« Les mairies n’aiment pas les enfants avec un handicap »

Confrontés à des difficultés récurrentes, des parents d'enfants handicapés se sont réunis ce jeudi pour faire front commun. Une association devrait voir le jour pour les appuyer dans leurs démarches, entre une MDPH mal comprise et des mairies parfois récalcitrantes.

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Quelques parents ont souhaité une photo, d'autres ont préféré la discretion.

C’est un sujet de campagne quasi inexistant, et pourtant. La scolarisation en école élémentaire dépend des mairies, y compris pour des enfants en situation de handicap. Mais des parents déplorent des réticences voire des pressions pour les dissuader de scolariser leur enfant. En amont, les démarches à la Maison départementales des personnes handicapées (MDPH) sont souvent longues, des dossiers se perdent. Autant de difficultés qui ont amené une quinzaine de parents à se réunir jeudi.

A l’appel de trois d’entre eux, la moitié des parents de patients du Centre d’accueil médico-social précoce (Camsp) qui soigne des enfants de zéro à 6 ans s’y sont retrouvés pour une séance un peu particulière. L’idée est née du conseil de vie sociale (CVS) mis en place par l’actuelle responsable de cette structure de l’association Mlézi Maoré, Hélène Frach. « Ces parents cherchaient des solutions pour faire avancer les choses pour leurs enfants, notamment pour faire avancer le délai de traitement des dossiers à la MDPH. On comprend que la MDPH est récente* à Mayotte, c’est difficile. Mais les parents voulaient que leurs difficultés arrivent aux oreilles des responsables » explique cette dernière. Puisque le sujet dépassait le cadre du CVS et de l’association, il fallait en parler dans un autre cadre. L’idée d’une réunion ad-hoc était née.

Pour la mener dans de bonnes conditions, le Camsp a mis son local à disposition, mais ce jeudi le maître de séance, ce n’était pas un soignant mais Ali Abdou El Mahadi, papa d’un petit garçon handicapé. « On se réunit pour discuter des difficultés que l’on rencontre à la MDPH dans nos démarches », commence ce dernier. « Moi par exemple, j’ai déposé un dossier en 2016, à chaque fois que j’y allais on me disait d’attendre, que c’était en cours. En 2018 j’ai enfin eu ma notification, sur laquelle il était écrit que c’était passé en commission le 9 novembre 2017 ! Il a fallu 6 mois pour que je sois informé ». Or trois ans après, « cette notification arrive à expiration, ça dissuade de faire les démarches ».

Le camsp accueille les enfants de 0 à 6 ans, mais la liste d’attente peut être longue

Des mésaventures partagées par d’autres parents, comme cette maman qui confirme que « ça ne donne pas envie, même si on crie on n’est pas entendus. On préférerait se débrouiller seuls mais on a besoin de tout ça ».
Parmi les doléances, la première est le délai de traitement des dossiers. Pour chacun des parents présents, celui-ci s’est étalé entre 8 mois et 3 ans. Voire 4 ans pour une maman dont le dossier a été perdu à la MDPH et qu’il a fallu recommencer.

Or, ces pertes de temps « ont des conséquences pour les parents et leurs enfants » explique Hélène Frach. Imaginons le cas d’un enfant autiste qui aurait besoin d’une prise en charge au Camsp : diagnostiqué à 3 ou 4 ans, si les démarches prennent plus d’un an avant d’obtenir sa notification MDPH, il est admissible dans la structure à 5 ans, soit juste avant l’âge auquel il doit la quitter. « Du coup cela peut générer des ruptures dans le parcours de soin » alerte la soignante.

Pas de « procès de la MDPH »

Les délais dépassent souvent le temps réglementaire de 4 mois : ici près de 2 ans

Ces difficultés et retards sont d’autant plus décourageants qu’une fois la notification émise, le parcours du combattant ne fait que commencer. Les structures d’accueil sont peu nombreuses au regard du nombre d’enfants en situation de handicap sur l’île (qui reste sous-évalué en raison d’un manque de diagnostics) et les listes d’attente sont longues. Quant aux enfants pour lesquels la MDPH accorde une aide à la scolarisation, il faut ensuite passer par les mairies, et l’inscription à l’école est une autre gageure. Si le rectorat a annoncé de nombreux recrutements d’assistants (AESH) pour ces enfants, les parents constatent une réticence des municipalités. « Les mairies de Mayotte n’aiment pas les enfants avec un handicap, ils sont toujours recalés » accuse une maman.

Un papa acquiesce. « Je voulais inscrire mon enfant en maternelle à Doujani. A la mairie, on m’a expliqué qu’il y a déjà 30 enfants par classe, et que si on accepte mon enfant handicapé, il faudrait retirer deux enfants de sa classe ». Un chantage affectif qui, là encore, tend à décourager ces parents.

Pour faire entendre leur voix accélérer les choses, Ali Abdou el Mahadi a proposé l’idée de créer une association qu’il propose d’appeler « Le cri des parents des enfants en situation de handicap », afin « d’être plus forts ensemble ». Une nouvelle réunion est prévue pour en acter les modalités et désigner les responsables de cette future structure.

Ali Abdou El Mahadi veut créer une association pour fédérer les parents

Il a aussi créé une pétition destinée à la MDPH et à l’ARS, signée par les parents présents.

Toutefois tout n’est pas noir dans le tableau de ce Cri, un des papas présents invite à éviter tout « procès de la MDPH ». « Moi j’ai fait un dossier et je n’ai eu aucun souci, six mois après j’ai eu ma lettre disant que mon dossier était en cours pour que l’enfant soit accompagné dans sa scolarité ». Un papa satisfait donc. Même si le délai évoqué excède là encore les 4 mois réglementaires.

Y.D.

 

* La Maison des Personnes Handicapées, qui est devenue ensuite « Départementale », a été créée en 2010

7 Commentaires

  1. Les mairies n’aiment pas les enfants en situation de handicap ? Qui aurai aimé avoir un enfant en situation de handicap? Faut dire que a Mayotte il y a un gros manque de structure et de professionnel. Les administrations publiques se doivent d’accompagner, aider ces familles comme tout simplement aidé à monté le dossier MDPH.

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