Clé en main, penchés sur leur moteur, les élèves de Bac professionnel aéronautique semblent à peine se rendre compte que le recteur Gilles Halbout vient de faire son entrée dans l’atelier. Ils sont douze à bénéficier de cette section mise en place à la dernière rentrée. Logique avec la proximité du lycée de Petite Terre avec l’aéroport, mais il fallait y penser et le réaliser.
Si tous les élèves arborent un teeshirt gris Aéro Mayotte, l’un d’entre eux est floqué Ewa Air. Le jeune Mikdart Baher, 15 ans, y est apprenti : « Depuis tout petit quand on prenait l’avion, je demandais à aller dans le cockpit. Ça m’a donné la vocation ». Tout en nous parlant, il démonte un démarreur de moteur DART, « un exercice de TP ». Ayub Ingar, directeur d’Ewa Air, nous en dit plus : « Il est apprenti chez nous depuis la dernière rentrée, c’est un passionné, dès qu’on lui parle aéronautique, il a des étoiles dans les yeux. » Une tutrice, Ryana Rakotomanga, lui est dédiée.
Un autre groupe d’élèves s’acharne sur un circuit de démarrage d’un turbopropulseur, « ceux qui auront suivi jusqu’au bout cette formation dans la mécanique aéronautique ne devrait pas avoir de difficultés pour trouver du travail », glisse Didier Piolat, le proviseur. Moïse Issoufali représente Air Austral, « et des jeunes pourront venir en stage dans l’atelier de maintenance de Mayotte Air Service. »
La filière aéronautique va prendre des galons et in situ à l’aéroport, comme nous l’explique Luc Poirier, Inspecteur de l’Education nationale en Sciences et techniques de l’industrie : « Nous avons pour projet l’installation d’un campus des métiers de l’aérien, en face des locaux de Mayotte Air services. »
Agent de sécurité de la Coupe du monde de rugby… plus qu’un rêve
En matière de formation professionnelle, le lycée de Petite Terre propose 2 CAP, Agent de Sécurité et Equipier polyvalent du commerce (rentrée prochaine), 4 Bac Pro, Aérien, Option système, Accueil et Commerce, et 3BTS, Comptabilité-gestion, Management opérationnel et Banque conseiller en clientèle.
Et pourtant, en matière d’enseignement professionnel dont c’est la journée nationale, Mayotte n’a pas beaucoup à offrir. C’est pourquoi elle ne figurera pas parmi les territoires abritant des Campus des métiers et des qualifications d’excellence, révélés ce jeudi par le ministre Blanquer, explique le recteur Gilles Halbout : « Mayotte doit se positionner, notamment sur sa voie professionnelle. Il y a un budget, il faut construire des projets ». Il cherche à donner une cohérence entre les filières. Deux axes principaux sont définis pour Mayotte : l’aéronautique donc et le maritime. Sans pour autant oublier la sécurité et l’accueil.
Extinction d’un petit incendie ou secourisme, des démonstration étaient faites pour les hôtes du jour, notamment le directeur de Mayotte Incendie, Michel Taillefer, qui héberge 16 apprentis, « je les ai motivés avec deux objectifs de taille, participer à la sécurité pour la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques de Paris en 2024. » Pas un mince défi à décrocher !
En cette journée de manifestation contre la réforme des retraites, le recteur s’était fait chahuter à l’entrée de l’établissement, par une cinquantaine de professeurs en grève. Il réagissait : « Certains râlent, et ça nous arrive à tous, mais avant tout, nous sommes là pour développer le territoire qui en a tellement besoin ».
Pêche et STM : deux secteurs en demande de formation
Après l’air, la mer ! La délégation du rectorat était accueillie par un « Karibu likolini ya bahari ! » à l’Ecole d’Apprentissage Maritime (EAM), par Gilles Perzo, son président, et Eric Bellais, son directeur, là encore, dans une logique d’extension. L’école propose des formations à la pêche, au commerce (marine marchande), à la plaisance professionnelle et à l’aquaculture, « toutes agréées par la DMSOI (Affaires maritimes) », soulignait le directeur. Trois cursus, pont, machine et petite pêche-aquaculture, sont proposés, avec des formations à la revalorisation des brevets tous les 5 ans. Elles dépendent étroitement de la commande publique, pour un tiers. « Nous accueillons jusqu’à 600 stagiaires par an. »
Un effectif qui est amené à croitre, « compte tenu des besoins dans les domaines de la pêche », beaucoup ne sont pas diplômés, et avec les besoins « énormes » du STM, le Service des Transports maritimes du conseil départemental.
La visite de l’établissement met en avant la vétusté des locaux, « nous déménagerons pour de nouveaux bâtiments dans deux ans, financés par le Département, avec une partie destinée à la formation maritime, et l’autre au lycée de la mer », annonce Eric Bellais. Un brevet de Capitaine 200 voile est en gestation, « avec l’arrivée de 4 catamarans nous ne pouvons que constater que la plaisance professionnelle est en plein développement. »
On parle d’une île de 376km2, qui a donc une partie de son avenir tournée vers la mer, « et vers le littoral, soulignait Gilles Halbout, nous devons associer tous les partenaires, pour viser tous les domaines. Le lycée professionnel pour la maintenance maritime, le Centre universitaire pour l’activité touristique, etc. Et il faut aller vite autant pour le projet immobilier que pour le choix des filières, des CAP, des organismes associés, GRETA, CFA. Il y a de la place pour tout le monde. »
Anne Perzo-Lafond