Position stratégique, eaux poissonneuses, littoral paradisiaque et biodiversité unique au monde : Mayotte a tous les atouts pour profiter économiquement de la mer qui l’entoure. Pour autant, des difficultés de gouvernance ont longtemps plombé les ambitions en la matière. Les activités touristiques sont largement le fait d’initiatives privées, le secteur de la pêche peine à se moderniser tandis que l’aquaculture est au point mort.
Pour que l’avenir ne se résume pas à ce constat, le Conseil départemental avait lancé une vaste étude pour développer tous ces secteurs qui font ce qu’on appelle l’économie bleue.
Il fallait pour cela « dégager les lignes directrices qui vont nous conduire dans les années à venir. On a tendance à dire qu’il y a ici trop de schémas mais dans cette mandature on s’est axés pour prévoir une vision à long terme pour le territoire » résume le vice-président Mohamed Sidi. Pour y parvenir, l’exécutif local s’était fixé trois objectifs principaux « déterminer le poids social et économique de l’économie bleue à l’échelle de l’ile et à l’échelle régionale de l’océan Indien, coconstruire une stratégie de développement opérationnel à court et moyen terme et définir un modèle de gouvernance pour favoriser le développement et la promotion de l’économie bleue ». Le tout en balayant quatre grandes thématiques : la pêche et l’aquaculture, le tourisme, les transports et la biodiversité.
Et bien sur, le dernier point est un prérequis à tous les autres. Sans protéger ce qui fait la richesse de l’île, impossible d’exploiter cette dernière. Pour Youssouf Dahalani, du conseil départemental, « la priorité c’est l’environnement, réduire la pression anthropique ». en faisant de « Mayotte une terre d’innovation ».
Pour le reste, le diagnostic est connu, et se heurte surtout à des défauts de volontés ou de compétences administratives. « En matière de pêche il s’agit de soutenir les entreprises et la formation des jeunes. Le secteur n’est pas attractif malgré des évolutions timides. Il convient de moderniser les outils de travail pour permettre aux professionnels de vivre de leur activité » indique Mohamed Sidi. Pas si simple pour Charif Abdallah, président de la commission pêche à la chambre d’agriculture. « A Mayotte il y a un grand souci, on parle de modernisation des outils de travail, c’est à dire des barques. On a besoin d’outils modernes pour mieux travailler, seulement Bruxelles refuse de nous donner un avis favorable, ça nous pénalise. C’est paradoxal que les pavillons européens puissent venir à Mayotte et que nos pêcheurs ne puissent pas exploiter en priorité cette ressource » déplore le représentant des artisans pêcheurs.
D’autant plus que cette ressource située au large est surpêchée déplore Christophe Fontfreyde, directeur du Parc Marin. « Le stock de thon albacore est en dessous du niveau souhaitable et durable, il est surpêché et on continue à creuser le trou, il y a un problème général ». Selon lui, on se « cache derrière l’Europe » qui autorise la pêche dans les eaux européennes que sont celles de Mayotte, mais rappelle-t-il, si la pêche est une compétence de l’UE, la protection de l’environnement « reste celle des états membres, donc de la France, donc la nôtre ». Un autre regard pour tenter de casser le fatalisme.
Idem pour le secteur aquacole pour lequel le Département veut « tirer les leçons des 10 dernières années » pour « le relancer » ou du tourisme pour lequel il « faut faire reconnaître Mayotte comme destination attractive avec les services d’hôtellerie, de formation, des circuits… » Mais les plus beaux hôtels assortis de la piste la plus longue ne se rempliront pas si Mayotte ne guérit pas de son image de destination chère et peu sure.
Pour tenter d’agencer les briques, c’est tout une nouvelle gouvernance qui est préconisée, avec « une direction dédiée, un élu en charge de l’économie bleue, et une instance de concertation pilotée par le Département en coopération avec l’Etat, et réunissant les acteurs institutionnels, professionnels, associatifs et la société civile. » Autant d’acteurs actuellement « disparates » et qui devront accepter de se mettre autour de la table pour que l’économie bleue reste à flots, sans oublier d’être, aussi, une économie verte.
Y.D.