Habitat informel : le préfet souhaite « accélérer la fréquence des destructions »

Malgré les colères du ciel, la démolition du quartier informel d’Hajangua prévue par la préfecture s’est bel et bien déroulée ce mercredi. De quoi illustrer les ambitions du préfet, bien déterminé à « monter en puissance » dans la fréquence de ce genre d’opérations. Qui soulèvent bien des questions.

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Les trombes d'eau n'auront pas freiner l'opération. De quoi illustrer la détermination de la préfecture à "accélérer la fréquence des destructions".

L’opération n’était pas loin de tomber à l’eau. Mais l’épisode de fortes pluies qui s’est abattu sur l’île en marge de la tempête Éloïse ne sera pas parvenu à contrecarrer les plans de la préfecture. C’est donc entre les cordes et sous la pénombre d’un ciel menaçant que les habitants de quelque 80* cases en tôle d’Hajangua ont vu s’approcher les bulldozers venus détruire leurs bangas.

Voilà qui illustre bien les velléités du préfet contre l’habitat informel et que rien ne semble plus pouvoir freiner. Pour 2021, le délégué du gouvernement s’est ainsi fixé comme objectif « de poursuivre massivement cette politique inédite et d’accélérer la fréquence des destructions de bangas illégaux ».

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Jean-François Colombet, préfet de Mayotte

Et ce en dépit de l’arrêté de trêve cyclonique produit par la même préfecture et courant jusqu’en mars. « Juridiquement la chose a été regardée, elle ne nous gêne pas. Elle ne met pas d’obstacle comme la période hivernale peut en mettre en métropole », assure Jean-François Colombet. Son directeur de cabinet, lui, se fait plus policé. « Nous nous sommes effectivement interrogés sur la possibilité de continuer à détruire des cases malgré la trêve cyclonique. La direction du ministère de l’Intérieur a produit une note détaillée sur la question expliquant qu’au titre de la loi Elan, puisqu’il s’agissait de détruire des habitations présentant un danger imminent pour les personnes, la trêve cyclonique ne faisait pas effet dès lors que l’État garantissait une proposition de relogement », explique ainsi Jérôme Millet.

Difficultés de relogement

Une garantie qui figure bien dans les annexes d’arrêtés préfectoraux prévoyant les destructions mais qui, sur le terrain, pose pourtant nombre de questions comme le rapportent nos confrères de Flash Infos. La chose est connue sur le territoire : le nombre de places d’hébergement d’urgence, notamment, est bien inférieure aux besoins. Elles ne correspondent d’ailleurs pas à « une solution de relogement » de par leur caractère d’urgence et donc limité dans le temps. Une équation qu’espère régler la préfecture à travers les 1600 logements sociaux qui devraient fleurir sur le territoire en 2021. 

« Chaque occupant a fait l’objet d’une enquête sociale préalable, diligentée par les services de la Direction de la Cohésion Sociale (DCS) et de l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (ACFAV) et s’est vu proposer, dès lors qu’il était français ou en situation régulière, une solution de relogement temporaire : 4 ménages ont accepté cette offre. Par ailleurs, 21 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés et placés en Centre de rétention administrative pour être éloignés », indique la préfecture suite à l’opération de ce mercredi.

Reste que le BTP ne suivra peut-être pas le rythme de destruction souhaité par le délégué du gouvernement. « Ce que nous avons fait en 2020 est bien, mais il faut maintenant aller plus loin. J’ai une feuille de route pour les six prochains mois dans laquelle figure un objectif important de destruction d’habitats informels », explique-t-il ainsi. Si le ton est martial, l’argumentaire officiel se voudrait quant à lui plus humaniste.

Une question de société

Alors, pourquoi détruire les quartiers informels ? « D’abord parce que c’est indigne de notre époque et de la France. Ensuite parce que dans ce type d’habitat prospère une forme de délinquance qui nous pose beaucoup de difficultés. Enfin parce que les enfants qui vivent dans ces habitats précaires, insalubres, ont évidemment moins de chance que les autres enfants du territoire qui peuvent par exemple faire leurs devoirs le soir. Partant, ils ont évidemment moins de chance de s’intégrer dans la société et c’est problématique. »

« J’ai grandi en bidonville, mais c’est vouloir en sortir par moi-même, pour ma mère qui m’a permis de devenir ce que je suis. Si l’on avait détruit notre case de force, si l’on m’avait séparé de mes amis sans rien nous demander, j’aurais eu nettement moins foi en la société. Et je crois sincèrement que je n’aurais pas pris le même chemin. Si l’on veut vraiment aider ces gamins là, c’est en leur redonnant espoir en la société », rétorque un chef d’entreprise du territoire. Au delà de la tôle, c’est donc bien une question de société que soulèvent les bulldozers.

*On s’étonne de ce chiffre, fourni par la préfecture mercredi. L’annexe à l’arrêté prévoyant l’opération mentionnant « une cinquantaine de constructions illégales ».

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