« Relaxés des fins de la poursuite », nos confrères des Nouvelles de Mayotte remportent une petite victoire contre la compagnie Air Austral qui entendait les faire condamner pour diffamation. En cause, un article de 2019 sur la desserte aérienne de Mayotte dans laquelle le rédacteur en chef Denis Hermann bombardait la compagnie de sous-entendus.
Alors que Corsair quittait Mayotte car empêchée de se poser à Tananarive, ce qui rendait le détour peu rentable, notre confrère y voyait la patte d’Air Austral et écrivait que la compagnie voulait « interdire à Corsair de pointer le bout de son nez à Madagascar » et faisait un « intense lobbying pour empêcher Air Mauricius de se poser à Mayotte » afin de « verrouiller le ciel de la zone au maximum pour conserver une position dominante ».
L’article accusait aussi la compagnie Air Austral de « freiner des quatre fers » pour empêcher la piste longue et « conserver son monopole ». Des propos qualifiés de diffamants selon la compagnie qui a porté plainte. Pour la Justice, le journaliste a simplement « tenu à apporter sa contribution à la compréhension du débat en cours sur le sujet ». La démarche est qualifiée de « légitime de la part de quelqu’un qui a vocation à éclairer l’opinion ».
D’autant que « l’article ne se présente pas sous la forme d’une articulation précise de faits ». Par ailleurs les juges ne voient rien d’infamant dans le fait pour une société à but commercial de « faire du lobbying » pour conserver sa position, par conséquent le dénoncer n’est pas de nature à « porter atteinte à l’honneur » de la compagnie en question.
Autre phrase ciblée par la plainte, « le Mahorais restera pour longtemps le client pigeon d’Air Austral ». On aurait pu imaginer qu’un client estimant ne pas payer assez cher aurait pu attaquer le journal pour injure ou diffamation, ça n’a pas été le cas. La plainte de la compagnie a, elle, été rejetée aussi sur ce point qui « n’impute aucun fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou la considération d’Air Austral mais est l’expression d’une opinion du journaliste qui relève du seul débat d’idées ».
Ce dernier allait même plus loin, dénonçant un « silence des élus » qui « cache quelque chose ». Une insinuation diffamatoire pour Air Austral mais pas pour les juges car « ce quelque chose de caché est tellement vague et imprécis qu’il relève de l’expression d’une opinion et non pas de l’imputation d’un fait précis ».
Au final le jugement estime que « le journaliste a manifestement poursuivi un but légitime en informant ses lecteurs de faits d’actualité qui reposent sur des éléments de débat public » et « qu’aucun passage de l’article ne porte atteinte à l’honneur et à la considération d’Air Austral ».
Y.D.