Services à la personne adaptés à la culture locale, et plus chaleureux que les Maisons de retraite, aides alimentaires lors des confinements, soutien au logement, sont quelques uns des services rendus par les Centres communaux d’action sociale. Si les CCAS commencent à peine à être connus à Mayotte, c’est qu’ils sont tout jeunes. En 2009, une délégation dont faisait partie Ali Nizary, président de l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF), se rend au congrès de Metz (Moselle), « les mahorais avaient besoin de services de proximité de droits communs, les familles sont en carence sociale ici », nous confie-t-il. C’est l’actuelle députée Ramlati Ali, alors maire de Pamandzi, qui ouvre le 1er CCAS de l’île. Depuis, chaque commune s’en est dotée, avec des différents niveaux d’avancement.
Pour les accompagner, un premier événement avait eu lieu, le Pass’Palas, décroché par Anchya Bamana, alors présidente de l’UDCCAS, avait permis de fédérer les 17 CCAS naissantes. Deuxième round ces 13 et 14 septembre à Dzaoudzi Labattoir, le programme Design’Palas, cofinancé par le Fonds social européen (FSE) et l’Union Nationale des CCAS. En juin, une première formation au numérique avait bénéficié aux 17 structures qui avaient reçu des équipements informatiques.
Des CCAS sur-sollicitées
Alors que notre réalité ne colle pas à celle de la métropole, les CCAS sont attendues sur les projets innovants, et le 1er adjoint au maire de Dzaoudzi, Mikidache Houmadi, l’illustrait en cassant les codes dans son discours : « Ces deux journées consacrées à l’Université de l’Innovation Sociale, ne verront pas des échanges policées autour de propos légitimant les pratiques habituelles, mais des production de projets collants au plus prés de besoin de la population. Pour répondre à l’injonction d’innovations généralisée à la France entière, nous devons accepter trois conditions : rechercher les questions avant les réponses, accepter de ne pas avoir de réponses immédiates, imaginer les réponses à tester. Il faut innover, être ‘ringard’, au sens de bâton pour allumer le feu ! »
Dans le département le plus pauvre de France, comme le rappelait, Maymounati Moussa Ahamadi, à la fois conseillère départementale de Dzaoudzi et directrice de la Chambre Régionale de l’Economie sociale et solidaire (CRESS), la formation est primordiale, « un enjeu majeur, tout le monde devrait avoir accès au savoir. » Sur le même registre de la pauvreté, Benoît Calmels, président national des CCAS, constate : « Quand je suis venu en 2009, j’étais partagé, à la fois fier d’être français quand j’ai vu certaines initiatives, et moins fier quand on constate combien Mayotte est délaissée ».
Les CCAS ont beaucoup évolué en 1O ans, mais elles doivent se professionnaliser, notamment parce qu’elles sont déjà sollicitées au delà de leur capacité, explique Saïd Salim, président des CCAS de Mayotte : « Aujourd’hui, face aux difficultés de terrain, les CCAS sont sur tous les plans. La crise Covid les a mis sur le pont 24h sur 24, pour les aides alimentaires, les tests, la vaccination, etc. Chacun à un rôle à jouer. » Il appelait en clair à se recentrer sur ses missions, « l’Analyse des besoins sociaux est prioritaire, et l’identification des jeunes qui perturbent la sécurité. Un travail sera ensuite à mener avec l’Etat sur la régularisation administrative et l’insertion. Nous n’aurons pas beaucoup plus de moyens, il faut innover pour être efficace. »
L’indépendance politique, un sujet délicat
Elle n’était pas revenue depuis qu’elle a laissé le ministère des Outre-mer. Ericka Bareigts, Vice-Présidente de l’UNCCAS et maire de Saint-Denis (La Réunion), invite à prendre du recul, « on ne se rend pas compte mais des pas immenses ont été faits depuis mon dernier passage sur l’île. Des bâtiments publics dont des gymnases sont sortis de terre, des logements, l’état des routes s’est amélioré, les communes se sont toutes dotées de CCAS. Et je sais que vous êtes prêts pour cette nouvelle étape de professionnalisation des CCAS et de ses agents. Pour ça, il faut que vous innoviez en collant au territoire, ce que nous avions souligné dans la Loi égalité réelle, ‘il n’y a pas d’innovation sans expérimentation’, et l’inverse, il ne faut pas appliquer les politiques publiques à la verticale. ». »
Autre difficulté des CCAS, et politique celle-là, la forte dépendance avec le maire qui finance, et pose des problèmes d’indépendance, nous confiait un des responsables, qui espérait que la problématique sera abordée. On l’avait vu lors de l’établissement des listes des bénéficiaires des bons alimentaires lors du confinement, un argument qui peut être électoraliste. En tout cas, les élus étaient priés de quitter la salle avant que les 3 groupes de travail se mettent en place, sous la férule de deux animateurs, Pierre et Brice, qui proposaient de décliner le concept de Design’Palas sous trois paliers, l’exploration, la création, l’expérimentation.
Anne Perzo-Lafond