Abdourahamani Assadihila, complète, « c’est parfois très long de récupérer les subventions dues par l’Etat. Ce préfinancement nous permet de supporter ça, avec un remboursement à 36 mois. »
L’AFD a sa « clause de revoyure », une sorte de certificat de bonne conduite : « Sans empiéter sur la libre administration des collectivités, nous demandons de suivre les dossiers une fois par an. » Un suivi qui lui permet d’avoir d’avantage de marge, « cela nous a permis d’obtenir plus facilement un accord de prêt en comité de crédit. Nous nous assurons juste que vous êtes sur la bonne trajectoire », explique le directeur de l’AFD.
Car deux ou trois cas lui restent en mémoire, « des collectivités qui avaient détourné les fonds pour autre chose, sans pouvoir évidemment obtenir le remboursement de l’Etat ensuite puisque les actions n’étaient pas engagées. Nous avons donc dû transformer la somme en prêt à long terme pour la commune… pas évident pour les collectivités qui se portent mal. » Un suivi bénéfique à tous les cordons de bourse donc.
« Ne pas trop accompagner »
Si nous avons vu que les collectivités ont perçu des recettes supplémentaires depuis la mise en place de la fiscalité de droit commun, les impôts fonciers restent très en deçà de ceux du reste du pays, 9% de leurs entrées d’argent contre 42% sur le reste de la France (Source AMF). Là encore, l’AFD a un outil adapté : « Nous proposons de travailler sur l’amélioration de vos bases fiscales, en partenariat avec la DRFIP, car vous avez un gisement de croissance important. » Une prestation qui coute 200.000 euros, mais qui peut rapporter gros, « vous pourriez récupérer 15 à 20 millions d’euros par an ».
Dans la même veine, leur est proposé une assistance au parc automobile, « pour le verdir », entendons évacuer les voitures poubelle dans un premier temps, mais aussi au déblocage d’un fonds vert, ou d’accompagnement à la maitrise d’œuvre des projets. Un dernier point important pour Yves Rajat, puisqu’il conditionne la réussite de la décentralisation : « Il ne faut pas non plus trop accompagner les collectivités, mais plutôt chercher à renforcer l’entourage opérationnel avec l’Etat et le CNFPT. Il faut former et expliquer. »
Nous sommes revenus avec l’équipe de Mtsamboro sur les nombreux investissements programmés par la mairie, et la mise en garde du président de la Chambre Régionale des Comptes sur la budgétisation du fonctionnement des installations. Le DGS de la commune se voulait confiant : « Aujourd’hui, lorsqu’on monte un projet, nous devons décliner les modalités de gestion. Par exemple, nous comptons monter une piscine lagunaire, d’eau de mer donc, avec le vice-rectorat. Nous savons qu’il faut budgétiser l’exploitation. De même que pour la médiathèque, nous formons un cadre B qui en sera ensuite le directeur. Il faut savoir anticiper. »
Certaines communes commencent donc à endosser les étapes de la décentralisation, leur autonomie de budget les y a grandement aidé.
Anne Perzo-Lafond