La 1ère victoire des Assises de la sécurité du 11 et 12 novembre 2020 est d’avoir rassemblé tous les acteurs du sujet autour de plusieurs ateliers, dont une première synthèse était fournie ce mardi 15 décembre. La 2ème, est d’avoir proposé un suivi rapide, orchestré par Ambdilwahedou Soumaïla, maire de Mamoudzou, un mois après leur tenue, et sans penser que le plus dur était derrière lui. « Le plan d’action qui en découlera sera remis au gouvernement, en espérant qu’il nous entende », introduisait l’édile de la commune chef-lieu de Mayotte, en visio depuis la Délégation de Mayotte à Paris, aux côtés du cabinet organisateur.
De l’ensemble des propositions, pour certaines très innovantes, que nous avions rapportées à la fin des Assisses, 73 ont été retenues, avec quelques oublis, relevés par les acteurs de cet ultime rendez-vous avant la rédaction du Plan d’actions.
Si la restitution a été jugée « fidèle » par la plupart, le recteur Gilles Halbout était le premier à entrer dans le concret des propositions qu’il pouvait immédiatement décliner, « l’apprentissages des valeurs de la République, l’insertion, le renforcement des moyens visant à scolariser tous les élèves, les remises à niveau, l’accompagnement à la parentalité », et à signaler les oublis, « le développement du tissu associatif doit aussi porter sur les domaines sportifs et culturels », et « il n’y a rien sur les langues régionales sur lesquelles une réflexion doit porter en matière de lien vers l’apprentissage du français. »
Toutes ces propositions sont conditionnées pour Anchya Bamana qui présidait l’atelier 3, à l’action de l’Etat « pour juguler l’immigration clandestine. Sans ça, les efforts que fait l’Etat pour développer Mayotte sont anéantis. »
« Tout dépend de comment on va au feu »
Avant toute rédaction, il faut être attentif à l’orientation globale que prend le document, met en garde Bacar Achiraf, Vice-président du CCEEM : « Tout d’abord, ne faisons pas de lien direct entre pauvreté et délinquance, on ne devient pas délinquant parce qu’on est pauvre », une réflexion qui n’est pas sans rappeler une tribune du directeur du CESEM, « ensuite, le fait de dire que la société mahoraise a une défiance vis à vis du droit commun semble sous-entendre qu’on est hors la loi, ce n’est pas vrai, le plus souvent, c’est qu’elle est mal expliquée. »
Evidemment, l’utilité d’une telle réflexion peut sembler décalée au regard de la situation d’urgence sécuritaire vécue par le département, et la 1ère vice-présidente du conseil départemental Fatima Souffou ne manquait pas de le souligner, « tous les jours la population se fait agresser et caillasser, il faut que notre action soit porteuse sinon les mahorais ne vont plus croire à ces Assises. »
A ce propos, Abdou Dahalani, président du CESEM, mettait en garde, « on a vu de nombreux comités de suivi dysfonctionner »et Archimed Said Ravoy qui avait animé l’atelier 4, rappelait qu’il existe de nombreux plans d’action, « mais qui manquent d’engagement politique. Sans élus qui les portent, c’est comme si on marchait sur des sables mouvant. Tout dépend de comment on va au feu. »
« Nous avons la baraka sur l’ordonnance de 45 ! »
Ce qui va sans doute aider, c’est l’actualité nationale, faisait remarquer Issihaka Abdillah, ancien élu et chroniqueur : « Nous avons la baraka ! L’ordonnance de 45 sur la justice des mineurs fait l’objet d’une révision au Parlement, c’est une chance pour nous. »
Il n’était pas le seul à rappeler que nos voisins comoriens « ne doivent pas être vus come des ennemis, il faut réactiver les accords franco-comorien signés par le passé », de son côté Abdou Dahalani jugeait que « le renforcement de la coopération éducative avec les Comores ne doit pas être oublié ». S’il y avait un message à faire passer en matière d’immigration et de démographie, c’est celui d’Issihaka Abdillah: « Pour obtenir des papiers, un seul enfant suffit, pas besoin d’en faire plusieurs ! » Il appelait à réitérer la campagne de régulation des naissance, « 1, 2, 3, bass ».
En outre, les participants demandaient que la réflexion portée par ces Assises soit simultanée de l’arrêt net des constructions illégales.
Et parce que l’insécurité est fortement imprégnée de la violence des jeunes, « qu’il faut décortiquer », Mouhoutar Salim, Directeur adjoint de l’ARS, appelait à intégrer à ces Assises l’Observatoire des violences qui sera officiellement créé cette semaine.
Le Plan d’action sera rédigé par un groupe de travail, et sera géré par un Comité de suivi et d’évaluation. Ensuite, le rôle des parlementaires sera important. « Nous prendrons alors rendez-vous avec le gouvernement pour remettre le document définitif », concluait Ambdilwahedou Soumaïla.
Anne Perzo-Lafond