Le SNUipp (Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles et Pegc) a proposé ce vendredi à la presse une visite impromptue d’écoles appliquant les nouveaux rythmes scolaires, notamment dans une école de Dzoumogné dans laquelle Le Journal de Mayotte s’est arrêté. Pour le syndicat, ces nouveaux rythmes doivent être suspendus à Mayotte.
C’est la fin de matinée à l’école de Dzoumogné 2, étape de la mi-journée de la tournée d’inspection syndicale des écoles du Nord. Le secrétaire général du SNUipp, Rivo et quelques membres du syndicat majoritaire des enseignants du premier degré, débarquent à l’improviste ce vendredi matin, pour « voir la réalité de la situation » de certaines écoles.
« On est pour l’abandon des 5 heures de classe le matin, c’est imparfait pour l’apprentissage des élèves. Mais il faut se rendre à l’évidence, alors qu’en métropole le nouveau système pose problème et fait polémique, je ne vois pas par quel miracle Mayotte, avec tous les retards qu’on a, peut mettre en oeuvre ce dispositif », analyse Rivo. Ce vendredi, le conseil syndical du SNUipp s’est officiellement prononcé pour la suspension de l’application des nouveaux rythmes scolaires à Mayotte.
L’année dernière, à cette heure-ci à Dzoumogné, les élèves auraient déjà été en week-end, mais la mairie de Bandraboua a décidé d’appliquer, dès cette année, les nouveaux rythmes scolaires, seule la commune de Mtamboro l’a imitée. L’école débute de 8h15 à 11h30, avant de reprendre entre 14 et 16h. Les treize écoles de la commune sont passées de cinq demi-journées de classe à neuf demi-journées, alors que les écoles de l’Hexagone ont « seulement » dû passer de huit à neuf.
L’irruption, avec les caméras de la télévision et les appareils photo de la presse, a le don d’irriter les animatrices de l’école, désormais chargées des écoliers à la pause de midi.
Les tensions sont vives, car la transition est difficile. La directrice de l’école, Marie-Thérèse Bouilliez explique : « La question des rythmes scolaires pose la question des infrastructures. Il y a de gros problèmes à résoudre dans cette école, par exemple il n’y a que deux robinets pour 400 élèves », déplore-t-elle. La situation était tenable lorsque les élèves n’étaient en classe que le matin, mais devient aujourd’hui ingérable.
Les syndicalistes ont voulu se déplacer pour constater eux-mêmes les manquements. « Apparemment, les élèves mangent dehors, dans la cour, on est venu pour constater cette situation » déclare Rivo. Les 273 nouveaux demi-pensionnaires de l’école se restauraient effectivement à même le sol ou sous le préau, mais la situation a évolué. « Depuis une semaine, les élèves peuvent manger dans leurs classes », appuie la directrice, le temps de mettre en place l’équipe du midi. Aujourd’hui 15 animateurs et animatrices (dont seulement trois ont le BAFA) sont en charge des 15 classes de l’école surchargées, avec plus de 30 enfants en moyenne.
Des obstacles et des portails
Rivo se défend, « si on prévient de notre passage, on est sûr de ne pas « savoir exactement ce qu’il se passe dans l’école », avant d’assumer « c’est un dispositif tellement merdique qu’ils essayent de le cacher ».
Un responsable de l’équipe municipale est prévenu par un agent de la sécurité de la mairie, furieux de voir les syndicats débarquer sans avoir prévenu. Mourtadhoi Minihaji est le directeur général administratif chargé de l’animation à la mairie de Bandraboua dont dépend le village de Dzoumogné, il est au centre de la mise en place de la prise en charge des élèves le midi.
Il reconnait que la décision du maire PS de Bandraboua, de prendre le train des nouveaux rythmes scolaires dès cette année, à l’instar des communes volontaires en métropole, allait rencontrer de nombreux obstacles. « Par exemple, on n’a pas de réfectoire, alors comment fait-on ? Et bien il a fallu trouver quinze personnes en charge des quinze classes durant les deux heures la pause du midi », souligne-t-il.
Une personne supplémentaire est également nécessaire pour garder le portail qui ne ferme plus depuis plusieurs années. « Ça aurait pu être fait bien avant, concède le DGA, mais aujourd’hui nous lançons les appels d’offres pour être vraiment en place l’année prochaine ».
La directrice conseille, elle, aux autres communes de « bien profiter de cette année pour se concerter en amont entre équipe municipale et éducation nationale ».
L’Etat aide les communes qui ont décidé de passer à la semaine de 4 jours et demi dès cette année, obligatoire dès la rentrée 2014. La commune de Bandradoua devrait recevoir très prochainement 225 000 euros. Mourtadhoi Minihaji estime lui le coût de cette transition à plus de 500 000 euros, travaux et achats de matériels périscolaires inclus.
Ce constat ne dit pas si ce sont vraiment les nouveaux rythmes qui contraignent une école de 400 élèves à avoir plus de deux points d’eau.
Axel Lebruman