Une énergie renouvelable et quasiment illimitée, c’est le rêve de toute île dépendant des importations de pétrole. Depuis 2005, le BRGM s’intéresse au potentiel géothermal de Mayotte. En effet, les bulles de CO2 qui émergent un peu partout en Petite Terre (autour de l’aéroport ou plage du Faré notamment) pourraient indiquer la présence d’un réservoir thermal dans le sous-sol.
Pour déceler l’éventuelle présence de nappes d’eau chaude en profondeur, le BRGM a donc lancé une nouvelle campagne bien plus pointue les les précédentes menées depuis 2006 et, une fois n’est pas coutume, sans lien avec l’activité sismo-volcanique qui dure depuis 2018.
La méthode consiste à relier au sol de puissants générateurs électriques, derrière l’aéroport, et au nord de Petite Terre. Entre les deux, au collège de Pamandzi, une équipe enregistre les flux électromagnétiques qui parviennent à leurs instruments. Les données récoltées doivent permettre de modéliser le sous-sol de Petite Terre, et d’observer comment le courant s’y propage. Si une zone apparaît bien plus conductrice que le socle basaltique, cela indiquerait une nappe d’eau qui pourrait être exploitée.
« A l’instar d’une échographie médicale, ces méthodes consistent à construire une image 3D du sous-sol, à partir d’un réseau de capteurs électromagnétiques implantés à la surface du sol. Certains de ces capteurs enregistreront le signal électromagnétique naturel (à terre et en mer) et d’autres enregistreront le signal émis dans le sous-sol par des générateurs volontairement placés en périphérie de la zone étudiée » résume le BRGM dans un communiqué.
Chrystel Dezailles, géologue au BRGM rappelle qu’on n’en est qu’à la phase de « l’exploration ». « L’idée est d’approfondir notre connaissance du sous-sol, et voir à quel endroit on pourrait envisager un forage d’exploration ».
Un tel forage serait sans danger assure la spécialiste pour qui les failles qui ont pu permettre le passage du magma vers Petite Terre « sont fermées » depuis les dernières éruptions, d’où celle qui est survenue à 50km à l’est. « Pour compléter, on est sur une île volcanique, ici c’est la zone la plus récente, ce n’est donc pas étonnant qu’on y trouve une activité géothermale, mais il faut garder en tête les notions d’échelle, si on fore entre 1 et 2km de profondeur, on est loin de la poche de magma qui est beaucoup plus profonde, entre 35 et 50km de profondeur » rebondit la directrice du BRGM à Mayotte Charlotte Mucig.
L’exemple guadeloupéen
« En outre, en analysant la nature des gaz présents dans le sous-sol, le BRGM espère pouvoir obtenir des indications sur la température du réservoir géothermique, une donnée essentielle dans l’optique de convertir un jour cette chaleur en électricité ».
Dans le meilleur des cas, cette manne énergétique pourrait même remplacer une centrale thermique comme celle des Badamiers et réduire la dépendance de Mayotte aux énergies fossiles. C’est pourquoi le BRGM est financièrement assisté par l’Agence française de développement et l’Ademe, l’agence en charge de la transition écologique.
« Le but est donc aussi de voir si on aurait une énergie suffisante pour produire de l’électricité et tendre vers le verdissement du mix énergétique de Mayotte » indique Yann Le Bigot, de l’Ademe. Ce dernier fait le parallèle avec la centrale géothermale de Bouillante en Guadeloupe, qui produit depuis 1986 « 6 à 7 % de la consommation totale d’électricité de la Guadeloupe ». Et s’il est trop tôt pour se faire une idée du potentiel énergétique d’une source géothermale en Petite Terre, il est bien temps de chercher des sources d’énergies, pour un département dont les besoins en électricité pourraient tripler d’ici 2040 selon les estimations d’EDM.
Y.D.