La chambre régionale des comptes Mayotte publie le rapport sur le contrôle des comptes et de la gestion du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) pour les exercices 2015 à 2019, c’est-à-dire avant la période Covid 19.
Le document rappelle le contexte d’une situation sanitaire des populations « très dégradée avec une espérance de vie de près de sept ans inférieure à celle enregistrée en métropole », et un hôpital sous-doté, « aucun département d’outre-mer n’a une situation comparable à celle que connait Mayotte. La Guyane bénéficie pour 10.000 habitants de 28 lits et 2 places en Médecine-Chirurgie-Obstétrique (MCO), de 4 lits en Suite de soins, de 9,4 places en hospitalisation à domicile et de 4,2 lits et 1,8 places en psychiatrie. Mayotte ne peut offrir que 13,7 lits et 2 places toutes spécialités confondues ».
L’île compte 13 dispensaires et 4 centres de références avec des maternités périphériques et une permanence médicale.
Avec un budget de 223 millions d’euros, l’établissement détient le quasi-monopole de l’offre de soins de l’île. Il emploie 2.251 agents dont une centaine d’interprètes et plus de 250 médecins. L’activité de l’hôpital est à dominante gynécologique et obstétrique, la prise en charge de l’urgence sanitaire constitue l’autre pôle majeur.
La période 2015-2017 est marquée par des résultats déficitaires. Une amélioration est enregistrée en 2018 avec un excédent de 13,7 M€ en compte financier. La capacité d’autofinancement est impactée par le dernier résultat excédentaire et passe ainsi de 6 M€ en 2015 à 28 M€ en 2018. Mais l’ensemble présente un déficit de 20,9 M€ au 31 décembre 2018. « Un mois et demi de recettes suffiraient pour le solder », selon la Chambre.
Le CHM est le seul établissement de France (avec Saint-Pierre et Miquelon) à bénéficier d’un financement par dotation globale, « plus favorable que celui de la tarification à l’activité ». L’absence d’Aide Médicale d’Etat (AME, dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins) à Mayotte impose une dotation compensatoire de l’Etat. Pour le démontrer, le document avance l’augmentation considérable des recettes en dotation globale de financement en fond d’investissement régional progressent, qui « progressent plus vite (35 %) que l’ensemble des produits (33,2 %) ». N’oublions pas qu’il s’agit aussi de rattraper le retard accumulé à la suite de la révélation en 2017 d’une sous-dotation de l’ARS Mayotte lorsqu’elle était absorbée par l’ARS OI, qui bénéficie de seulement 9% du Projet régional de santé océan Indien. Rattrapage qui n’est que partiellement reflété, l’étude portant sur la période 2015-2019.
Des contractuels mieux payés que les titulaires…
En matière de gestion, les disciplines de gynécologie obstétrique, réanimation pédiatrique, néonatologie et pédiatrie sont exercées sans autorisations, comme la chirurgie ambulatoire, la psychiatrie enfant et adulte en hospitalisation complète ou partielle. Des avancées sont annoncées par la direction dans ce domaine, la CRC mettant en garde contre les problèmes de couverture par les assurances en cas de problèmes.
En matière de gestion financière, de 2014 à 2019, trois directeurs des affaires financières se seront succédés, ainsi que deux attachés d’administration. « Il résulte de ces productions partielles de grandes approximations dans le suivi de l’exécution budgétaire du CHM. » On peut sans doute rattacher ce turn-over à la difficulté générale de fidéliser le personnel médical, sur laquelle revient longuement la Chambre.
En invitant tout d’abord à se mettre en règle avec la législation sur les surprimes, avant de proposer des solutions.
Les contractuels qu’ils soient non médicaux ou médicaux, touchent la même majoration de 40% que les titulaires au CHM. En outre « et pour des raisons d’attractivité », les praticiens contractuels sont recrutés sur une base de traitement qui va au-delà de celle communément admise et appliquées par les hôpitaux, à savoir un salaire d’un praticien hospitalier au 4ème échelon (On atteint souvent le 7ème, voire 8ème échelon).
… Sans pour autant les fidéliser
Si le CHM le justifie par les problèmes d’attractivité et de fidélisation du personnel médical (près de la moitié des personnels médicaux sont en contrat, et 60 % de ces contrats ont une durée inférieure à trois mois), « l’octroi de ces avantages ne suffit pas à fidéliser le personnel médical », indique la CRC, mais de surcroit « il aboutit à ce que des contractuels, par le cumul de divers avantages (transport, hébergement, mise à disposition de voiture, sur rémunération) soient mieux rémunérés que des titulaires. Le CHM est conscient de cette réalité et a déployé d’autres dispositifs. »
Inquiétant de constater que les salaires mirobolants ne suffisent pas. La sociologie du corps médical à Mayotte est « « particulière », souligne le rapport : « Les chefs de pôle, ont un âge « avancé ». À l’autre extrémité, on trouve de jeunes praticiens, volontaires et engagés dans une mission quasi humanitaire. Au milieu on trouve des quadragénaires très engagés jusqu’aux dernières crises à répétition, qui ont pu entamer leur conviction de rester. » Il y a 54,64 % de contractuels sur l’effectif médical, et la part des contrats de courte durée24 représente 69 % du total de ces derniers.
Pour sortir de ce schéma, et encourager les hospitaliers à rester, des mesures ont été mises en place : l’assurance de percevoir l’indemnité particulière d’exercice (IPE) égale à huit mois de salaire de base sous condition de rester deux ans, et non plus quatre, hausse du nombre d’internes formés à Mayotte. L’idée de « bonifier » les périodes passées à Mayotte dans la poursuite de sa vie professionnelle « n’a pas pour l’heure trouvé de concrétisation réglementaire ». A travailler donc. La Chambre préconise aussi de mettre en place « un régime d’œuvres sociales comparable à celui offert par les établissements hospitaliers métropolitains ou ultramarins serait de nature à fidéliser le personnel soignant. »
Reconstruction du CHM en 2023
En dehors de ces perspectives touchant les ressources humaines, les nouvelles constructions occupent le haut de l’affiche. « La reconstruction de l’hôpital sur site (à Mamoudzou) est une nécessité pour la population et un enjeu majeur pour l’établissement. Le projet actuel, sous réserve de modifications, comprend deux tranches pour une enveloppe prévisionnelle de 290 M€. L’opération de reconstruction devrait démarrer en 2023 ». Il s’agit du projet COPERMO (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers) que les comptables de la Chambre appellent à démarrer rapidement en dotant le comité de pilotage de compétences.
La première version permettrait une augmentation sensible des capacités portées ainsi de 362 lits et 49 places aujourd’hui, à 584 lits et 77 places.
Il ne s’agit pas du 2ème hôpital annoncé par le président de la République, mais bien de la reconstruction de l’existant, qui nécessite de sécuriser le financement. Le CHM n’ayant pas la capacité de l’autofinancer, une aide de l’État a été annoncée dans le cadre du Plan pour l’avenir de Mayotte de 172 M€. « La question du complément de financement se pose dès lors de manière cruciale et ne peut être reportée à plus tard. D’autres sources de financement doivent être envisagées, tels que subventions des collectivités et recours au FEDER ».
Lire le Rapport CRC CHM
Anne Perzo-Lafond
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