Propriétaires agricoles, des baux pour réveiller vos terres

Si tout le monde s’accorde sur le potentiel agricole de l’île, les Jeunes agriculteurs mettent en garde : sans titre, ils n’ont pas accès aux aides, notamment aux fonds européens. Peu ont la chance d’en posséder, ils se tournent donc vers la location. Mais en face, peu de foncier disponible. Ils en appellent donc aux propriétaires de terres agricoles inexploitées.

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Le manque de terrain, un frein à la création d'exploitation pour les jeunes agriculteurs

« Beaucoup de propriétaires pensent que le risque est trop fort de perdre leur parcelles s’ils la mettent en location. Au contraire, cela peut leur procurer plus d’un avantage ». Soumaïla Moeva, plus connu sous le diminutif de Anwar, préside le réseau des Jeunes Agriculteurs (JA) de Mayotte, et se fait l’ambassadeur de cette campagne de recherche de terres agricoles : « La location n’est pas une rente pour le propriétaire, mais cela peut couvrir son impôt foncier. » Encore peu le paie à Mayotte sur ces surfaces, mais les services fiscaux les inventorient peu à peu pour accroitre les recettes des communes. « D’autre part, l’existence d’un bail signé par l’agriculteur garantit l’entretien de la parcelle et éloigne tout occupant illégal. » Sans compter la fibre patriotique, « de participer à la production agricole locale. »

Si sur le papier l’offre est alléchante, le propriétaire terrien peut rechigner à voir son terrain planté, labouré, et doté de bâtiments avicoles par exemple, en sachant qu’à moyen terme, il peut vouloir en récupérer la jouissance. Soumaïla Moeva a la réponse : « La durée du bail se décide conjointement avec l’agriculteur, qui ne peut implanter de bâti sans en aviser le propriétaire ». Il se dit malgré tout conscient que plusieurs propriétaires perçoivent des loyers au noir d’occupants illégaux, « l’informel rapporte cash ».

Un arrêté préfectoral encadrera les baux

Anjara Moussa et Soumaïla Moeva structurent un secteur en manque de cadre

Le type d’exploitation influence la durée du bail : « Il faut au moins 25 ans de bail dans le cas d’une production de bois de forêt, alors que pour le maraichage, 9 ans sont suffisants. »

Pour rassurer les propriétaires, le dispositif va faire l’objet d’un arrêté préfectoral, « qui fixera le bail avec des fourchettes de prix. » Entrent en ligne de compte l’accessibilité du terrain, sa configuration en pente ou pas, etc. « En moyenne, en métropole, les terres agricoles sont de 6.000 euros l’hectare, mais à Mayotte, elles sont plutôt à 25.000 euros. »

Le bail fonctionne plutôt pas mal sur les terres du conseil départemental, le principal propriétaire foncier de l’île. Quand les papiers sont en règle. Ce qui est loin d’être le cas avec un cadastre qui ne date que de 1992. Jusque là, les Mahorais n’avaient pas l’obligation de détenir un titre, la passation se faisait par oral. Seuls les étrangers devaient s’y astreindre, débouchant sur l’aberration d’absence de titres chez les occupants locaux, alors que les autres en détenaient. « Nous en sommes à notre 3ème génération d’exploitants, mais ma grand-mère n’a jamais détenu de titre foncier, rapporte toujours Soumaïla Moeva, je ne peux donc pas bénéficier des fonds européens. »

Les fonds FEADER consommés par les gros exploitants

L’exploitation avicole du lycée agricole de Coconi

Un état des lieux qui explique que les 74% de programmation du FEADER (25% de mise en paiement), sont surtout le fait des gros exploitants. « Le Programme de Développement Rural nous procure des aides à hauteur de 90% d’un investissement de 150.000 euros par employé. Je prends mon exemple de l’implantation d’un bâtiment de volaille, sur une surface de 200m linéaires, avec raccordement à l’eau, à l’électricité, et bétonnage d’une piste d’accès. L’investissement est de 500.000 euros. A deux, nous pouvons prétendre à 90% de 300.000 euros, je vais avoir du mal à monter un plan d’entreprise pour obtenir un prêt bancaire. Seul les gros groupes peuvent recruter plusieurs employés pour atteindre la somme adéquate. »

Le manque d’ingénierie que devrait leur fournir une Chambre d’agriculture qui peine à trouver un premier souffle, c’est l’Etablissement public foncier, l’EPFAM, qui tente de le combler, « il nous appuie notamment au niveau des fonds européens, mais reste le problème de préfinancement. » Anjara Moussa, Chargé d’opération agricole à l’EPFAM, rapporte la démarche volontaire de la structure, « nous mettons en place l’observatoire des parcelles agricoles, et notamment la mise en relation de l’offre et de la demande de terres agricoles. »

Pour emporter la décision des propriétaires, les JA réfléchissent avec le conseil départemental à l’octroi d’une prime annuelle pour compenser la perte de jouissance du terrain. Un dispositif national d’aide à l’installation que le Département n’a pas encore mobilisé.

Une tournée des communes* est prévue, « mais nous travaillons déjà notamment avec les intercommunalités du centre ouest et du sud sur l’implantation d’un pôle agricole. Il pourrait gérer un groupement de parcelles privées, de quoi rassurer les propriétaires. »

Anne Perzo-Lafond

* Lycée de Coconi Samedi 29 février de 9h00 à 11h00
Bandrélé Samedi 28 mars de 9h00 à 11h00
Dzoumogné Samedi 25 avril de 9h00 à 11h00
Combani Samedi 23 mai de 9h00 à 11h00
Chirongui Samedi 13 juin de 9h00 à 11h00
Mtsamboro Samedi 27 juin de 9h00 à 11h00

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