Le premier ministre a restreint les déplacements entre la France et les pays hors Union européenne et Espace économique européen, ainsi qu’au départ ou à destination des collectivités d’outre-mer, par un décret du 30 janvier 2021. Les personnes qui souhaitent voyager doivent présenter un « motif impérieux d’ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l’urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé ». Il s’agissait d’éviter les brassages, accusés d’accroitre la circulation du virus. Particulièrement en présence de variants accusés d’accroitre la diffusion de l’épidémie, comme nous l’avions retracés.
Un décret qui était attaqué par l’Union des Français de l’étranger ainsi que par des acteurs du tourisme dans les Antilles. Les premiers reprochaient l’impossibilité pour un Français habitant hors des frontières de rentrer dans son propre pays, et les seconds, d’entraver le tourisme dans les collectivités antillaises.
Le délibéré est tombé ce vendredi. Le Conseil d’Etat a jugé disproportionné d’exiger un motif impérieux aux Français qui souhaitent rentrer en France, au regard de l’impact « mineur » de ces déplacements « sur la propagation de l’épidémie de Covid-19 », le justifiant par le nombre « réduit » de ces entrées sur le territoire métropolitain en provenance de l’étranger. « Exiger un motif impérieux porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder à son pays », juge ainsi le Conseil d’Etat.
Le PCR n’est plus un sésame obligatoire pour voyager
Mais ce motif de tient pas pour les Antilles, et plus globalement pour les Outre-mer, comme en atteste le second jugement. Il considère en effet l’obligation de motifs impérieux pour les déplacements depuis ou vers les Antilles françaises « justifiée, par la volonté d’éviter les flux de touristes qui risqueraient d’aggraver la situation sanitaire sur place. » Notamment, en accélérant la diffusion des variants aujourd’hui largement présents sur le territoire métropolitain.
Surtout que selon la plus haute juridiction administrative de France, la quarantaine de sept jours après l’arrivée, et la réalisation d’un examen biologique de dépistage virologique, n’ont globalement pas été respectés par les touristes venus en décembre et janvier.
A Mayotte, si le risque variant est le même pour les entrants, il est aggravé par le risque de diffusion hors nos murs du variant Sud-Africain, présent chez quasiment tous les cas de Covid dans l’île.
Écrit noir sur blanc, « Restreindre les déplacements depuis et vers les Antilles françaises est justifié par la situation épidémique », décrit un risque suffisamment élevé pour justifier le chacun chez soi, avec extension vraisemblablement à l’ensemble de l’outre-mer.
En résumé, « l’atteinte au droit fondamental de tout Français à accéder à son pays » abdique face à la diffusion de l’épidémie, puisque nombreux sont ceux qui sont bloqués à Mayotte par les motifs impérieux.
Le juge des référés continue-t-il de différencier les français hors Europe et ceux de l’Outre-mer lorsqu’il mentionne, pour les français de l’étranger souhaitant revenir en France, que « l’exigence d’un test PCR de moins de 72 heures ne peut conduire à refuser l’embarquement lorsque la réalisation d’un test préalable s’avère matériellement impossible ». Ceci pour exonérer ceux qui n’auraient pu se faire tester en raison de la surcharge éventuelle des centres de dépistage. En clair, le test n’est donc plus incontournable pour embarquer.
Une décision qui s’applique seulement aux Français habitant à l’étranger, ou qui pourrait être généralisée à tous ? Si c’est le cas, cela pourrait être la porte ouverte à de nombreux détournements.
Le Conseil d’Etat précise également que la liste des motifs impérieux et des justificatifs à fournir présentée par le ministère de l’Intérieur est simplement indicative.
Anne Perzo-Lafond