Visa Balladur : l’ambassadrice de France aux Comores plaide pour « la libération des échanges entre les quatre îles »

Jacqueline Bassa-Mazzoni dont le mandat est arrivé à terme ne souhaite pas que la suppression du visa soit une question à aborder, du moins pour l’instant, au cours des discussions bilatérales. La diplomate se montre toutefois favorable à des mesures d’assouplissement des conditions d’entrée à Mayotte pour des motifs impérieux ou des échanges à caractères commerciaux, économiques et scientifiques.

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L’ambassadrice réaffirme la détermination de la France à poursuivre sa coopération avec les Comores (Ici à la résidence de France, le 13 juillet. Photo : I. Youssouf)

La sortie médiatique de l’ambassadrice de France aux Comores n’est pas passée inaperçue. Non pas parce qu’elle demeure la dernière après quatre années passées aux Comores mais par le caractère sec et direct du message livré et qui est analysé à longueur de journées par des observateurs de la vie politique comorienne.

Il y a d’abord cette petite phrase lâchée, le 13 juillet, au cours d’une conférence de presse à sa résidence. Jacqueline Bassa-Mazzoni s’est félicitée de la décision prise par les autorités comoriennes de ne pas faire « le recours systématique » aux organisations internationale pour « mettre la France au pilori » au sujet de Mayotte, estimant qu’il s’agit là d’une « sage décision« .

Une déclaration qui a provoqué un déferlement de propos peu courtois à son égard de la part du Comité Maoré et de cadres comoriens et vivement relayés par les médias. Mais les reproches sont beaucoup plus dirigés contre les autorités nationales qui ont fait « le choix » de privilégier un dialogue direct avec la France. Le chef de l’Etat comorien, Azali Assoumani, a lui-même assumé ce choix du dialogue bilatéral, dans son discours du 6 juillet, en expliquant que les discussions menées sous la houlette des instances internationales n’ont pas apporté les fruits souhaités depuis 1975.

Développer les échanges commerciaux, économiques, familiaux et scientifiques

« La négociation est la seule voie pour aboutir à une solution équitable« , a renchéri, vendredi 16 juillet, son conseiller diplomatique, l’ambassadeur Ahamada Hamadi. « On peut déplorer une certaine rigidité dans le propos de l’ambassadrice mais on peut la comprendre aussi parce qu’elle est conforme à une loi votée par le parlement français qui instaure un visa pour entrer à Mayotte« , a-t-il souligné.

Et justement sur ce visa, Jacqueline Bassa-Mazzoni a exclu sa suppression mais se montre favorable à son assouplissement notamment pour développer les échanges commerciaux, économiques, familiaux et scientifiques. « La libération des échanges entre les quatre îles, c’est la clé du succès », a-t-elle reconnu. « Je vais laisser des recommandations à mon successeur, je vais laisser des orientations qui peuvent être exploitées et explorées« , a-t-elle annoncé.

La diplomate française a tenu pour autant à faire savoir que l’assouplissement du visa Balladur nepeut se faire que sous certaines conditions notamment « la réduction de l’écart de développement » entre les îles et l’implication directe des élus de Mayotte dans toutes les négociations. « Ça peut être une voie dont on peut discuter ensemble mais tous ensemble avec les élus de Mayotte, car ça ne servirait à rien de promettre des choses si tout le monde n’est pas d’accord », a précisé Jacqueline Bassa-Mazzoni.

« Avant de penser à éventuellement faire sauter le visa Balladur ou du moins l’assouplir, je crois qu’il faut travailler à la réduction de l’écart de développement entre les quatre îles, c’est-à-dire entre le 101e département français et les trois îles comoriennes » a insisté l’ambassadrice de France pour qui sans ce préalable il ne sera pas opportun de poser la question du visa Balladur sur la table des discussions bilatérales.

« Tant que Mayotte est asphyxiée par une immigration incontrôlée, par des trafics de toute sorte, par une violence inouïe, sauvage, ça peut polluer les trois îles. On peut trouver des formules mais tant que notre 101eme département continuera à être asphyxié au niveau de l’éducation, au niveau de la santé, cela ne sera pas possible« , a enchaîné Jacqueline Bassa Mazzoni.

L’ambassadrice (la 13e depuis 1978) se montre préoccupée par les questions socio-économiques, lesquelles permettront, selon elle, de « construire ensemble un archipel meilleur« . Elle est notamment revenue sur le Document cadre de partenariat (DCP) signé le 22 juillet 2019, doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros et dont la vision est de soutenir les efforts de développement aux Comores. Jacqueline Bassa-Mazzoni annonce « cinq hôpitaux pilotes » aux Comores et « trois lycées d’excellence » censés appuyer la politique de formation des filières techniques et professionnelle avec comme corollaire « l’amélioration des conditions de vie de la population et la création d’emplois durables » dans l’agroalimentaire, les filières de rentre et les Petites et Moyennes entreprises (PME).

Au consulat de France à Anjouan, Jacqueline Bassa-Mazzoni faisait ses adieux au personnel.

« Il y a quatre îles comoriennes géographiquement, je dis bien géographiquement, je ne rentre pas dans le débat de la souveraineté, mais géographiquement ce sont quatre îles qui sont très proches. On a besoin de coopération, on a besoin de relations, on a besoin de s’entraider« , a-t-elle admis. « Notre rôle, c’est de créer les conditions pour éviter tout ça (les trafics, les drames en mer, Ndlr), il faut accompagner, nous avons des valeurs communes« .

Les valeurs portées par la France

A une question sur le climat d’insécurité à Mayotte, Jacqueline Bassa-Mazzoni a fait savoir que cela n’entre pas dans ses compétences même si elle a son mot personnel à dire. « On a un nouveau préfet à Mayotte qui vient de prendre ses fonctions, je ne veux pas interférer, ce n’est pas de ma compétence, je ne veux pas interférer dans son domaine de compétences. Mais cette insécurité à Mayotte, il faut qu’on la combatte, il faut qu’on y travaille, mais ensemble parce que ça peut être contagieux, ça peut toucher les autres îles« , a-t-elle indiqué.

L’ambassadrice s’est montrée satisfaite de son bilan aux Comores dont la réalisation culminante est l’installation d’une centrale solaire de 3 mégawatts au sud de la Grande-Comores mise en place par le Groupe français InnoVent. On notera aussi le projet de mise en place d’une assurance maladie généralisée, le montage d’un projet dans l’agriculture et le développement des filières de rente ou encore le chantier en cours au niveau du système judiciaire comorien.

A l’occasion de la fête du 14 juillet, Jacqueline Bassa-Mazzoni, émue, en a profité pour remercier la chaleur humaine dont elle a bénéficié et rappeler les valeurs portées par la France. « Ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, nous les portons avec fierté » et d’ajouter que « chaque peuple quel qu’il soit et quelle que soit sa singularité aspire à ces mêmes valeurs et que celles-ci doivent être respectées en tout lieu car elles sont l’essence de ce qui nous unit, de ce qui forme l’humanité réconciliée ». L’ambassadrice doit quitter les Comores dans quelques jours. Son successeur est attendu à Moroni au mois de septembre prochain.

A.S.Kemba, Moroni (correspondance)

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