Comme son nom l’indique, ce forum mené en visio depuis La Réunion, vise à partager la diversité des cultures mahoraise et réunionnaise en vue d’enrichir l’expertise sociale et renforcer la coopération entre les services des deux départements dans le domaine du social.
Plusieurs intervenants ont enrichi le débat, introduit par le 4ème vice-président chargé du social, Issa Issa Abdou, « nous sommes heureux de mener ces échanges pour la 2ème année consécutive, avec une approche interculturelle qui permet à chaque communauté de faire un pas vers l’autre. Cela doit induire une amélioration des conditions de vie des famille mahoréunionnaises ».
La vice-présidente du conseil départemental de La Réunion saluait cette initiative de la Délégation de Mayotte à La Réunion, « car souvent, nous sommes face à des situations critiques qui nécessitent une adaptation en fonction des particularités culturelles. »
On notait par exemple que les regroupements de danseurs et de danseuses comme les chigoma ou le Debaa n’était pas constitués en associations, « donc l’action publique ne peut pas être menée car ils ne peuvent bénéficier de subventions, n’étant pas reconnus par l’Etat ».
Sur le sujet qui nous préoccupe de l’enfance précisément, l’intervention de l’avocat au barreau de Saint-Denis Ali Midhoiri, doit permettre d’enrichir la prise en charge à La Réunion. Une démarche qui peut servir Mayotte. Il revenait sur les droits des enfants, protégés par une Convention internationale, qui permet de poser les enjeux pour ceux qui en sont responsables, « je les résumerais par l’attention portée sur les besoins fondamentaux, une responsabilité en matière de soins, et de protection sociale. Des droits qu’il faut lire à travers la situation culturelle spécifique des familles issues de l’archipel des Comores, c’est à dire, Mayotte et les Comores. »
« Le compte rendu d’audience ne reflète pas le contexte »
L’enfant peut être en danger parce que victime de violences, ou être en carence, « par défaut de surveillance, d’hygiène sanitaire, d’insuffisance de droit parental ». C’est déjà à ce stade qu’il faut agir, et pour cela, pouvoir compter sur un solide vivier de travailleurs sociaux tant les besoins sont importants.
Me Midhoiri revenait sur les particularités qui doivent être intégrées par ces professionnels : « Les enfants circulent entre les familles, ou peuvent être pris en charge par l’oncle maternel, notamment quand ils quittent Mayotte ou quand ils quittent les Comores. Et tout cela, dans un contexte social difficile marqué par la précarité. L’enfant est coupé de son contexte familial, et se retrouve à La Réunion dans un cadre inhabituel, pris en charge par une délégation de l’autorité parentale au sein de logement parfois exigus et très peuplés. » Une situation inhabituelle pour les acteurs de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
Lorsqu’il doit plaider dans des affaires de mise en cause des droits de l’enfant, l’avocat note que « très souvent, le compte rendu d’audience ne reflète pas le contexte. En conséquence, on assiste à une réponse inappropriée qui aggrave le danger. »
« Des placements excessifs »
Il évoque ainsi « des placements excessifs » de l’enfant dans une famille d’accueil, « qui provoque chez lui une nouvelle cassure de la cellule familiale ». Bien sûr, on ne parle pas des cas où l’enfant est mis en danger par le comportement de l’autorité parentale, mais des situations où tout serait encore rattrapable : « Il faut une meilleure collaboration entre les acteurs de l’enfance, et avec la famille. C’est d’ailleurs ce que le conseil départemental de Mayotte a inscrit dans son schéma de l’enfance et des familles. Il faut aussi un recours plus systématique à l’interprétariat, et que l’enfant et sa famille soient associés aux décisions. Sinon, la famille ne comprend pas la démarche judiciaire, et nous aboutissons à un échec. » Un vrai sujet à Mayotte aussi.
L’avocat plaide pour une « négociation et un dialogue » systématique. Et d’avoir aussi recours à un « interprétariat culturel ». « Le juge des enfants aura donc toutes les cartes pour prendre la décision allant dans le sens de la socialisation de l’enfant. »
Saluons l’action de l’élu en charge du social puisqu’aucune interaction entre les deux départements français de l’océan Indien qui se regardaient de travers, n’était menée avant la structuration de la Délégation de Mayotte à La Réunion, ou alors, à titre anecdotique.
A l’issue des premières rencontres, la Délégation de Mayotte était sollicitée par les travailleurs sociaux, et un réseau est en cours de formation comme terrain d’échange entre professionnels.
Anne Perzo-Lafond