Des jeunes de Kawéni ont franchi les grilles du lycée polyvalent pour un début de dialogue avec les élèves. Un travail d’échange laborieux mais qui pourra être bénéfique pour le quartier.
En se rendant au lycée de Kawéni, les jeunes de ce quartier de Mamoudzou savaient que rien ne serait facile. L’étiquette «jeunes de Kawéni» semble en effet être un pass pour la délinquance, en témoignent les derniers caillassages la soirée de la Battle of the Year. Ce sont encore des jeunes du quartier qui s’étaient immiscés avec violence dans le lycée avant les vacances scolaires, il y a un mois.
La démarche est donc en elle-même déjà méritoire. Des actes violents qui sont dénoncés par ces jeunes adultes de Kawéni, eux qui ont créé il y a un an leur association, l’AJVK, Association des jeunes volontaires de Kawéni. Leur objectif est d’encadrer les plus jeunes du quartier par des animations et des activités de loisirs pour améliorer la vie de la population. Ils avaient d’ailleurs présenté leurs activités au préfet et à la sous-préfète en charge de la Cohésion sociale.
C’est cette démarche qui les a incités à contacter le proviseur du lycée, Alain Berna pour nouer un contact avec les lycéens. La rencontre avait lieu jeudi matin à 10 heures dans la salle de permanence, dans une ambiance plutôt tendue. Pour les élus du Conseil des délégués de la Vie lycéenne (CVL), ce sont des délinquants qu’ils ont en face d’eux. Aussi, Scott, le président de l’AJVK, présente d’emblée des excuses de la part des jeunes de Kawéni, «si j’avais été là, j’aurais tout fait pour pacifier».
Sur les
pas de Coluche…
Alain Berna joue au médiateur dans un premier temps en revenant sur le discours de Scott, «il avoue avoir été délinquant mais il a mené sa réflexion. Il est là pour présenter un projet. Les petits délinquants, peu nombreux, mais qui nous empoisonnent la vie, vont s’interroger en voyant qu’on bosse ensemble».
Le projet à monter en commun est encore incertain et ne rencontre pas encore l’adhésion de tous les lycéens, «vous êtes combien ? Quels sont vos partenaires ?», interpelle Hassan. «Nous étions 30, mais plusieurs sont partis car les autorités vendent du rêve aux jeunes avec une MJC promise en 2008 et toujours pas sortie en 2014 ! Nous avons besoin d’un lieu pour occuper les jeunes. Notre seul partenaire est Caritas France», répond Scott.
Le peu de financement en refroidissait plus d’un, «nous n’attendons rien de personne, nous faisons», rétorquait Abdallah Karim, alias «Papou» de l’AJVK… «Coluche avec les Restos du cœur a commencé comme ça», renchérissait Alain Berna.
Les lycéens découvraient aussi que deux jeunes du lycée sont membres de l’association. Un élément qui jouera en faveur de l’échange, et qui fera réagir une lycéenne, «il faut travailler et s’amuser ensemble, on en a marre d’avoir peur».
Un groupe de travail va se créer sous la tutelle de la CPE, «et je suis sûr que peu à peu, les délinquants qui traînent vont se rallier à l’action que nous monterons», affirmait Scott.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte