Nous avons tous vu la vidéo de jeunes s’affrontant à coup de pierres, alternativement jetées par les bandes de Mirereni et de Combani. Elle n’est pas filmée par un anonyme, mais par un journaliste, qui ne met pas en évidence l’un ou l’autre des deux camps, mais en deuxième plan les gendarmes présents en spectateurs. Le préfet Thierry Suquet s’explique, après s’être rendu sur place avec le président du Département, Ben Issa Ousseni.
S’il annonce que l’Etat restera « mobilisé », le représentant de l’Etat lance un « appel solennel à la paix » entre des deux villages, et juge que l’interposition des forces de l’ordre « inlassablement », n’est « qu’un remède, pas la solution ». S’il a constaté que les habitants sont « excédés », qui n’ont qu’un souhait, que les forces de l’ordre dégagent la chaussée, le représentant de l’Etat en appelle aux habitants « de bonne volonté », « car les torts sont partagés ». Avec un fil rouge, « retrouver et à prouver leur attachement à la devise de la République: liberté, égalité et, surtout, fraternité ». Il demande que toutes les composantes des deux villages s’en mêlent, « les élus, les associations locales, les clubs sportifs… Les représentants de l’État feront tout leur possible pour faciliter ce dialogue. »
Ce n’est pas tout à fait la même ligne que celle suivie par le député Kamardine qui interpellait le ministre de l’Intérieur lors des questions au gouvernement sur les évènements de Koungou, en évoquant des habitants « la boule au ventre » qui n’ont pas dormi: » L’Etat doit reconquérir les territoire perdus de Mayotte. Les mahorais vous demandent des actes fermes, d’aller plus loin plus vite plus fort. Interpeller, déferrer les malfrats et les reconduire à la frontière. »
Gérald Darmanin, un mois après sa visite à Mayotte, répondait avoir échangé avec le préfet pour que les personnes soient « interpellées, condamnées et effectivement s’il y a lieu, expulsées ».
Pour cela, une condition et Thierry Suquet la rappelle comme tant d’autres avant lui, en invitant les habitants à déposer plainte pour entrave à la circulation, pour que la justice « puisse œuvrer ». Rappelons que l’anonymat peut être garanti pour ceux qui dirigent leurs pas vers le tribunal.
Espérons que les jeunes ne prennent pas cette invitation à la fraternité comme un encouragement à resserrer les rangs entre eux, et une rallonge de récréation dans les guerres de gangs qui les occupent. La formule ne peut marcher que si les parents ou les référents sont impliqués et frappés au portefeuille, et que le jugement soit médiatisé. Mais sont-ils recherchés ?
Une position du préfet qui mise sur l’intelligence collective, quand parfois, il faut faire comme le Raminagrobis de la fable, et croquer les deux à la fois.
A.P-L.