Qu’est ce qui peut bien réunir Mayotte, le Groenland et Aruba, état antillais néerlandophone ? La réponse vient de Djémilah Hassani, responsable de la stratégie régionale de l’ESS à la Chambre régionale de Mayotte (Cress).
« En 2018 on était partis au forum mondial de l’ESS où on avait rencontré le gouvernement d’Aruba. Après ça, un appel à projet a été lancé par la Commission Européenne et Aruba a rappelé Mayotte. Mais il fallait être trois et c’est comme ça que le Groenland a rejoint l’aventure. » L’affaire semblait alors bien engagée, « mais l’appel à projet a été annulé. »
Qu’à cela ne tienne, décidés à devenir partenaires, les trois îles ont persévéré. « Grâce aux échanges mis en place, le Groenland a pu identifier des entreprises de l’ESS. On a décidé de continuer ensemble sous forme de cluster. Mayotte peut partager quelques savoirs faire développés ici sur le territoire, à Aruba, ils sont très axés sur l’entrepreneuriat social. Au Groenland, le terrain est encore un peu vierge, leur intérêt c’est d’apprendre de ce qui a été fait et de voir ce qui est réplicable sur leur territoire. » Le wébinaire qui s’est tenu ce mercredi après-midi avec des officiels des trois territoires « part d’une demande de la Commission européenne. Les RUP et les territoires d’outre mer peinent souvent à s’adapter aux règlementations de leurs métropoles, c’est pour ça qu’on a décidé de faire force commune. On a décidé de se mettre à 3 et de faire ce wébinaire, surtout dans ce contexte sanitaire où on tend à penser que l’économie est au point mort. A Aruba, une structure a réussi à utiliser une technique pour produire des salades locales. A Mayotte le Petit Malavoune a réussi à transformer son modèle économique grâce au Covid. Au Groenland, ils ont décidé de mener un accompagnement fort sur une structure de l’ESS axée sur l’industrie de la pêche et ils ont découvert l’existence d’un café solidaire. Comme à Aruba il y a la volonté d’un développement endogène de la sa population. C’est spécial pour Mayotte mais aussi pour toute l’Europe des mers. »
D’autant plus spécial que Mayotte, souvent ciblée pour son manque d’ingénierie, est cette-fois sollicitée pour exporter son savoir-faire. « Depuis l’existence de la CRESS On n’a de cesse de répéter que l’ESS est dans l’ADN des Mahorais, ce n’est plus une ingénierie mais une raison d’être », poursuit la responsable. « On a traduit cette raison d’être par des actions concrètes comme l’accélérateur d’ESS qui a permis 168 emplois pendant le Covid. On a réussi à intégrer des réseaux européens où notre expertise a été reconnue. »
Ce wébinaire était pour le sénateur Thani qui l’a inauguré « une première européenne voire une surprise mondiale. Nous sommes en train de faire en sorte que trois territoires s’engagent dans une dynamique commune, l’ESS n’est pas une économie de compétition mais celle qui nous permet de renouer avec nous même en ces temps tumultueux, ça fait chaud au cœur. »
De fait, si Mayotte, Aruba et le Groenland sont des territoires bien différents, de nombreux points communs les aident à se retrouver sur diverses thématiques. Passé colonial, liens forts et compliqués à la fois avec les métropoles, et identité culturelle secouée par des difficultés économiques sont autant de sujets de compréhension mutuelle. Comme à Mayotte, Lida Skifte Lennert, responsable de la représentation du Geoenland à Copenhague se demande « comment la culture peut devenir un capital, comment concilier tradition et recherche au bénéfice de la croissance ? »
Lars Balslev, du cabinet du 1er ministre du Groenland s’intéresse de près au sujet lui aussi. « Je voudrais comprendre comment les entreprises sociales peuvent aider à développer un pays ». Et de vendre son territoire comme nul autre pareil. « Le Groenland est la plus grande ile du monde, un endroit fantastique. Nous sommes une région autonome au sein du royaume du Danemark, nous sommes 56 000, l’Etat providence suit le modèle nordique, le PIB par habitant est proche de la moyenne européenne. Nous avons quelques start ups comme entreprises sociales » poursuit-il. « Je suis ici aujourd’hui pour apprendre d’Aruba et Mayotte. Nous sommes assez différents mais nous avons des relations avec notre métropole qui sont fortes. Nous aimerions créer un système où les entreprises s’aident entre elles et favorisent les échanges entre elles. Ceci est la meilleure option pour le développement du Groenland. »
Ce séminaire en ligne est venu rappeler que malgré des langues, cultures et histoires différentes, les outre-mer ont des points communs assez forts pour travailler ensemble. Et l’impulsion donnée par Mayotte pourrait faire des petits puisque le wébinaire a bénéficié d’inscriptions depuis le Cameroun ou encore le Togo, eux aussi intéressés par l’expérience de Mayotte, qui a trouvé là un créneau en or pour briller à l’international.
Y.D.