D’abord, Mayotte va bénéficier des mesures nationales. « Nous représentons un centième de la politique nationale, et malgré nos spécificités, nous sommes très écoutés et très soutenus par les ministères », rassure Gilles Halbout. Ça fait du bien de l’entendre. Les 12 engagements du Grenelle portant notamment sur la gestion des carrières des personnels, l’autonomie donnée dans les projets et l’accès à de nouveaux droits sociaux, seront déclinés ici, en collant à la réalité. « Un petit exemple pour l’illustrer, le dispositif national PRÉAU permettra d’accéder à une offre de prestations culturelles, sociales, sportives, et touristiques à destination de tous les personnels du ministère de l’Éducation nationale. Une sorte de reconnaissance pour le personnel sur place, et en intégrant Mayotte dans cette offre, cela permettrait à ceux de la métropole d’en bénéficier et de découvrir l’île. » Une volonté de transposer les mesures nationales avec des idées locales.
Pour commencer, au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le chancelier des universités a parlé de la transformation de notre Centre universitaire de Formation et de Recherche (CUFR) en université de plein exercice. L’ancien président de la COMUE (Communauté d’universités et établissements) Languedoc-Roussillon, connaît le sujet sur le bout des doigts : « Il va falloir muscler la structure. Alors que le concept n’existait pas, il va falloir que le CUFR travaille sur un dialogue de gestion comme les autres universités, ça ne s’improvise pas. Il faut être prêt pour le 1er janvier 2024, ce qui sous-entend qu’entretemps, il faut analyser les compétences présentes, celles à acquérir, un challenge très intéressant à relever. » Alors que ce sont les établissements partenaires en métropole qui délivrent actuellement les diplômes du CUFR, le passage en université permettra de délivrer ses propres diplômes, sous condition d’obtention de demandes d’accréditation.
Vers un relèvement possible de l’indexation pour 2.500 fonctionnaires
A la demande d’un CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) propre à Mayotte, le recteur avait répondu qu’il n’y en avait qu’un seul aux Antilles. La réaction viscérale de ses interlocuteurs avait été de fuir un organisme qui serait piloté par La Réunion… le syndrome de l’ARS. « Ce n’est pas comparable, répond Gilles Halbout, le directeur de l’ARS Mayotte dépendait de celui de La Réunion. Pour les recteurs, il n’y a aucun lien de subordination entre nous. Nous pouvons donc envisager une co-direction équilibrée du CROUS entre nos deux îles dans un ensemble océan Indien, avec des perspectives d’évolution. »
Le CUFR va s’enrichir de nouvelles filières, avec de nouveaux masters en enseignement, et « une 3ème classe prépa d’écoles de commerce s’adressera à la rentrée prochaine à ceux qui ont suivi une voie technologique. » Elle sera ouverte au dynamique lycée des Lumières.
Le recteur a ensuite dirigé ses pas vers le ministère de l’Education nationale. Une ligne de la feuille de route symbolise à elle seule le dialogue social qui a prévalu lors de sa rédaction, la possibilité d’envisager « l’alignement de l’indexation sur d’autres territoires ou départements ultramarins », c’est à dire passer de 40 au 53% réunionnais. Pas tombée dans l’oreille d’un sourd chez ceux qui battent le pavé, la suggestion s’est transformée rapidement en promesse. Souvenons nous que le document la mentionne comme une réponse possible à « l’exposition aux dangers et aux conditions d’exercice des professionnels de l’éducation nationale » à Mayotte. « Il s’agit d’une mesure de stabilisation pour s’aligner sur La Réunion. Il faut avant tout cibler qui cela va concerner. Et à quelle cadence on peut la mettre en place. Il y a un gros enjeu de budgétisation auprès de Bercy. Les syndicats veulent être associés aux réunions, ce qui ne pose pas de problème au ministère qui doit faire le tour de tous les partenaires. » La mesure pourrait concerner 2.500 personnels.
Des AED pérennisés dans l’éducation
Les contractuels voient leur contrat passer de deux à trois ans, et l’ouverture de la mobilité vers les autres collectivités Outre-mer qui avait été testée l’année dernière doit encore trouver son cadre règlementaire. D’autres mesures sont en attente de validation, comme une convention avec la SIM ou d’autres bailleurs pour l’accès aux logements, ou l’octroi de tickets restaurant qui implique « la priorisation des établissements bénéficiaires », possiblement les moins attractifs.
Pour ceux là qui ne sont pas classés en réseau d’éducation prioritaire REP+, des moyens supplémentaires seront attribués, « nous en avons identifiés 5 où les carrières des personnels pourront bénéficier des conditions de REP+ ». Le statut des AED, assistants d’éducation, les « pions » de la jeunesse de ceux qui parlent du même temps que les moins de 40 ans, avaient souffert d’incompréhension, puisque vu comme un débouché possible, « nous avons obtenu qu’exceptionnellement à Mayotte, ils puissent continuer au-delà de 6 ans, comme adjoint de CPE. »
Ils avaient mené deux mouvements sociaux : les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) voient leur chemin vers la professionnalisation doté de 60 millions d’euros sur le plan national, et des contrats de 3 ans renouvelables, « à Mayotte nous les accompagnerons vers la certification d’aptitude professionnelle qu’ils n’avaient pas. »
Un bonus pour les anciens instit
Autre formation gagnante pour Mayotte, celle de professeur des écoles, déjà lancée, et qui va permettre d’avoir des enseignants qualifiés qui vont rester sur le territoire. Un concours d’un bon niveau, « ça a été plus difficile en interne, mais en externe, nous avons eu de très bons candidats », des contractuels qui poursuivent avec 2 ans de formation au CUFR pour devenir fonctionnaires.
Restent les anciens agents de la collectivité de Mayotte, basculés ensuite comme fonctionnaires d’Etat, qui n’ont donc pas de carrière entière à faire valoir à la retraite. « Au dispositif de retraite chapeau, ils préfèrent celui de la rupture conventionnelle de contrat, qui permet de décrocher un bonus au moment de partir à la retraite. C’est acquis, certains sont en discussion. Nous encourageons d’ailleurs les organisations syndicales à les accompagner dans l’obtention de leurs droits. »
C’est donc avec de nombreuses cases cochées sur sa feuille de route que Gilles Halbout rentre de Paris. Un document qui n’a rien d’une liste de course, « une feuille de route, ce n’est pas tout et tout de suite. Il faut encore border juridiquement et administrativement certains points. Mais je rappelle que nous nous sommes engagés et que nous n’avons démenti aucun point, nous nous y tenons. » Foi de recteur.
Anne Perzo-Lafond