Dzoumogné : après la destruction illégale, la reconstruction par la justice

Le juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou a fait droit à la requête d’une famille, dont la maison avait été détruite illégalement en marge de l’opération de démolition commandée par la préfecture à Dzoumogné, les 15, 16 et 17 février.

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« Ça me donne le courage de continuer à me battre», se réjouit Lina malgré le traumatisme.

« On a gagné la première partie, ça me donne du courage pour continuer le combat ». Du haut de ses 19 ans, célébrés sous la pluie alors que sa maison venait d’être détruite illégalement, Lina* reprend peu à peu confiance. En la justice et en l’État de droit, d’abord.

Car à travers une ordonnance du 9 mars, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a accédé à ses premières demandes et ordonne au préfet de Mayotte de proposer à la famille une offre de relogement ou d’hébergement d’urgence ainsi qu’un accompagnement social et psychologique. Le tout dans un délai de 48h sous astreinte de 1000 euros par jour de retard. Il est par ailleurs enjoint au préfet de « de mettre immédiatement à la disposition [de la famille] un accès à l’eau potable et à des sanitaires ».

« C’est une première étape dans l’affirmation et la reconnaissance des droits », se réjouit de son côté Maître Marjane Ghaem, qui conseille la jeune femme dans ses démarches. Pour autant, et Lina le sait, « le combat n’est pas terminé ». « Juridiquement cette décision n’est pas une reconnaissance de faute ou de responsabilité mais il vient établir une réalité », rappelle l’avocate. Laquelle réalité se décompose en plusieurs étapes à la lecture de l’ordonnance.

« Une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales »

Premièrement : « il résulte de l’instruction » que Lina occupe régulièrement sa parcelle, que sa maison a été détruite dans le cadre des opérations de lutte contre l’habitat illégal sans que celle-ci ne figure sur l’arrêté préfectoral fixant le périmètre de destruction. Autant de faits qui ne sont pas contestés, ni par la préfecture, ni par la commune de Bandraboua pourtant invitées à présenter leurs observations au juge. Un mutisme qui chagrine l’avocate. « Il est dommage que ça n’ait pas pu être l’occasion de clarifier les faits », regrette-t-elle.

Ce qui n’empêche toutefois pas le juge d’établir que, suite à la destruction, la famille s’est retrouvée sans-abri, dans des conditions portant « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la dignité de la personne humaine et l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. L’atteinte grave et manifestement illégale portée à l’intérêt supérieur de l’enfant doit également être constatée à l’égard de son frère et de sœur mineurs ».

Première bataille d’un combat à la David contre Goliath

Un raisonnement qui, sans désigner de coupable, permet à Lina et sa famille d’envisager le statut de victime, alors que le « traumatisme », selon ses mots, est encore profond. Un contexte qui n’aidait pas à envisager une issue sereine à cette première bataille d’un

32 cases, dont celle de Lina et sa famille avaient été détruites en dehors du périmètre délimité par l’arrêté préfectoral.

combat à la David contre Goliath. « Je n’y croyais pas trop… Je suis heureuse que ça ait marché. Finalement, les lois et les libertés existent bien et on peut les faire respecter », lâche Lina et sa voix enfantine. Qui tranche avec un caractère bien trempé, fort de courage et de détermination.

Car la jeune femme qui porte le combat de toute une famille ne se satisfera pas de cette première décision. « On compte déposer plainte officiellement auprès du procureur », annonce-t-elle. « Ce qui n’empêchera pas une action en responsabilité devant le juge administratif », ajoute Marjane Ghaem qui va continuer à l’assister pour rédiger le document. Pendant ce temps, « j’essaie de trouver des preuves, des témoins car moi je n’étais pas là quand les machines ont détruit la maison, je ne pouvais pas supporter de voir ça, je me suis enfuie », explique Lina, renouant avec des souvenirs douloureux.

« On va y arriver, maintenant j’ai un peu plus confiance ! », reprend-elle, en attendant la confirmation d’une offre d’hébergement promise à Bandraboua. « Je vais y aller avec mon petit frère et ma petite sœur le temps que mon père finisse de reconstruire la maison », indique-t-elle. Une famille, deux reconstructions.

G.M.

*Le prénom a été changé

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