Le financement participatif, nous y avons tous trempé. Que ce soit pour offrir avec la famille un vélo au petit neveu, ou dans sa forme plus élaborée, celle des plateformes de crowdfunding (financement participatif), du type Leetchi. La Poste est sur le secteur depuis 10 ans, à travers ce qui est devenu en 2017 sa filiale, Kiss Kiss Bank Bank. Un détournement du titre du film Kiss Kiss Bang Bang.
« Notre plateforme est active en métropole, mais pas encore en Outre-mer. Mayotte est le premier territoire à en bénéficier », annonce Gaëtan Longeau, directeur régional de La Poste. Il s’appuie sur le dynamisme du territoire en matière de créations d’entreprises.
Faire financer son projet par la communauté, Mayotte connaît avec le Shicoa (Tontine). Mais c’est aussi le territoire où l’écart entre les revenus est le plus important de France, puisque les 10% les plus riches ont un revenu 14 fois supérieur aux 10% les plus pauvres (INSEE 2017). Non pas qu’il y ait des très riches, mais beaucoup sont très pauvres, avec un revenu moyen de la population 4 fois inférieur à celui de la métropole. L’idée que les revenus les plus élevés participent à la création de richesse du territoire en cofinançant des projets n’est donc pas aberrante.
74% de réussite sous réserve d’implication
La méthode est simple. Il suffit pour un porteur qui a suffisamment muri son projet, « on ne finance pas des simples idées », mettaient en garde les managers de Kis Kiss Bank Bank, de se rendre sur le site internet et suivre les démarches proposées après le clic de « lancez votre projet ». « Nous vous contacterons dans les deux jours. »
Pour cela, il faut avoir internet, or, Gaëtan Longeau rappelait que seuls 15% des ménages y ont accès à Mayotte. C’est la que La Poste intervient en saveur avec sa cape jaune et bleue, puisqu’elle propose du wifi gratuit sur les 17 points contact de l’île, « bientôt 21 »,
Accompagné de la directrice exécutive de La Poste Outre-mer, Catherine Garnier-Amouroux, il avait convié des porteurs de projets au RSMA de Combani, pour une visio-conférence avec la plateforme Kiss Kiss Bank Bank à Paris. Sur le plan national, ce sont 111 millions d’euros de fonds qui sont levés pour financer 38.000 projets.
Vous souhaitez vous lancer ? Vous devez savoir qu’un projet classique collecte 5.000 euros de fonds, avec des montants avoisinant le plus souvent 60 euros. Le taux de réussite avoisine les 74%, « elle dépend du temps que vous passerez à faire vivre votre page, à la partager, etc. »
La « gratitude-attitude »
La procédure est précise, basée sur le « tout ou rien ». Il faut se fixer un objectif de financement, qui, s’il n’est pas atteint au bout du temps imparti de 60 jours maximum, annule la collecte, et redonne à chacun sa participation. « Il en va de la transparence pour les contributeurs qui souvent ne connaissent pas le projet. » Ils ont accès au plan de financement.
Pour se lancer dans la collecte rien de tel qu’un appel du pied envers la famille et les bons amis, puis, ce seront les amis d’amis, et enfin, le grand public à toucher notamment par les médias. « Ne faites pas l’inverse, car les gens qui ne vous connaissent pas vous épauleront s’ils voient que vous êtes entourés ! »
Le taux de réussite de ce financement participatif est bien supérieur qu’aux Etats Unis, en raison de l’accompagnement. Laurent Beaumont, fondateur de l’épicerie éco-solidaire « Yes We Can Nette » qui en a bénéficié, témoignait : « Après des débuts fulgurants du projet monté à quatre copains, nous avons eu besoin de carburant, et c’est Kiss Kiss Bank Bank qui nous l’a fourni. Le défi, c’est que des gens qui ne vous connaissent pas vous donnent de l’argent. » Il a bénéficié de 48 contributeurs qui ont cru au projet, et qu’il a tous recontactés après, car c’est aussi ça le financement participatif, « c’est avoir la gratitude-attitude ».
Le porteur de projet peut choisir de proposer des contreparties à offrir à ceux qui croient en son projet, des petits cadeaux, des goodies, des invitations…, ou proposer de participer à une prévente des objets, ou par le mécénat.
En ce moment, sur la page de Une de Kiss Kiss Bank Bank, un projet d’Eric Fotorino (directeur de publication du « 1 »), ou un web documentaire « Les vies d’en dessous ».
Anne Perzo-Lafond