En 2012, une mini-révolution secouait Dembéni : le premier centre universitaire naissait sur ce territoire où les premières écoles maternelles ont vu le jour avant-hier à l’échelle de son Histoire. Les matières de base, Droit, mathématiques, AES, Lettres et Histoire-géographie, étaient enseignées uniquement en 1ère année en partenariat avec des universités partenaires en métropoles, Aix-Marseille, Nîmes et Montpellier. Il propose maintenant des Bac+3 et le poste de directeur doit être prochainement renouvelé. Ce poste était occupé à sa création par Laurent Chassot, puis par Aurélien Siri, toujours en poste.
2020, deuxième révolution, le mahorais Thomas M’saïdié, maître de conférence au CUFR, est donc candidat, et a rédigé sa profession de foi : « C’est une des rares fois qu’un enfant de l’île aspire à être à la tête d’une administration d’Etat », souligne-t-il.
Sa vision politique de l’avenir du CFUR tient en 5 axes, avec une constante, l’inclusion de cet embryon d’université dans la vie locale et régionale. « Le CUFR ne doit plus être un choix par défaut », glisse-t-il. On pourrait dire qu’il l’est de moins en moins avec la montée croissante des interventions en présentiel de professeurs venus de métropole.
Mais des pistes d’amélioration sont proposées, notamment en formation : l’amélioration de « l’accès aux ressources documentaires en ligne de nos universités partenaires » pour les étudiants, le renforcement de « l’efficace Pôle culture », la multiplication des licences professionnelles, notamment dans le domaine de l’écotourisme, « pour répondre aux manques de cadres intermédiaires et supérieurs sur le territoire », déjà initiées dans cet objectif en 2014, ou « la création de diplômes adaptés aux besoins locaux ».
12 ans de gestation
La recherche répondra à « la traduction concrète de la diversité des domaines d’études des enseignants chercheurs », et fera l’objet de colloques ou de journées d’étude, toujours dans l’esprit de « répondre aux besoins en compétence du territoire ».
Bien qu’éloigné à Dembéni, Thomas M’saïdié veut recentrer le CUFR « pour l’ancrer dans son écosystème », ce qui se traduit par un « partenariat étroit avec les collectivités et les acteurs socio-économiques locaux » et une stratégie de collaborations institutionnelles locales, nationales, régionales et internationales ». Tout ceci au moment où Mayotte en tant que région doit développer son schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Une structuration qui doit permettre de déboucher sur « une université de plein exercice », au bout du mandat, dans 4 ans, « cela fera 12 ans que le CUFR a été créé, c’est le temps que les Réunionnais ont mis pour passer d’un Centre universitaire en 1970 à une université de plein exercice ».
Pilotage avec tableau de bord
Pour contrer le turn over, Thomas M’saïdié préconise des recrutements locaux, « disposant des compétences requises ». Plusieurs sont d’ailleurs en métropole, il faudra s’atteler à les faire revenir.
Sa profession de foi est notamment fondée sur un rapport d’évaluation du HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), dont il extrait un passage, « tous les interlocuteurs rencontrés ont insisté sur l’image négative que le CUFR représente pour une grande partie de la population de l’île : « un centre piloté par les seuls métropolitains et au service des étrangers ». Une traduction du ressenti de la population, auquel il faut moins céder qu’argumenter, « L’évolution démographique de notre île doit être abordée comme un atout entraînant une approche différente du développement de Mayotte », souligne d’ailleurs l’universitaire.
Une petite pique toutefois contre le directeur en place, Aurélien Siri, puisqu’il dénonce une gestion « totalement improvisée (…) sans aucun indicateur notamment d’activité et de performance susceptible de conférer un suivi objectif. »
Le choix du nouveau directeur par les membres du conseil d’administration devrait avoir lieu début novembre.
Anne Perzo-Lafond