La fête nationale du 6 juillet est entièrement dédiée cette année aux Cœlacanthes, l’équipe nationale de football qualifiée, pour la première fois, à la Coupe d’Afrique des Nations 2021. Un exploit qui permet ainsi d’inscrire le pays sur le registre de la phase nationale de la plus prestigieuse compétition sportive continentale.
A Moroni, des panneaux d’affichages à grands formats font l’éloge des Cœlacanthes au milieu de l’image du président Azali Assoumani qui a fait adhérer les Comores à la FIFA et à la CAF en 2005. L’équipe nationale est devenue le dénominateur commun des Comoriens. Le sport, le football en particulier, fait vivre le slogan « fier d’être Comorien » et ravive la flamme de l’unité de la Nation.
Il n’y a pas un bilan officiel présenté à l’occasion de cette 46ème célébration de l’indépendance. La télévision nationale donne ces derniers jours la parole à des cadres pour exprimer leurs opinions sur les acquis et les ratés de l’indépendance. Les déclarations faites sont beaucoup plus des points de vue que de sérieuses analyses de la situation réelle du pays.
« Les acquis et les ratés » de l’indépendance
Les uns estiment que l’indépendance était un passage obligé pour sortir du joug colonial et construire un destin purement comorien, ajoutant que cette indépendance reste la marque de fabrique de la fierté comorienne. Les autres y voient une indépendance qui est loin d’apporter les résultats souhaités du fait que le pays reste fortement dépendant de l’extérieur et aujourd’hui confronté à d’immenses difficultés socio-économiques avec un taux de pauvreté estimé à 48% de la population.
Faute d’études sur « les acquis et les ratés » de l’indépendance, il sera difficile de faire un bilan exhaustif des 46 ans de l’indépendance. Le pays peut toutefois se vanter d’avoir assuré la gestion de tous les leviers de l’Etat grâce à ses cadres formés dans presque tous les domaines : l’administration publique, l’armée, les télécommunications, le Sport, la Santé, l’Education, la Justice. Les entreprises publiques, le numérique et bien d’autres secteurs sont par ailleurs aux mains de Comoriens.
Côté éducation, des études récentes montrent une amélioration du taux d’alphabétisation de la population. Le taux de scolarisation est passé de 26% en 1990 à 89% en 2020 avec 76% qui atteignent le lycée contre moins de 11% aux années 1990, selon des données consolidées du ministère de l’Education nationale. D’importantes infrastructures scolaires ont été construites grâce à de vastes programmes lancés au milieu des années 1990 et à la loi d’orientation de l’Education nationale adoptée en 1994. Le pays se dote d’une université depuis 2003 (avec presque toutes les filières essentielles) et projette une école de médecine, une école doctorale ainsi que d’autres structures de formation dans divers domaines.
« L’espérance de vie à la naissance s’est améliorée passant de 54 ans en 1991 à 67 ans en 2012« , d’après l’OMS. Le secteur de la Santé connait toutefois de sérieuses difficultés faute d’investissements pour doter le pays de spécialistes, d’infrastructures modernes et améliorer la qualité des soins dans les différents centres de santé. Conséquence : beaucoup de Comoriens vont ailleurs pour se faire soigner bien que cette tranche de la population représente « Moins de 26% des personnes qui tombent malades chaque année aux Comores« , d’après un cadre du ministère de la Santé.
Le pays dispose de structures de santé « tous les 5 ou 10 kilomètres » mais elles sont sous sous-équipées en matériels, mal entretenues et manquent d’un personnel qualifié. Le pays a toutefois pu éradiquer totalement plusieurs maladies et autres pathologies ces 40 dernières années dont la tuberculose et le paludisme et assure un taux de couverture vaccinale de plus de 73% de la population contre les épidémies.
L’Union des Comores fait partie des 22 pays africains ayant atteint « un niveau raisonnable de l’objectif 4 » des OMD (Objectifs du millénaire de développement). Il s’agit de la réduction du taux de mortalité infanto-maternelle. Un indicateur qui passe de 517 (en 1990) à moins de 100 (en 2015) sur 100.000 naissances. Même si l’OMS note que des « disparités socio-économiques entre les îles, entre les milieux rural et urbain et entre les sexes sont à la base de ces résultats ».
Une forte dépendance alimentaire
Côté infrastructures, le bilan est encore faible. Le pays dispose d’un réseau routier national estimé à 985 kilomètres mais seulement « 435 km reste en bon état« , soit près de la moitié, alors que d’autres centaines de kilomètres construits dans les années 1980 sont à reconstruire. L’électrification du pays est presque effective avec seulement quelques localités qui n’ont pas été branchées au réseau public. Le pays est toutefois confronté à des crises énergétiques à répétition mais, grâce à un schéma directeur sur l’énergie, il souhaite faire du solaire une alternative durable pour stabiliser la fourniture régulière du courant tout en respectant ses engagements en matière de développement durable.
Par contre, les difficultés d’approvisionnement en eau restent en l’état malgré d’importantes ressources mobilisées ces dix dernières années. Le rêve d’un accès à l’eau pour tous n’est toujours pas au rendez-vous. Le secteur agricole ne se développe pas tout comme celui de la pêche. La dépendance alimentaire est forte, comme l’a d’ailleurs reconnu, vendredi 2 juillet, le ministre de l’Economie, Houmed M’saidie qui affirme que « 90% des produits consommés aux Comores sont importés ».
Côté télécommunications, le pays a fait un pas de géant grâce à l’arrivée de l’internet en 1998, le cellulaire en 2004, la fibre optique en 2009 et la 3G en 2012. C’est le secteur qui connait un boom, permettant au pays de développer de nouveaux services dans divers secteurs comme le mobile banking. Les Comores disposaient d’une seule banque commerciale en 1990. Elles sont quatre aujourd’hui avec un important réseau de micro-finance qui assure presque la moitié de l’activité économique nationale.
Le sport, le football surtout, reste aujourd’hui le seul domaine fédérateur avec une relative évolution des infrastructures et des palmarès. Le pays ne disposait d’aucun stade international. Ils sont cinq aujourd’hui. Le pays ne dispose pas d’un stade olympique en bonne et due forme mais il accueille sans difficultés des matchs internationaux et se projette à organiser de grandes compétitions régions les comme les Jeux des Iles de l’Océan indien. Les Cœlacanthes portent aujourd’hui cette fierté comorienne et seront honorés à l’occasion de ce 6 juillet 2021.
A.S.Kemba, Moroni