Bilan de la visite ministérielle : les mesures par thématique

Après quatre jours d’une double visite ministérielle, que peut-on en retenir pour le territoire ? Nous tentons de faire le tri entre les annonces à effet quasi-immédiat, et les plus hypothétiques. En nous gardant de plonger avec les grincheux dans le tout négatif, ou d’éluder un contexte pré-électoraliste d’un déplacement qui s’est fait attendre.

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Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Mayotte, LIC
Le tapis rouge et les fleurs n'ont pas empêché les doléances de pleuvoir sur la tête des deux ministres

Le déplacement ministériel s’est concrétisé après de nombreux reports, au motif de la situation sanitaire sur notre territoire, alors que le ministre des outre-mer s’est rendu à Maurice ou à La Réunion où le contexte n’était pas meilleur. Moyennant quoi, c’est un sentiment amer qui domine, de mesures lâchées à 8 mois des élections présidentielles, dont certaines très politiques et inscrites dans un projet de loi dont l’exécutif actuel n’a pas la maitrise. D’ailleurs, hormis le fidèle Patrick Roger, journaliste au service politique du « Monde », aucun des médias nationaux n’était présent. 8 mois pour contrôler l’application des annonces ferme, c’est peu.

Ensuite, en venant en duo avec le ministre de l’Intérieur, Sébastien Lecornu était poings liés sur des réponses régaliennes à la situation de Mayotte, sécurité et lutte contre l’immigration clandestine, ce que demande en priorité la population dans la loi Mayotte. Le développement économique créateur d’emploi pour les jeunes en errance ou la formation, seront donc à relayer par nos parlementaires pour qu’ils figurent en bonne place dans la loi Mayotte. C’est après le départ de son collègue de l’Intérieur que le MOM a axé la journée sur un autre thème en souffrance à Mayotte, la Santé.

Des renforts en forces de l’ordre annoncés

Pas d’évolution sur les titres de séjour made in Mayotte

C’est en matière de lutte contre l’immigration clandestine que les annonces furent le plus nombreuses : La surveillance maritime des arrivées de kwassa, mise en place lors de la forte vague du Covid pour se prémunir d’entrées du virus, sera pérennisée « notamment de nuit », par le déblocage de 4 millions d’euros, et une « circulaire de clarification » sera cosignée par les trois ministères de l’Intérieur, de la Justice et de l’outre-mer pour « définir une base légale des déplacements des patrouilleurs jusqu’aux zones contiguës » avec les Comores, selon Gérald Darmanin. Deux nouveaux intercepteurs seront livrés en 2022, avec des moyens humains correspondants, et du matériel adéquat, comme des paires de jumelles plus performantes.

Ces annonces à effet immédiates, après commande des intercepteurs et des moyens aériens, sont complétées par d’autres, inscrites dans le projet de loi Mayotte : l’obligation pour un parent d’être présent en toute régularité sur le territoire non plus 3 mois, comme l’avait concrétisé l’amendement Thani, mais un an avant la naissance de son enfant, déroge un peu plus au droit du sol, une demande d’asile accélérée pour ceux qui viennent d’un pays non considéré comme à risque*, la présence sur le territoire d’une antenne de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), un système unique d’enregistrement de l’état civil connectant l’ensemble des mairies pour éviter de multiplier les dépôt d’un même titre de séjour, l’activation de Tracfin pour détecter les flux illégaux de transfert d’argent vers les Comores.

Est à l’étude, l’installation d’une base avancée de la gendarmerie sur l’îlot Mtsamboro, déjà envisagée par le passé. Nous avons interpellé le ministre des Outre-mer sur les titres de séjour spécifiques à Mayotte, qui interdisent toute sortie du territoire, « il faut d’abord tarir le flux », nous a-t-il répondu.

Le précieux calumet de la paix des partenaires sociaux

L’évolution du Centre universitaire évoquée avec ses deux directeurs

Sur le terrain de la lutte contre l’insécurité, a été annoncé l’envoi de 40 forces de l’ordre supplémentaire, 13 gendarmes territoriaux et 27 policiers. Mais une partie de ces derniers seront affectés à la PAF, donc à la lutte contre l’immigration clandestine. Le Régiment du Service militaire Adapté (RSMA) sera doté de 7 à 8 millions d’euros pour accueillir 120 jeunes supplémentaires, les associations d’insertion de jeunes en déshérence recevront 1 million d’euros pour proposer « une réponse éducative ferme », l’Aide sociale à l’Enfance du Département, qui prend en charge les mineurs en danger, verra sa dotation réévaluée, et l’idée de l’installation éventuelle d’un commissariat en lieu et place de la brigade de gendarmerie à Koungou, est à l’étude. Les collectivités se verront allouer 1 million d’euros par an pour l’installation de caméras de vidéo-protection.

En matière de Santé, le financement du 2ème hôpital est sécurisé, « inscrit dans la loi de finances et le choix du terrain doit être arrêté dans les semaines qui viennent ». D’autres points sont inscrits dans le projet de loi Mayotte.

Sur l’attente forte du rattrapage des droits sociaux, la convergence a été avancée de 5 ans, pour la porter à 2031, « un des grands enjeux de la loi Mayotte », dixit Sébastien Lecornu. Seules les retraites, qui sont de moitié de celles de métropole, et qui impliquent un relèvement du taux de Sécurité sociale, feront l’objet d’un traitement par ordonnance, c’est à dire qu’il sera rattaché à un autre texte présenté rapidement au Parlement. Les autres prestations dépendent des cotisations prélevées sur les salaires, donc un rattrapage qui se veut progressif. « Une conférence sociale paritaire qui réunit les partenaires sociaux, patronat et salariés, devra acter les accords sur ces évolutions. Dans ce cas, ils seront inscrits à la loi de Finances de la Sécurité sociale. »

Une matinée a été consacrée au volet Santé

En matière de Justice, un Centre Educatif Fermé est enfin annoncé, ainsi que la visite possible du ministre Dupond-Moretti.

L’insuffisance de logements, notamment sociaux, devrait être compensée par l’arrivée d’un nouveau bailleur social, et d’un renforcement des moyens de la Commission d’Urgence Foncière, notamment avec la création d’un Tribunal du Foncier.

Pêle-mêle ont été abordés, une évolution dans le statut du port vers un Grand Port Maritime évoqué par les ministres aux élus du CD, qui sont priés de dresser dans un premier temps un bilan de la DSP, un renforcement du Centre universitaire, l’extension du commissariat, etc.

Cette loi Mayotte, Sébastien Lecornu a promis de la présenter au Parlement « cet automne ». Pourtant, pas de quoi rassurer d’autant que de nombreux points inscrits peuvent faire l’objet de décisions sans légiférer. On attend beaucoup de nos parlementaires donc.

Anne Perzo-Lafond

*L’Union des Comores n’est pas inscrite par l’OFPRA sur la liste des pays d’origine sûrs

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