Dans un courrier commun en date du 26 janvier 2020, le président du Conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani, les parlementaires Ramlati Ali, Mansour Kamardine, Abdallah Hassani et Thani Mohamed Soilihi ainsi que le président de l’association des Maires Madi Madi Souf s’adressent directement au premier ministre Jean Castex. Ils avaient déjà co-signé un premier communiqué commun deux jours plus tôt au lendemain des assassinats survenus le week-end précédent en Petite-Terre.
« Depuis maintenant 18 mois, la violence a atteint à Mayotte son niveau de paroxysme, avec, récemment, l’assassinat d’un mahorais de 43 ans le 18 décembre 2020 à Koungou, des attaques de lycées par des bandes armées comme à Kahani le 15 janvier, l’assassinat à l’arme blanche d’un homme il y a quelques jours et ce week-end, celui de 3 autres personnes en Petite-terre, dans le quartier dit de la Vigie, dont 2 mineurs de 15 et 14 ans horriblement massacrés » rappellent en préambule les élus, évoquant une « situation prévisible, pourtant trop longtemps marginalisée par les gouvernements successifs, malgré les alertes de la société civile et des élus. Aujourd’hui, la population, lassée, réclame de l’Etat, une réponse forte à la hauteur de cette crise inédite ».
On se souvient que 2018 fut marqué par une mobilisation sociale contre l’insécurité. Un phénomène que l’on peut dater de 2011, le préfet d’alors ne parlait que d’un « sentiment d’insécurité », mais la bascule avait bien eu lieu.
Les élus ajoutent « ressentir un net sentiment d’abandon quand le lynchage d’un jeune francilien à Paris provoque, de façon justifiée d’ailleurs, une émotion unanime et que ce triple décès le même week-end à Mayotte suscite une indifférence polie que rien ne pourrait justifier ».
Une situation qui les incitent à demander le placement de Mayotte en état d’urgence sécuritaire. « A l’instar de l’état d’urgence sanitaire, appliqué au regard de la pandémie de la Covid-19, nous réclamons donc cette mesure qui, pour une période donnée, permettrait à l’Etat de concentrer plus de moyens humains, logistiques et financiers. »
Estimant que « cette violence inouïe est intrinsèquement liée à l’immigration clandestine, notamment celle venant des Comores », ils demandent que l’Etat initie une véritable coopération avec l’Union des Comores, « reposant sur les problématiques de sécurité, de justice, de santé, d’éducation et d’économie ». Un protocole avait été signé dans ce sens avec le président Azali, couronné d’insuccès. L’objectif recherché « est de chercher à fixer durablement les populations chez elles et de rendre opposable les décisions de justice de la République à l’Etat comorien ».
Ils invitent à prendre en compte les spécificités du territoire dans la réforme en cours de l’ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs, « un effort particulier devra, en outre, concerner la mise en place dans le Département de structures d’accueil spécialisées en réponse à la flambée de cette délinquance juvénile ».
Sur la problématique des mineurs isolés et de la clé de répartition entre département, également appelé « circulaire Taubira », ils demandent son extension à Mayotte « afin de désengorger le Département ». Et égrainent les chiffres : si le nombre de mineurs placés sur le territoire est porté à 800 (il était pour mémoire de 292 en 2015), les élus notent « qu’il est impossible sur un territoire de 374km² de pouvoir être efficace pour faire face à l’ampleur du phénomène des mineurs non accompagnés et de jeunes majeurs désocialisés estimés de 12 000 à 15 000 personnes selon les forces de l’ordre à Mayotte ».
En matière de surveillance et de sécurisation des traversées entre Petite et Grande Terre, « lieu de passage des bandes organisées », les élus souhaitent « le déploiement au sein des gares maritimes et des barges, d’agents de sureté assermentés officiant en qualité de force de maintien de l’ordre et de renseignement. Cette mesure qui émane des élus locaux eux-mêmes nous semble de bon sens et simple à mettre en œuvre, contribuant à sécuriser les usagers ».
Les élus demandent également une visite officielle urgente des ministres de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères et de l’Outre-Mer, « déjà trop différée », « un dimensionnement pérenne des moyens en adéquation avec la démographie réelle de l’ile et le niveau de violence inédit », et « un recensement collectif des terrains squattés pour poursuivre « les nécessaires expulsions déjà entreprises ».
Des propositions qui ont été formulées et présentées de vive voix au Préfet, délégué du gouvernement à Mayotte ce lundi 25 janvier, par les signataires dans les locaux du Conseil départemental.
Parmi les pistes détaillées dans ce courrier, figurent également « la dotation de notre territoire en moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la tranquillité publique ainsi que la lutte contre l’immigration clandestine », des investissements dans les centres éducatifs fermés ou encore un plan massif de résorption de l’habitat insalubre et illégal.
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