On aurait aimé parler de parodie de justice, mais une parodie est censée être drôle. L’audience aura juste laissé un goût amer à quiconque apprécie les grands principes de la justice que sont la publicité des débats et le droit à la défense.
Ce procès n’aurait pourtant rien dû avoir de compliqué. Un jeune homme comparaissait pour avoir tenté de cambrioler les locaux de SMCI le 10 mai 2017. En brisant une vitre, il avait déclenché l’alarme, mettant fin au cambriolage. Il sera confondu plus tard par son ADN retrouvé sur les lieux. C’est d’ailleurs la seule preuve à charge contre cet homme qui a toujours nié les faits.
Problème, le prévenu est détenu à Angers pour d’autres faits de vol. Le ramener à Mayotte pour le juger coûterait un bras, alors la loi prévoit la possibilité de le juger en visio-conférence. Ce qui a déjà été tenté ces derniers mois. « Ce dossier a déjà été renvoyé à plusieurs reprises parce que la visio ne marchait pas » rappelle la présidente Clara Faure.
Pourtant cette fois-ci, malgré les problèmes techniques, le procès a bien eu lieu. Dans des conditions qui laissent pantois.
D’abord, le prévenu n’avait pas d’avocat. Il accepte finalement d’être jugé sans. Premier obstacle levé.
Ensuite, seuls deux des trois écrans de la salle d’audience fonctionnaient. Mais surtout, le son lui, ne marchait pas. Après plusieurs minutes de bidouillage, il est décidé de poursuivre l’audience, en utilisant les écrans pour l’image, et un smartphone en mode main-libre pour le son. Une idée qui aurait pu marcher dans une salle silencieuse, où le son n’aurait pas été étouffé par la bruyante climatisation -qui, elle aussi en panne, ne refroidissait pas grand chose-.
Du coup pour entendre le prévenu, le procureur a dû se déplacer, quittant son bureau perpendiculaire aux juges du siège pour… prendre la place d’un assesseur qui s’est assis contre le mur derrière, brisant les codes qui font la solennité des audiences.
Ainsi les quatre magistrats pouvaient-ils entendre ce que leur disait le prévenu par téléphone. Du moins en partie car la liaison était mauvaise.
Quant au public, il ne pouvait, lui, rien entendre du tout. Pourtant, l’article 400 du code de procédure pénale prévoit que « Les audiences sont publiques ». A l’exception des affaires impliquant des mineurs (le huis clos est alors de droit), ou sur décision motivée par des questions d’ordre public, les débats doivent être audibles et accessibles aux personnes présentes. Il n’en a rien été.
Du coup, la défense n’a pas été brillante non plus. Notant que « le seul élément de ce dossier, c’est l’ADN », le procureur réclamait 6 mois de prison ferme, à ajouter à la peine en cours d’exécution. Une peine lourde, qui aurait mérité une défense solide.
Après les réquisitions le prévenu devait naturellement avoir la parole pour assurer sa défense. « Est-ce que vous avez un dernier mot à ajouter ? » lui demande la présidente.
L’homme opine du chef et parle longuement, plusieurs dizaines de secondes, sans que l’on ait pu en entendre une syllabe. Puis la présidente l’interrompt. « Vous ne vous souvenez pas. D’accord. Le tribunal note qu’a priori, ce n’est pas vous. On va en rester là car on ne vous entend plus » tranche la magistrate mettant fin à la défense du jeune homme. Un avocat en aurait fait un ulcère, mais ils sont en grève. D’ailleurs un avocat s’il y en avait eu un, aurait sans doute dès le début obtenu le renvoi de l’audience à une autre date.
Quelques minutes de délibéré plus tard, elle annonçait la peine : 6 mois de prison ferme, comme demandé par le procureur, auxquels s’ajoutent 127€ de frais de procédure. Une somme qui ne suffira pas à remplacer le matériel défectueux du tribunal judiciaire de Mamoudzou.
Y.D.