Piste longue, les sérieuses réserves de l’Autorité environnementale

Alors que les parties prenantes au projet de piste longue se félicitaient début décembre d’un bond en avant dans le projet de piste longue, l’autorité environnementale est venue à la fin du même mois freiner les ardeurs d’un programme qui lui paraît encore bien mal ficelé. À travers son avis « pour le cadrage préalable de la construction d’une piste longue sur l’aéroport de Mayotte », l’autorité administrative juge le dossier encore trop lacunaire, voire non justifié. Explications.

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Les travaux de la piste longue devraient débuter en 2023.

Tous en piste ? Pas vraiment à en croire l’Autorité environnementale et son avis publié le 23 décembre. Qui, à quelques jours de Noël, est loin d’être un cadeau pour les porteurs du projet de piste longue. Tout au long de son rapport d’une trentaine de page, qui ne lie toutefois pas juridiquement les autorités en charge du dossier, l’autorité administrative démontre ainsi le caractère lacunaire du document de cadrage qui lui a été transmis. À ce titre, les cahiers des clauses techniques et particulières (CCTP) destinés aux titulaires des marchés d’assistance à maîtrise d’ouvrage sont particulièrement épinglés. « Ni le CCTP ensemblier, ni le CCTP environnement ne font référence à une éventuelle autorisation environnementale, pourtant indispensable à la réalisation du projet et seulement citée dans la note de présentation », relève l’autorité. Ou encore « le CCTP environnement ne fait, en 65 pages, aucune référence au contenu réglementaire de l’étude d’impact (R. 122-5 du code de l’environnement) prévoit seulement la mise à jour des connaissances relatives aux milieux naturels et à la qualité de l’eau ; il nécessitera donc d’être révisé ».

De manière générale, les auteurs du rapport délibéré mettent en exergue la certaine légèreté avec laquelle semble être traité le sujet des impacts environnementaux, en contradiction avec l’ambition affichée d’inscrire le lagon au patrimoine mondial de l’Unesco. Par exemple, le dossier ne précise pas comment évoluera la gouvernance du projet une fois lancé et de fait, comment évoluera le dispositif de suivi des impacts environnementaux. L’autorité administrative regrette également l’absence de bilan quant à l’extension de la piste en 1995 et pléthore d’autres données propres à déterminer précisément les effets négatifs du projet. Et, ce faisant, les réponses à y apporter. « Sans état initial complet et à jour, il n’est pas possible de déterminer univoquement si les enjeux sont bien identifiés. Pour ce qui concerne les incidences, la réponse est de même nature », juge le rapport.   

Rien sur l’arasement des collines de Petite-Terre

Plus étonnant encore, des éléments aux impacts humains extrêmement significatifs sont totalement oubliés. Quid, par exemple, des 700 000 camions à faire circuler en trois ans pour acheminer les matériaux ? Surtout, « L’arasement (partiel ou non) des collines de Labattoir et du Four à Chaux, qui est présenté comme quasiment certain, va modifier profondément le cadre de vie (paysage, usages, micro-climat du fait de la protection qu’offre la colline contre le vent austral) de la population de Petite Terre ainsi que les possibilités d’urbanisation, maîtrisée ou non, avec des effets induits potentiels sur les déplacements, l’approvisionnement en eau, l’assainissement, etc. Aucune analyse d’urbanisme ne semble programmée, ce qui ne s’explique pas et devra être corrigé », semble ainsi s’agacer l’Autorité environnementale.

Un argument économique qui bat de l’aile 

Au delà, ce sont les effets économiques attendus qui ne sont pas étayés, alors même qu’ils portent en eux la raison d’être du projet de piste longue. « Les effets indirects du projet sur le développement économique et en particulier touristique ne sont pas particulièrement évoqués et ne sont pas quantifiés. Ils répondent pourtant directement à l’objectif du projet et seront à ce titre à évaluer finement : augmentation de la fréquentation, des besoins en services (logements, transports, réseaux d’eau potable et d’assainissement etc.). La situation particulière de l’archipel en matière de traitement des eaux invite à développer tout particulièrement ce point dans le dossier », peut-on ainsi lire. Ce qui amène alors l’autorité environnementale à se questionner sur la pertinence même du projet, dès lors que les arguments tenant à sa réalisation ne sont pas développés.

Une raison d’être à étayer 

« Le dossier évoque le souhait de la population d’une extension de la piste ou la réalisation d’une nouvelle piste, ce qui paraît être un raccourci un peu rapide. La population semble en effet faire un lien entre ces aménagements et la baisse des prix des billets d’avion (a priori pour les liaisons avec la métropole sans que cela soit très explicite). Le dossier (que ce soit celui du débat public de 2011 ou la note de présentation de 2020) n’apporte cependant pas de démonstration du lien existant entre les deux ».

La conclusion est sans appel : « En l’absence de qualification claire du besoin auquel il est supposé répondre, sa capacité à y répondre, tel que présenté, n’est pas avérée. » Et l’autorité environnementale de développer un contre-argumentaire, montrant que l’évolution du trafic aérien, de la demande, comme de la technologie des avions pourrait permettre de satisfaire les attentes du territoire en elle-même, sans nécessairement recourir au projet.

Un satisfecit sera tout de même à relever dans ce rapport. Les auteurs du document de cadrage semblent être suffisamment alertes quant aux risques liés au phénomène sismo-volcanique et à l’enfoncement de l’île. Satisfaction à relativiser car « la jeunesse du phénomène ne permet pas d’être assuré de ce qui ne reste à ce jour qu’une hypothèse », rappelle l’autorité administrative quant à ce projet encore loin d’un décollage serein.

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